Jon Cooper ridiculisé: Nick Suzuki victime de sa réputation

Jon Cooper ridiculisé: Nick Suzuki victime de sa réputation

Par Nicolas Pérusse le 2025-09-08

Quand un entraîneur de la trempe de Jon Cooper avoue s’être trompé, ça devrait ébranler la planète hockey.

Et pourtant, l’aveu est passé presque inaperçu.

À Calgary, lors du camp d’orientation d’Équipe Canada, l’homme derrière deux Coupes Stanley avec le Lightning a reconnu qu’il avait sous-estimé Nick Suzuki. Pire encore : il a admis qu’il s’était fait une idée fausse de lui, sans même vraiment le connaître.

« Je m’étais promis de passer du temps avec lui à Calgary, a raconté Cooper. J’ai appris qu’il est un jeune phénoménal. Plutôt discret, mais très engagé, et j’ai passé un excellent moment avec lui. »

Ce constat, livré avec la sincérité d’un entraîneur qui pensait bien faire, révèle en fait un scandale beaucoup plus large : Nick Suzuki traîne depuis trop longtemps une réputation qui lui colle à la peau et qui nuit à sa carrière.

Car il ne s’agit pas seulement de Cooper. Il ne s’agit pas seulement d’un entraîneur qui, à force de voir Suzuki à travers l’écran de sa télé ou les feuilles de statistiques, s’était construit une image incomplète de lui.

Non. Cooper n’a fait que dire tout haut ce que bien des dirigeants, des journalistes et même des partisans pensent encore en silence. Suzuki est trop souvent jugé par ce qu’on croit de lui, plutôt que par ce qu’il démontre chaque soir sur la glace.

Et le prix à payer, c’est l’injustice.

Malgré une saison de 89 points, sa meilleure en carrière, Suzuki a encore été relégué au second plan. Treizième au scrutin du Selke, comme si ses efforts défensifs n’étaient qu’une note de bas de page.

Ignoré par Équipe Canada pour le tournoi des 4 Nations, comme si son jeu complet ne méritait même pas d’être évalué dans un alignement où on retrouvait pourtant des noms moins dominants.

Il marque, il distribue, il défend, il bloque des tirs. Il peut jouer en désavantage numérique, en avantage numérique, dans toutes les situations critiques. Mais Suzuki reste étiqueté comme un joueur « discret ». Et cette discrétion, loin d’être une qualité pour les électeurs et les décideurs, est devenue son plus grand handicap.

Le problème, c’est qu’en NHL comme chez Hockey Canada, le système est verrouillé.

Pour le Selke, les mêmes noms reviennent toujours. Les réseaux d’influence font circuler les invitations comme des cartes de membre. Barkov, Kopitar, Stone, Cirelli… autant de joueurs qu’on respecte à juste titre, mais qui bénéficient surtout de leur appartenance à des marchés plus favorisés, à des équipes mieux établies, ou à une aura déjà confirmée.

Suzuki, lui, doit lutter contre un biais tenace : celui d’un centre numéro un dans une équipe en reconstruction, qu’on refuse encore de placer parmi l’élite.

Et au Québec, le contraste est encore plus cruel.

Suzuki n’est pas seulement victime du regard froid de la ligue. Il subit aussi la charge répétée de Michel Bergeron, qui voit en lui un capitaine effacé, incapable de s’imposer, encore marqué par son refus d’apprendre le français après six ans à Montréal.

Comme si, pour certains, la langue parlée en conférence de presse avait plus de valeur que les responsabilités assumées chaque soir sur la glace.

Ce discours, déjà abrasif, a pris une tournure explosive quand Ivan Demidov, 18 ans, a choisi de passer tout son été à Montréal. Entraînements intensifs à Brossard, cours d’anglais et même cours de français.

Le jeune Russe a compris en quelques jours ce que Suzuki traîne comme reproche depuis des années : à Montréal, on n’a pas le droit d’être perçu comme distant ou déconnecté. Demidov a saisi la nuance, et il en a fait une force. Suzuki, lui, continue d’être scruté sous la loupe d’un Québec qui n’accorde aucun répit à ses capitaines.

C’est dans ce climat empoisonné que les propos de Jon Cooper résonnent comme une gifle.

Car en avouant qu’il avait lui-même mal jugé Suzuki, le coach canadien a exposé le cœur du problème. Suzuki ne paie pas pour ses performances. Il paie pour une réputation forgée à distance. Une image déformée, entretenue par des clichés : trop calme, trop effacé, pas assez flamboyant.

Or, tout cela vole en éclats quand on le côtoie vraiment.

Cooper l’a découvert. Il a vu un jeune homme attentif, charismatique à sa manière, capable de s’investir sans chercher les projecteurs. Il a vu un joueur qui incarne exactement ce qu’Équipe Canada recherche : constance, polyvalence, fiabilité.

Alors oui, Cooper est ridiculisé.

Parce que son aveu trahit une faute professionnelle. Juger un joueur avant de le connaître, avant de l’avoir analysé, c’est indigne d’un entraîneur de ce calibre.

Mais Cooper n’est pas seul. Il est le miroir d’un système qui, depuis trop longtemps, refuse de voir Suzuki pour ce qu’il est vraiment.

Et Suzuki, dans tout ça?

Il encaisse. Il sourit. Et il continue.

Parce qu’il a toujours fonctionné ainsi : chaque fois qu’on le sous-estime, il prend ça comme du carburant.

Souvenez-vous de la date limite des transactions. Quand Kent Hughes songeait à bouger des vétérans, Suzuki est allé le voir : « Laisse-moi mes coéquipiers. Je te promets qu’on fera les séries avec cette équipe-là. » Et il a tenu parole.

Ce n’est pas un hasard. C’est sa façon de répondre : sur la glace, dans les faits, dans le défi.

Alors oui, Équipe Canada peut encore l’ignorer. Oui, le Selke peut encore lui échapper. Mais attention.

Car Nick Suzuki n’est pas seulement un joueur talentueux.

C’est une bombe à retardement.

Derrière son air réservé, derrière son calme désarmant, se cache un compétiteur féroce qui se nourrit du doute des autres. Et chaque fois qu’on le provoque, qu’on le relègue dans l’ombre, il passe en deuxième vitesse.

Et c'est ça l'ADN d'un vrai capitaine.

Parce que si Nick Suzuki continue d’être victime d’une réputation qui ne reflète pas sa valeur, il finira par tout renverser.

Et ce jour-là, ce ne sera pas seulement une sélection olympique qu’il arrachera.

Ce sera une revanche contre tout un système qui n’a jamais voulu lui donner sa juste place.