Jonathan Marchessault a le coeur brisé: son témoignage nous donne des frissons dans le dos

Jonathan Marchessault a le coeur brisé: son témoignage nous donne des frissons dans le dos

Par David Garel le 2025-04-06

Il y a quelque chose de bouleversant, de presque irréel, dans les propos tenus par Jonathan Marchessault au Bridgestone Arena à Nashville.

L’homme qui, il y a quelques mois à peine, se méfiait ouvertement de la pression montréalaise, de l’intensité des médias, de l’amour parfois toxique du public québécois pour ses héros, a eu ce week-end un moment de lucidité, d’humanité, d’admiration… presque de repentance.

C’est comme s’il avait, en quelques phrases lancées à brûle-pourpoint, reconnu – sans jamais le dire – qu’il aurait peut-être dû choisir Montréal.

Ce n’est pas banal. Ce n’est pas anodin. C’est historique.

Car Marchessault ne parle pas dans le vide. Il sait très bien que ses mots font écho dans toute la LNH. Et pourtant, il s’est laissé emporter, sans retenue, en rendant hommage au Canadien de Montréal, à Martin St-Louis, à Nick Suzuki, à la direction, aux gardiens… à tout ce qu’il avait fui.

“C’est une équipe inspirante à regarder”, a-t-il soufflé, le regard lourd, comme s’il parlait d’un monde auquel il n’a pas accès. Il a encensé le leadership, la constance, le système de jeu.

Il a même laissé entendre qu’il souhaitait voir le CH accéder aux séries. Ce même CH qu’il avait évité, qu’il avait accusé, presque méprisé.

Revenons en arrière.

L’été dernier, Marchessault avait l’occasion parfaite de rentrer à la maison. Le CH l’avait contacté. Les discussions étaient réelles.

Son nom figurait au sommet de la liste de Kent Hughes. Il y avait un vide à combler à l’aile droite, et personne ne comprenait mieux la culture montréalaise qu’un gars comme lui, champion de la Coupe Stanley, dur à l’ouvrage, flamboyant sur la glace et coloré hors de la patinoire.

Mais Jonathan a dit non.

Il ne l’a pas dit ainsi, bien sûr. Il a préféré la voie détournée : il a évoqué ses enfants. Il a dit craindre qu’ils soient dérangés à l’école.

Il a répété que Montréal était une “ville de pression”, que les joueurs offensifs devenaient vite la cible des rumeurs d’échange s’ils connaissaient quelques matchs sans point.

Il a expliqué que le cirque médiatique était trop lourd à porter, qu’il préférait une vie paisible. Il a même affirmé : “Je viens une fois par année à Montréal et je me dis que c’est suffisant.”

Ce fut un coup de poignard pour plusieurs fans.

Mais ce fut surtout, en coulisses, une humiliation pour Kent Hughes, qui croyait sincèrement pouvoir ramener un Québécois vedette au bercail.

Marchessault, à ce moment précis, a été vu comme un autre Québécois qui “utilise” le CH pour faire monter les enchères ailleurs.

Un autre qui dit aimer Montréal, mais qui aime plus encore les billets verts américains et l’anonymat des marchés secondaires. Et puis il a signé à Nashville : cinq ans, 27,5 millions, en compagnie de Steven Stamkos (32 millions sur quatre ans) et Brady Skjei (49 millions sur sept ans). Barry Trotz, le nouveau DG des Predators, avait vidé son coffre-fort. Il voulait gagner. Il croyait que cette bande de vétérans pourrait relancer la franchise.

Mais la réalité, cruelle, a rattrapé tout le monde.

Et Marchessault le premier.

Il ne s’agit pas d’une mauvaise séquence.

Il s’agit d’un effondrement total.

Les Predators sont 30es au classement. Marchessault, lui, a vu sa saison basculer dès septembre, lorsque sa mère, Lesly, a été emportée par une crise cardiaque. Il s’apprêtait à rentrer à Québec pour le retrait de son chandail avec les Remparts. La douleur a été foudroyante. Elle l’est toujours.

Puis, il a dû quitter sa maison de Vegas, celle où il avait tout construit. Il s’est vu montrer la porte par Kelly McCrimmon, son DG, sans même une offre sérieuse sur la table. Marchessault l’a mal digéré. Très mal. Il l’a même dit publiquement : “Je ne comprends pas. J’aurais aimé une reconnaissance pour tout ce que j’ai fait.”

Mais McCrimmon, stratège froid, savait déjà ce que Marchessault refusait d’admettre : que son pic était passé. Qu’il n’était plus un joueur autour duquel bâtir. Qu’il ne valait plus cinq ans d’engagement garanti. Qu’il n’était plus le moteur… mais le passager.

Et à Nashville?

Le rêve s’est transformé en cauchemar. Rapidement.

L’équipe a enchaîné les séries de défaites. Stamkos a cessé de produire. Brunette a commencé à critiquer ses vétérans. Marchessault a raté des matchs.

Et dans une séquence surréaliste, il a coûté un but au CH, s’est perdu dans une mêlée de propos incohérents après un match… pour finir par admettre à demi-mot : “Faut que je me regarde dans le miroir.”

La frustration, l’amertume, le ressentiment ont fini par le déborder.

Et là, à bout de souffle, à bout de mots, il se met à parler du CH.

Pas en mal.

Pas avec sarcasme.

Mais avec admiration. Avec une forme de nostalgie… d’envie.

“Ils ne se sont pas précipités. Ils ont un plan. Ils jouent comme Martin jouait.”

“Suzuki est rendu un joueur complet.”

“Ils ont un bon système, ils méritent d’être en séries.”

Et surtout, cette phrase qui a fait bondir New York :

“Les Rangers ne méritent pas d’être en séries.”

Ouch.

En pleine course. En pleine bataille. À une semaine de la fin.

Il ose. Il frappe. Il donne toutes ses fleurs au CH… et il rabaisse une autre équipe.

Les médias new-yorkais ont relayé ses propos. Les réseaux sociaux ont explosé.

Et tout ça vient de l’homme qui, il y a neuf mois, disait qu’il ne voulait pas vivre à Montréal parce que “trop de pression”, “trop de micros”, “trop de spéculations”.

Il ne le dira jamais à haute voix. Il ne le confessera pas.

Mais Jonathan Marchessault regrette.

Il voit Martin St-Louis transformer une bande de jeunes en guerriers. Il voit Suzuki devenir un meneur, Slafkovsky exploser, Hutson faire rêver.

Il voit une ville vibrer. Et il est coincé dans un amphithéâtre désert, où les défaites s’enchaînent, où même Stamkos ne marque plus, où les fans désertent, où Barry Trotz est hué.

Et il se rend compte qu’il n’a pas signé avec une équipe.

Il a signé avec une illusion.

Marchessault aurait pu être une légende à Montréal.

Un héros de la province. Un modèle. Un retour au bercail célébré.

Au lieu de ça, il est un vétéran en exil, qui regarde le train passer, impuissant.

Oui, il a 49 points. Oui, il produit encore. Oui, il n’est pas fini.

Mais ce n’est plus un joueur qui construit. C’est un joueur qui panse ses blessures.

Et son cœur brisé parle pour lui.

À Montréal, on n’a pas besoin d’un ailier nostalgique.

On a besoin d’un deuxième centre.

On a besoin d’un bâtisseur.

Et Marchessault, qu’il le veuille ou non, a laissé passer son heure.

Il aura beau répéter qu’il ne regrette rien…

Mais ses yeux, ses mots, ses silences, disent tout le contraire.

Et Montréal, aujourd’hui, n’a plus besoin de ses fleurs.

Et pourtant, même dans cette mer de regrets voilés, Jonathan Marchessault a tenu à se justifier.

« Dans la position où j’étais cet été, je ne regrette rien. »

Une phrase lancée presque mécaniquement, comme pour se convaincre lui-même. Il a ensuite ajouté : « Sur papier, quand tu regardes l’équipe, le potentiel de participer aux séries, Nashville était ma meilleure option. »

Mais quelques secondes plus tard, c’est une autre vérité qui est sortie, une vérité qu’il ne pouvait plus cacher : « C’est la preuve que le hockey, ça se passe sur la glace. »

Exactement.

Et sur la glace, Marchessault n’est pas en séries.

Sur la glace, il regarde une équipe qu’il a refusée, s’enflammer à l’approche des séries.

Alors oui, il a dit : « Ils jouent comme Martin [St-Louis] jouait. Ils travaillent fort, trio après trio. »

Oui, il a dit : « Je trouve que le Canadien mérite d’être en séries. »

Oui, il a dit : « Je regardais les Rangers hier, ils ne méritent pas de rentrer en séries. »

Et oui, il a dit : « C’est une équipe inspirante à regarder. »

Mais à ce stade-ci, c’est trop peu, trop tard.

Le jardin pousse très bien sans lui.

Et ce sont les fleurs qu’il aurait pu porter qui fleurissent aujourd’hui… dans un autre uniforme.