La nuit de lundi restera gravée comme l’un des pires moments de la reconstruction du Canadien de Montréal, non pas parce que le CH a joué, mais parce qu’un jeune centre américain, ignoré par Kent Hughes alors que l’organisation manquait dramatiquement de talent pur au centre, a humilié toute la logique du repêchage 2022.
Logan Cooley, 21 ans, a marqué quatre buts, cinq points, a dominé la glace comme un vétéran d’élite et est devenu officiellement, statistiquement et symboliquement, le meilleur joueur de sa cuvée… devant Lane Hutson... et Juraj Slafkovský...
Il ne s’agit pas d’une opinion polémique mais d’un fait brutal : Cooley a déjà 125 points en 179 matchs, Slafkovský en a 121 en 221.
Et surtout : Cooley joue au centre, il porte son équipe, il dicte le jeu, il est devenu la pierre angulaire du Mammoth d’Utah, pendant que Slafkovský se débat encore pour prouver qu’il mérite son statut de premier choix.
Cette comparaison, qui dormait momentanément, vient de se réveiller dans un cri d’alarme qui résonne jusqu’au bureau de Hughes à Brossard, parce que ce match de Cooley, combiné à son nouveau contrat de 8 ans et 80 millions, rappelle que le Canadien a laissé filer un centre numéro un potentiel, un générateur d’attaque complet, costaud, explosif, qui coche toutes les cases qu’on cherche désespérément depuis des lunes.
Les partisans ne rêvent pas : Slafkovský doit faire des cauchemars à la seule idée du raz-de-marée médiatique qui l’attend.
Cooley vient de frapper un coup de circuit qui annule toute tentative de relativisation. Dix millions par année, troisième plus gros contrat jamais offert à un joueur sortant de son entrée de contrat professionnel, sans un dollar de bonus, une preuve d’arrogance assumée d’un joueur qui sait qu’il est supérieur.
Et pendant que Cooley récolte les honneurs, Slafkovský se retrouve prisonnier d’un rôle qu’il n’a jamais su maîtriser : celui du premier choix censé changer un club. Ce n’était pas lui. Ce n’était jamais lui. Et Kent Hughes le savait.
Avant d’être DG du Canadien, Hughes baignait dans le programme américain. Il connaissait mieux que quiconque les joueurs qui allaient sortir du U.S. National Team Development Program. Il savait que Logan Cooley était un phénomène. Il savait que Logan Cooley était le choix logique. Il savait que Logan Cooley avait joué avec son fils.
Il savait que le talent pur, la vision, le centre d’élite, c’était lui. Et il a quand même choisi Slafkovský. Pourquoi? Parce qu’il croyait que Kirby Dach serait le deuxième centre. Parce qu’il croyait qu’Alex Newhook serait son ailier de top-6. Parce qu’il croyait à une chimie théorique et une reconstruction qui reposait sur des certitudes fabriquées.
Mais aujourd’hui, ce château de cartes s’écroule. Le duo Dach-Newhook, censé être le moteur de la relance, est encore à l'infirmerie.
Dach, présenté comme le centre de deuxième trio parfait, n’a jamais montré les signes d’un leader offensif. Et c’est exactement ici que l’erreur Cooley devient impardonnable : le Canadien manque dramatiquement de talent pur au centre, et on réalise maintenant que l’équipe aurait pu posséder Suzuki et Cooley, une combinaison qui aurait changé le visage de la franchise.
Pendant ce temps, Slafkovský, malgré ses qualités physiques, n’a jamais été un premier choix total. Il n’a jamais dominé sa génération. Sa production demeure celle d’un bon ailier de soutien, pas d’une pierre angulaire.
Et la vérité, c’est qu’à Montréal, personne n’ose encore dire à voix haute ce que tous voient : Slafkovský n’était pas le choix. Cooley était le choix.
Cooley n’est pas seulement plus productif. Il est plus complet, plus dynamique, plus explosif, plus décisif. Il lit le jeu plus vite. Il marque plus, il crée plus, il transporte la rondelle avec une aisance que Slafkovský n’a jamais démontrée.
Il possède ce "high-end skill" recherché par toutes les équipes modernes. Et surtout : c’est un centre. Montréal en manque depuis dix ans. Ce n’est pas un détail. C’est la nature même de la construction d’un club aspirant à la Coupe Stanley.
Le Canadien, au lieu de corriger cette lacune historique, l’a aggravée par naïveté et par orgueil. On voulait tellement se grossir... qu'on a oublié le talent.
On croyait pouvoir contourner la réalité. Résultat : non seulement le CH manque d’un centre top-6, mais il manque aussi d’un ailier de premier plan, parce que l’organisation a aussi laissé passer Matvei Michkov, convaincue que Newhook allait occuper ce rôle. Une erreur sur toute la ligne.
Encore une fois, on a sélectionné un besoin (défenseur droitier, David Reinbacher) avant le talent (Michkov).
Ce qui rend la situation encore plus accablante, c’est que les décisions de Hughes et Gorton n’étaient pas seulement des paris : elles reposaient sur une vision erronée du développement.
Le CH n’a pas échoué en se trompant de joueur, il a échoué en se trompant d’approche. On a favorisé les besoins rapides au lieu de miser sur le talent brut générationnel.
Aujourd’hui, non seulement ces projections se sont effondrées, mais elles ont coûté l’avenir du club. Si le CH avait repêché Logan Cooley en 2022 et Matvei Michkov en 2023, on serait deux ans plus avancés dans la reconstruction. On serait une équipe dangereuse. On serait une équipe excitante. On serait enfin une équipe d’avenir.
À la place, le Canadien patine dans ses illusions. Martin St-Louis reçoit les critiques, mais il n’est pas l’architecte de ces erreurs. Il gère ce qu’on lui a donné.
Et ce qu’on lui a donné, c’est une reconstruction bricolée, basée sur des espoirs, pas sur des certitudes. La patience des partisans s’épuise. L’organisation manque de talent élite. Et chaque fois que Logan Cooley inscrit un autre point, un autre but, un autre exploit, c’est Montréal qui paie la facture.
Le verdict est brutal, mais inévitable : le CH s’est trompé. Logan Cooley était la réponse. Slafkovský était un mirage.
Et maintenant que l’Américain vient de signer un contrat de 80 millions, devenir une star, écraser la LNH à 21 ans et dépasser Slafkovský partout où ça compte, il devient impossible d’éviter la conclusion qui dérange.
Si le Canadien avait repêché Logan Cooley, et s’il avait repêché Matvei Michkov, cette reconstruction serait déjà en marche.
Au lieu de ça, on recommence à zéro.
