Kent Hughes avertit Patrik Laine: un dossier qui tourne au fiasco

Kent Hughes avertit Patrik Laine: un dossier qui tourne au fiasco

Par David Garel le 2025-10-06

Le dossier Patrik Laine est en train de mal tourner.

On parle d'un cas qui dépasse le strict terrain sportif pour devenir un boulet politique, psychologique et structurel.

Patrik Laine est aujourd’hui exactement cela pour le Canadien de Montréal : une patate chaude monumentale qu’on tente de tenir à bout de bras pour éviter qu’elle n’explose dans le vestiaire ou sur la place publique.

Et le malaise est devenu si lourd, si omniprésent, que même le directeur général Kent Hughes a dû s’asseoir avec le joueur cet été, une démarche rarissime qui en dit long sur l’état des choses.

Dans une entrevue accordée à Guillaume Lefrançois de La Presse, Hughes a confirmé qu’il avait eu une longue discussion avec Laine au cours de l’entre-saison.

« Des fois, ça prend une communication, un reset. Je lui ai parlé de son jeu à 5 contre 5. Je lui ai dit que les attentes n’étaient pas qu’il score 40 buts, mais qu’il montre des améliorations à 5 contre 5 », a expliqué le DG montréalais.

Pour un joueur vétéran de 27 ans, ancien deuxième choix au total et auteur de plus de 200 buts dans la LNH, ce genre d’entretien n’est pas banal. Ce n’est pas un échange informel dans le bureau d’un coach. C’est un dirigeant qui prend les commandes d’un dossier en crise.

Hughes l’admet lui-même : ce type d’intervention ne concerne « peut-être un ou deux joueurs par année ». Habituellement, ces rencontres sont réservées aux jeunes talents qui doivent être recadrés dans un contexte de développement, comme Juraj Slafkovsky l’avait vécu dans la série documentaire La reconstruction.

Qu’un DG doive s’impliquer directement avec un vétéran, c’est le signe que la relation joueur-entraîneur est déjà sous tension, et que l’organisation cherche à éviter un effondrement dans le vestiaire.

Le contexte explique cette décision. La saison dernière, Martin St-Louis a semblé désarmé devant le cas Laine. À compter du 1er février, l’ailier finlandais a disputé 29 matchs ; dans 11 de ces rencontres, il a joué moins de 12 minutes. Il a manqué six matchs en saison régulière et trois en séries, officiellement à cause de la grippe pour six d’entre eux.

Mais derrière les raisons médicales se cachait une réalité bien plus préoccupante : quand Laine était sur la glace à 5 contre 5, le Canadien se faisait manger tout rond.

Le différentiel des tentatives de tir était de 445 contre 662. Les chances de marquer : 77 contre 126. Les buts : 17 contre 26. C’était le pire ratio du club à forces égales.

Ces chiffres parlent d’eux-mêmes. Ils ne décrivent pas un joueur en difficulté momentanée, mais un problème structurel dans le jeu collectif.

Laine reste une menace en avantage numérique : il a marqué 20 buts la saison dernière malgré 30 matchs ratés et a terminé 4e de la LNH pour les buts en supériorité numérique. Mais en dehors de cette spécialité, il est devenu un fardeau.

Kent Hughes a donc tenté un « reset ». Il a demandé à Laine d’entamer un vrai processus de transformation pendant l’été.

« Le plus dur, c’est de faire des changements dans un jeu très rapide. Ce n’est pas facile de réfléchir quand tout se passe autour de toi. Donc je lui ai dit : n’attends pas en septembre, travaille là-dessus dès maintenant. Tu es sur la glace tout l’été. Pratique-toi pour des situations où tu n’as pas à penser, où tu réagis. Mets-toi dans la position la plus naturelle », a-t-il raconté.

Le message était clair : si Laine veut rester dans la LNH au-delà de son contrat actuel, il doit redevenir un joueur utile à 5 contre 5. Sinon, la pente sera glissante… et courte.

Cette intervention, aussi rationnelle soit-elle, souligne un malaise plus profond. On gère Laine comme un enfant fragile, comme un dossier qu’il faut encadrer avec des gants blancs pour éviter qu’il n’éclate.

Martin St-Louis l’a protégé tout le camp, inversant l’ordre des trios dans les répétitions pour ne pas l’humilier publiquement, évitant de répondre franchement aux journalistes sur son rôle, et cherchant constamment à « gérer l’émotion » autour de lui. Mais plus les jours passent, plus le décalage entre le discours et la réalité se creuse.

En quatre matchs préparatoires, Laine a marqué deux buts… mais a affiché un différentiel de -4, dont un match de -3 lorsqu’il formait un trio avec Kirby Dach et Ivan Demidov.

Ce trio présenté comme le deuxième du Canadien avant le camp a été démantelé en un éclair, incapables de tenir la cadence.

Résultat : Laine se retrouve désormais sur le quatrième trio avec Jake Evans et Josh Anderson, deux joueurs qui incarnent davantage la rigueur défensive que la création offensive. C’est une descente symbolique et concrète. Et elle est surveillée par tous.

Dans un marché comme Montréal, une telle situation devient rapidement un feuilleton. Les partisans ont déjà tourné la page : dans un sondage de La Presse, 31,6 % des répondants ont identifié Laine comme la déception à venir de la saison.

Plus du quart d’entre eux croient qu’il sera le premier joueur échangé. Et sur les réseaux sociaux, chaque alignement d’entraînement où son nom figure trop haut provoque des réactions en chaîne. St-Louis le sait. Hughes le sait. C’est pourquoi on avance sur la pointe des pieds.

Mais cette gestion paternaliste atteint ses limites. Dans une équipe qui mise sur la vitesse, la cohésion et la jeunesse, Laine détonne. Il n’est pas échangeable facilement à cause de son salaire de 8,7 millions de dollars.

Le mettre au ballotage pour l'envoyer à Laval, comme Pittsburgh vient de le faire avec Ryan Graves malgré quatre années restantes à 4,5 millions par saison, provoquerait une onde de choc.

Le rétrograder à Laval ? Il pourrait tout simplement refuser de se rapporter. Le garder comme 13e attaquant serait ingérable émotionnellement pour lui comme pour le vestiaire.

Et c’est là que le rôle de Kent Hughes devient crucial. Quand un directeur général doit intervenir directement pour « resetter » un joueur, c’est qu’il anticipe une crise majeure.

Sa discussion estivale avec Laine n’était pas un geste anodin. C’était une tentative de désamorcer à l’avance une bombe qui, en ce début de saison, continue pourtant de faire tic-tac.

Martin St-Louis tente de maintenir la façade. Il dit qu’il voit des améliorations à 5 contre 5 dans les deux derniers matchs préparatoires.

Hughes dit la même chose. Mais derrière ces petites phrases diplomatiques, tout le monde sent que la corde est raide.

Les partisans ont cessé d’y croire. Les médias observent chaque mouvement. Et Laine, malgré ses efforts affichés, n’a pas encore montré sur la glace qu’il pouvait inverser la tendance.

Ce malaise, aujourd’hui, n’est plus seulement un enjeu sportif. Il est devenu une question d’image, de leadership et de crédibilité.

Kent Hughes a mis son autorité dans la balance pour encadrer Laine. Si la situation dérape, ce ne sera plus seulement le joueur qui sera pointé du doigt, mais aussi la capacité de l’organisation à gérer ses « cas problématiques ».

Le sort de Patrik Laine à Montréal se joue maintenant. Et tout indique qu’il suffirait d’un mauvais départ, d’une série de matchs décevants ou d’un éclat médiatique pour que ce dossier prenne une tournure irréversible.

Pour l’instant, Kent Hughes et Martin St-Louis tiennent encore le couvercle sur la marmite. Mais la vapeur monte. Et tout le monde sent que ça pourrait exploser.