On les attendait au virage, Kent Hughes et Jeff Gorton. Le tandem qui, depuis leur arrivée en novembre 2021, s’est lancé dans une reconstruction audacieuse, se retrouve maintenant face à un dilemme qu’ils n’avaient probablement pas prévu : une équipe qui gagne.
Oui, gagner. Un mot qu’on n’associait pas au Canadien de Montréal depuis un bon moment, et certainement pas cette saison où tout semblait prédestiné à un autre chapitre de « patience et développement ».
Mais voilà que cette patience est mise à l’épreuve, car cette équipe jeune et fougueuse est désormais dans la course aux séries éliminatoires.
Avec une fiche de 8 victoires et 2 défaites à leurs dix derniers matchs, le Canadien est tout simplement l’équipe la plus chaude de la Ligue nationale.
Même les Golden Knights de Vegas, champions en titre en 2023, ont dû plier l’échine devant cette bande de jeunes affamés.
Les statistiques sont là pour prouver que ce n’est pas un simple coup de chance. Le Canadien joue avec intensité, discipline et, surtout, avec une confiance qui enflamme le vestiaire et les gradins du Centre Bell.
Mais ce succès inattendu amène son lot de défis. Hughes et Gorton doivent désormais jongler avec un calendrier qui ne pardonne pas, des attentes grandissantes des partisans, et une masse salariale qui leur offre des opportunités alléchantes.
Doivent-ils devenir des acheteurs à la date limite des transactions et tenter de solidifier cette position en séries?
Ou doivent-ils rester fidèles à leur plan initial et refuser de compromettre l’avenir pour une participation potentiellement éphémère aux séries?
C’est là que les eaux deviennent tumultueuses, et chaque décision pourrait avoir des répercussions importantes pour les saisons à venir.
La victoire en prolongation contre Vancouver hier soir en est un parfait exemple. Menés 3-1 à mi-chemin dans le match, les Canadiens ont orchestré une remontée spectaculaire pour finalement l’emporter 5-4 grâce à un but de Nick Suzuki.
Lane Hutson, le jeune prodige de la brigade défensive, a marqué un but crucial dans cette victoire, un tir qui a dévié sur le patin de Quinn Hughes pour finir dans le filet.
Ce moment illustre parfaitement ce qui rend cette équipe spéciale : un mélange de talent brut, de chance, et d’un esprit de combat indéniable.
Mais ce succès n’est pas sans nuages. Hier soir, la fatigue accumulée après un long voyage de plusieurs villes s’est fait sentir, particulièrement en deuxième période.
L’énergie de l’équipe semble venir de tous les coins du vestiaire. Jake Evans, par exemple, continue de se démarquer avec son jeu inspiré.
Même les vétérans comme Josh Anderson et Brendan Gallagher apportent leur pierre à l’édifice, malgré des statistiques moins reluisantes.
Et que dire de Patrik Laine, dont l’impact depuis son retour est indéniable.
Avec 10 points en 13 matchs avant sa grippe, il a injecté une dose de talent offensif qui manquait cruellement à cette équipe. Même si Laine n’a pas joué les derniers matchs, son influence continue de se faire sentir.
Le succès de l’équipe repose également sur les épaules de Martin St-Louis, qui pourrait bien être en lice pour le trophée Jack Adams cette année.
Sa capacité à transformer une équipe en pleine reconstruction en une formation compétitive est remarquable. « Il y a une grosse différence entre devoir manger, parce qu’il faut manger, puis avoir faim », a déclaré St-Louis récemment.
Et il est clair que cette équipe a faim. La discipline et la constance qu’il exige de ses joueurs sont visibles à chaque match, et les résultats parlent d’eux-mêmes.
Mais Hughes et Gorton savent qu’ils doivent rester prudents. Le succès immédiat est grisant, mais il ne doit pas venir au détriment de l’avenir.
Avec un espace sur la masse salariale qui pourrait leur permettre de faire un gros coup à la date limite des transactions, la tentation est forte.
Mais à quel prix? Sacrifier des choix au repêchage ou des espoirs prometteurs pour une participation aux séries pourrait être un pari risqué.
D’un autre côté, ignorer cette opportunité pourrait envoyer un message mitigé à une équipe qui croit en elle-même.
Les médias, même en dehors du Canada, commencent à prendre note. « Ain’t nothing soft about what we saw last night against Vancouver », a écrit Barstool après le match. « This team is finally playing the exact brand of hockey you’d expect out of a team coached by this menace. »
Cette reconnaissance, bien que flatteuse, ajoute encore plus de pression sur Hughes et Gorton pour qu’ils prennent les bonnes décisions.
Alors que le Canadien continue de gravir les échelons dans la course aux séries, Hughes et Gorton doivent naviguer dans ces eaux tumultueuses avec prudence.
Chaque victoire renforce l’espoir, mais elle complique également leur mission.
Doivent-ils embrasser ce succès inattendu et ajuster leurs plans, ou rester fidèles à leur vision à long terme? Une chose est sûre : la route vers les séries est semée d’embûches, mais elle est également remplie de promesses.
Pour les partisans, cette saison est déjà un succès. Voir une équipe jeune, talentueuse et résiliente se battre soir après soir est un spectacle qui rappelle les grandes années du Canadien.
Et si Hughes et Gorton peuvent trouver un moyen de concilier le présent et l’avenir, cette équipe pourrait bien devenir une force avec laquelle il faudra compter pour les années à venir.
Pour l’instant, ils plongent dans des eaux tumultueuses, mais il semble qu’ils nagent plutôt bien.
À suivre