La réplique n’a pas tardé.
Moins de 24 heures après que Sidney Crosby ait déclaré vouloir mettre fin pour de bon aux rumeurs l’envoyant à Montréal, le directeur général du Canadien, Kent Hughes, a calmement pris la parole à Toronto, mardi matin, et son message a eu le ton sec des hommes confiants : le Canadien n’est pas à la recherche d’un centre.
Pas de panique, pas de chasse au nom vedette, pas de transaction imminente.
« Il y a beaucoup de travail à faire, a rappelé Hughes en point de presse. Seulement quinze matchs ont été joués. Ça va être important de gérer la constance et de gérer les périodes creuses. »
Autrement dit : que Crosby reste à Pittsburgh, que Nazem Kadri reste à Calgary, Montréal n’a besoin de personne pour l’instant.
L’homme de hockey n’a pas prononcé le nom du capitaine des Penguins, mais personne n’a eu besoin d’un dessin.
Après la sortie ferme de Crosby, « je suis à Pittsburgh pour y rester », les projecteurs se sont aussitôt tournés vers Hughes.
Or, le DG du Tricolore n’a pas cherché à entretenir le feuilleton. Il a plutôt fermé la porte poliment mais solidement : la priorité du Canadien, en ce moment, c’est de continuer à grandir de l’intérieur.
Et il faut admettre qu’il a des arguments.
Son club trône au sommet de la section Atlantique, l’attaque est équilibrée, et les jeunes, notamment Kirby Dach et Oliver Kapanen, connaissent des débuts de saison suffisamment convaincants pour remettre en question toute idée d’urgence sur le marché des centres.
« Oui, ça achète du temps, a reconnu Hughes. Plus on a du temps, plus d’informations on va avoir sur notre équipe. Il y a des blessures qui pourraient survenir et changer nos besoins aussi. On doit gérer aujourd’hui en fonction de demain. »
En une phrase, il a résumé sa philosophie : pas de coup de tête, pas de mouvement de panique, et surtout, aucune distraction à la Crosby.
Ce qui complique la tâche des directeurs généraux cette année, c’est le calendrier unique de la LNH.
La tenue du tournoi olympique de Milan 2026 viendra bouleverser la saison, forçant les clubs à composer avec un calendrier condensé et une charge de travail accrue pour plusieurs de leurs joueurs vedettes.
Hughes le sait : son équipe sera directement concernée.
« Les DG devront gérer la charge de travail des joueurs qui seront choisis, a-t-il expliqué. On doit les protéger. On sait que c’est une possibilité que plusieurs de nos joueurs y participent. »
La liste est fait peur : Nick Suzuki, Noah Dobson, Samuel Montembeault, Cole Caufield, Juraj Slafkovsky, Oliver Kapanen et Jakub Dobeš sont tous dans la mire de leurs pays respectifs.
C’est plus de la moitié du noyau montréalais.
Le Canadien doit donc non seulement performer, mais aussi anticiper les effets d’une saison qui sera tout sauf ordinaire.
Il y a quelques semaines encore, on parlait de la nécessité d’obtenir un deuxième centre fiable pour compléter Suzuki. Aujourd’hui, cette discussion n’a plus lieu d’être.
Kirby Dach, après deux saisons marquées par les blessures, semble enfin libéré de ses hésitations. Il a de plus en plus la confiance d’un joueur qui comprend son rôle.
À ses côtés, Oliver Kapanen, 20 ans à peine, meilleur buteur chez les recrues, surprend tout le monde par son sang-froid et son intelligence tactique sur la glace.
Le jeune Finlandais a imposé son style sans bruit : un centre complet, responsable, capable de marquer et d’alimenter ses ailiers.
Il incarne exactement ce que Hughes et St-Louis voulaient créer à Montréal : une culture de jeu à long terme, fondée sur le développement et la patience.
Et quand ces deux-là livrent la marchandise, la tentation d’aller dépenser des choix ou des espoirs pour un centre d’expérience disparaît d’elle-même.
Kent Hughes n’a jamais été un DG émotif.
Même au cœur des périodes creuses, il s’est gardé de gestes précipités.
Pas de pari coûteux pour sauver une saison, pas d’échange “patch” pour calmer les partisans. (à part Patrik Laine, mais cela lui a seulement coûté Jordan Harris et il a obtenu un choix de 2e ronde).
Cette fois encore, il reste fidèle à sa ligne de conduite : ne rien forcer.
« On doit gérer aujourd’hui en fonction de demain », a-t-il répété.
Ce “demain”, c’est celui d’une équipe jeune, où chaque joueur apprend à se responsabiliser. Le CH a déjà assez d’atouts à développer (Demidov, Reinbacher, Engstrom, Fowler, Zharovsky) pour se permettre de rêver à long terme sans s’endetter sur le marché des vétérans.
En d’autres mots : Nazem Kadri, Alex Wennberg ou tout autre centre de transition n’ont plus leur place dans l’équation.
Dans les faits, Kent Hughes n’avait aucune raison de répondre à Sidney Crosby.
Mais sa sortie publique, mardi, sonnait presque comme une réponse détournée.
Lui et Jeff Gorton n’ont jamais caché leur admiration pour le capitaine des Penguins, mais ils savent aussi que le projet montréalais repose sur la jeunesse, pas sur la nostalgie.
Crosby veut rester à Pittsburgh ? Très bien.
Le Canadien, lui, veut construire un modèle durable et ça, c’est déjà une réponse en soi.
D’autant plus que le timing joue en faveur de Hughes.
Alors que plusieurs rivaux de la conférence pataugent, Montréal empile les victoires, domine les chiffres de possession et obtient une production offensive répartie sur trois trios.
Le DG n’a aucune raison de céder à la pression ou de s’emballer devant le classement.
« Il y a beaucoup de travail à faire », a-t-il répété. « Ce n’est pas une question d’euphorie, c’est une question de constance. »
Hughes marche sur une fine ligne : protéger le futur sans freiner le présent.
Et pour l’instant, il réussit le pari.
Le Canadien gagne, les jeunes progressent, et l’ambiance dans le vestiaire n’a jamais été aussi bonne.
Martin St-Louis, qui insiste sur la responsabilité collective, a su canaliser les talents sans brûler les étapes.
Dans ce contexte, on comprend pourquoi Hughes se permet de souffler un peu.
Crosby veut rester à Pittsburgh ? Tant mieux.
Hughes, lui, veut que Montréal reste sur sa trajectoire.
Et pour la première fois depuis des années, le Canadien n’est plus celui qui court après les grands noms.
Le message est clair : Montréal n’a besoin de personne d’autre pour rêver.
