On dirait que Kirby Dach a vieilli de dix ans en deux saisons.
Ce n’est plus le grand gamin sûr de lui, sourire au coin et regard provocateur.
Ce qu’on voit aujourd’hui, c’est un gars qui a tout perdu, deux fois, et qui refuse d’avoir pitié de lui-même.
Il ne parle plus de promesse ni de potentiel. Il parle de refaire confiance à ses genoux, à sa tête, à son instinct.
Et ça, c’est souvent là que les vrais joueurs renaissent.
Pour Kirby Dach, son retour à Chicago, ce n’est pas qu’un simple duel entre deux équipes. C’est un rendez-vous avec tout ce qu’il a perdu… et tout ce qu’il tente de reconstruire.
Deux genoux abîmés. Des années de doutes. Des promesses qui s’effritent. Un regard qui change.
On l’a trop souvent classé dans la catégorie des presque. Des joueurs qui avaient tout… sauf le temps.
Mais cette saison, quelque chose a basculé.
« C’est un bon départ pour moi », a soufflé Dach, calmement, avant le match. Pas de fanfaronnade. Pas de “chirp”. Juste un ton posé.
Celui d’un gars qui a compris qu’il ne pouvait plus se permettre de parler ... qu’il devait prouver.
Et ça, Martin St-Louis le sait mieux que quiconque.
« Kirby, il ne cherche pas à redevenir ce qu’il était. Il essaie de devenir ce qu’il doit être », a-t-il lancé aux journalistes, dans une phrase passée presque inaperçue.
Ce qu’il doit être. Pas le troisième choix au total de 2019. Pas l’enfant prodige de Saskatoon.
Un joueur complet. Fiable. Responsable.
Un centre que tu peux envoyer sur la glace quand tout s’effondre et que tu n’as plus confiance en personne.
Et pour ça, il fallait un guide.
Un modèle. Un gars qui n’a jamais lâché, même quand tout allait mal.
Ce gars-là, c’est Brendan Gallagher.
Depuis le début du camp, St-Louis a vu ce que tout le monde voyait : un Dach plus calme, plus stable, mais encore fragile dans son rythme, dans sa tête, dans sa foi.
Alors il lui a collé Gallagher. Pas pour le protéger, mais pour lui montrer.
Pour lui montrer ce que ça veut dire de se lever chaque matin en sachant que ton corps te trahit… mais d’y aller pareil.
Parce que Gallagher, lui, ne joue plus pour sa fiche. Il joue pour l’exemple.
Et à côté de lui, Dach a commencé à ressembler à un joueur qui se redresse.
Un joueur qui comprend qu’il ne suffit pas de rêver fort pour rester en vie dans cette ligue.
Il faut se battre pour chaque présence. Pour chaque mise au jeu. Pour chaque regard du coach.
Et ça paraît.
La ligne Dach–Gallagher–Bolduc est devenue un aimant à momentum.
Bolduc apporte cette étincelle que personne n’attendait : rapide, explosif, imprévisible. Gallagher apporte la sueur. Dach, lui, essaie de relier les deux ... d’être ce pont entre le feu et la structure.
Pour la première fois depuis longtemps, il semble à sa place.
Mais derrière cette renaissance, il y a un fantôme. Celui du passé. Celui du doigt du silence qu’il avait lancé à la foule de Chicago lors de son premier retour.
Ce soir, ce geste appartient à un autre homme.
Kirby Dach n’a plus ce cockiness-là.
Il a des cicatrices à la place. Deux opérations au genou, et une humilité forcée par la douleur.
Ce soir, il ne revient pas pour provoquer.
Il revient pour respirer.
Pour tourner la page, sans la déchirer.
Son frère Colton sera sur la glace, de l’autre côté. Sa famille dans les gradins.
Ce n’est pas un match comme les autres.
C’est un miroir.
Et si on l’écoute attentivement, on devine dans sa voix quelque chose de rare : la paix.
« J’essaie juste de jouer mon jeu. De me concentrer sur les détails. Sur ce que je peux contrôler », a-t-il dit.
Simple. Mais c’est peut-être la première fois qu’il le pense vraiment.
Parce qu’il n’a plus le luxe du temps.
Son contrat se termine à la fin de la saison.
Et même s’il est joueur autonome avec restriction, la vérité, c’est que s’il ne prouve pas cette année qu’il peut tenir un rôle de top-6, sa carrière prendra une direction dont on ne revient pas.
Il le sait.
Et pour la première fois, ça ne semble pas le paralyser.
Au contraire. Ça le libère.
Ce soir, à Chicago, il ne cherche pas à reconquérir une ville.
Il veut reconquérir le hockey.
Il joue pour prouver qu’il peut encore être ce centre de puissance qu’on croyait disparu.
Qu’il peut redevenir cette pièce manquante que le Canadien espérait.
Qu’il peut, enfin, répondre à tous ceux qui avaient cessé d’y croire.
Pas avec des mots.
Avec des présences.
Avec du hockey simple, dur, vrai.
Du hockey qui respire.
Du hockey qui ne promet rien, mais qui recommence tout.
Chaque présence, chaque mise au jeu, chaque regard lancé vers le banc est une réponse à tous ceux qui disaient qu’il était fini.
Les recruteurs qui ont décroché, les partisans qui ont cessé d’y croire, les analystes qui l’ont rayé de leurs plans.
Kirby Dach leur répond à sa manière : en restant debout, en refusant de disparaître.
Ce n’est pas un cri de revanche. C’est une déclaration silencieuse : « Je suis encore là. »
Reste à voir s’il saura transformer ce sursaut en constance ... parce que dans cette ligue, la dernière chance ne repasse pas deux fois.
AMEN