C’est peut-être la rumeur de trop.
Depuis des semaines, Montréal vit dans un état d’excitation quasi religieuse. Les partisans, les chroniqueurs, les analystes, même certains joueurs : tous spéculent, tous fantasment, tous alimentent l’idée que Sidney Crosby terminera sa carrière avec le Canadien de Montréal.
Une rumeur légitimée par Nick Kypreos, amplifiée par Greg Wyshynski de ESPN, et soutenue entre les lignes par plusieurs informateurs bien branchés. Une rumeur qui enflamme les médias, fait grimper les cotes d’écoute, et alimente l’espoir d’un été historique.
Mais pendant ce temps, à Pittsburgh, Sidney Crosby fulmine.
« Il déteste ça quand ça commence » affirme Elliotte Friedman.
Sur les ondes du 32 Thoughts Podcast, Elliotte Friedman, le journaliste le mieux connecté de la LNH, a levé le voile sur un malaise grandissant :
« Je sais que tout le monde me pose des questions sur Sidney Crosby. Et j’ai dit que des gens autour de lui veulent qu’il parte. Mais lui, il déteste ça quand ces histoires-là commencent. Quelqu’un m’a dit : “Si tu veux vraiment que Crosby parte, arrête d’en parler.” »
Bang. Le message est clair. Et surtout, il vient de l’intérieur. Crosby est un homme d’orgueil. Un homme de principes. Un homme de contrôle total sur son image, sa trajectoire, son discours. Il n’a jamais aimé qu’on parle de lui. Encore moins qu’on le devance.
Et à Montréal, on fait exactement ce qu’il déteste.
Depuis que Kypreos a lâché sa phrase choc:
« Attendez après les Olympiques quand ils obtiendront Sidney Crosby. »
La machine médiatique montréalaise s’est excitée. Greg Wyshynski de ESPN a enchaîné avec sa propre bombe :
« Je crois depuis longtemps que Crosby terminera sa carrière à Montréal. Ce serait spectaculaire, une façon d’entrer dans la légende, avec une équipe en montée, qui n’a pas gagné depuis 1993. »
Puis ce fut au tour d’Alexandre Gascon, de Renaud Lavoie, de Tony Marinaro, de tout le monde sur X, à BPM, à TVA, au 98,5 FM, de dire : C’est possible. C’est probable. C’est imminent.
Et pendant ce temps-là, Crosby ronge son frein. Il n’a jamais été aussi silencieux. Jamais aussi frustré. Jamais aussi proche d’exploser.
Ce que peu de gens osent dire à voix haute : Crosby est l’un des athlètes les plus fiers et les plus sensibles à son image. Il contrôle tout. Il filtre tout. Il a construit sa carrière comme on construit une cathédrale : brique par brique, avec soin, avec maîtrise, sans laisser personne deviner ses plans.
Et aujourd’hui, ce contrôle lui échappe.
Il voit des journalistes affirmer qu’il est sur le point d’être échangé. Il lit des textes où son nom est inséré dans des propositions de transaction. Il entend son entourage déformer ses intentions. Il ne supporte pas ça.
Parce que Sidney Crosby, dans sa tête, c’est lui qui choisit quand et comment il partira. C’est lui qui décidera du timing, de la destination, de la manière. Et tant que les rumeurs persistent, il ne fera rien. Par principe. Par orgueil.
C’est là que le piège se referme. Parce que si Sidney Crosby veut venir à Montréal, il ne le fera que s’il a l’impression que la décision vient de lui.
Mais à Montréal, on ne parle que de lui. On le peint sur les murs. On le projette au Centre Bell. On écrit des éditoriaux, on fait l'alignement du CH avec Crosby comme 2e centre.
Puis, on débat sur l'offre du CH, la valeur de Michael Hage (demandé par les Penguins, mais intouchable pour Kent Hughes) et du choix de première ronde 2026 (disponible pour Crosby, mais le CH veut le protéger alors que Pittsburgh le veut non-protégé).
On vend l’histoire avant même qu’elle ne se produise.
Et Crosby déteste ça. Il n’a pas oublié le cirque médiatique autour de son repêchage, ni la surmédiatisation de ses moindres gestes à 18 ans. Il n’a jamais aimé être réduit à une image, à un produit, à un "punchline". Il a toujours sauté une coche quand le monde du hockey tente de lui voler sa tranquillité.
Alors aujourd’hui, quand il entend qu’on le voit déjà dans le bleu-blanc-rouge, il se ferme. Il reste à Pittsburgh, non pas parce que l’équipe est bonne. Mais parce qu’il refuse de céder à la pression.
Et voilà le paradoxe : plus on en parle, moins c’est possible. Plus on alimente le feu, plus Crosby s’éloigne de Montréal.
Il en a marre des textes qui spéculent. Marre des fans qui lui écrivent sur Instagram. Marre des faux alignements avec lui avec Demidov et Bolduc. Marre des "insiders" qui jouent à deviner l’avenir. Il a tout lu. Tout vu. Et il déteste ça.
« C’est moi qui décide. »
C’est ce qu’il aurait dit à un proche selon un informateur relayé par Friedman.
Et à Montréal, on est pris au piège. Parce que comment arrêter d’en parler? Comment faire taire une province qui rêve? Comment retenir un peuple qui n’a pas eu de héros depuis trop longtemps?
C’est dur à entendre, mais c’est la vérité : si tu veux que Sidney Crosby vienne à Montréal, arrête d’en parler.
Arrête les montages. Arrête les segments à la radio. Arrête les hashtags, les théories, les chandails personnalisés avec le #87. Arrête tout. Laisse-le venir de lui-même.
Parce que ce que Crosby veut, c’est le contrôle. Ce qu’il respecte, c’est le silence. Ce qu’il réclame, c’est la dignité. Et tant que Montréal ne lui offre pas ça, il restera en Pennsylvanie.
Selon certaines sources, Crosby serait allé jusqu’à demander à ses proches de cesser toute communication avec les médias montréalais.
Il ne veut plus que son nom circule. Il veut se retirer du brouhaha. Il est en colère. Une colère froide, sèche, orgueilleuse. Une colère qu’on ne voit pas à la télé, mais qui se ressent dans son silence.
Il voir Bryan Rust et Rickard Rakell être marchandés. Il a vu Letang devenir intouchable, non pas parce qu’il est trop bon, mais parce que personne n’en veut. Il voit qu'Evgeni Malkin est fini à la corde.
Il sait que le club s'effondre. Il sait qu’il n’y a plus de plan. Et pourtant, il reste. Parce que tant qu’on l’attend ailleurs, il ne bougera pas.
Montréal voulait rêver. Montréal voulait vibrer. Montréal voulait croire que Crosby allait, enfin, nous choisir.
Mais Montréal a fait ce que Montréal fait toujours : elle a trop parlé. Trop rêvé. Trop espéré.
Et Crosby, lui, s’est refermé.
Alors, peut-être que Friedman a raison. Peut-être que le jour où on arrêtera de parler de Sidney Crosby à Montréal… ce sera le jour où il y viendra enfin.
Mais entre-temps, son silence est une réponse. Et sa colère, un avertissement.