On aura beau chercher toutes les excuses du monde: les excuses de calendrier ou phrases "cute" psychologiques utilisés depuis deux ans pour protéger Martin St-Louis d’une véritable remise en question, rien ne pourra atténuer la violence symbolique de ce qui s’est produit au Centre Bell contre le Lightning de Tampa Bay ce soir.
Une véritable dégelée à la maison. Il ne s’agit plus seulement d’une mauvaise soirée, d’un alignement mal balancé ou d’une séquence de malchance ; c’est un système entier qui s’est fissuré, un message qui s’est écroulé, un entraîneur qui, après des mois à mépriser les critiques, à humilier des journalistes et à balayer chaque remise en question du revers de la main, voit soudain le réel lui répondre comme un boomerang qui lui revole dans la face.
Ce match n’a pas seulement été une défaite : il a été un miroir. Un miroir où St-Louis a dû contempler exactement ce que les journalsites lui reprochaient depuis des mois, ce qu’il refusait catégoriquement d’admettre, ce qu’il recouvrait systématiquement de jargon sur le « processus », de réflexions abstraites sur les « standards » et d’un refus obstiné de nommer les dérives flagrantes de son équipe.
Le karma, parfois, prend la forme d’un match. Et celui-ci est venu claquer la porte d’un cycle où l’arrogance prenait trop de place pour qu’un discours cohérent survive.
Depuis des mois, les observateurs les plus lucides répétaient que le système homme-à-homme poussé jusqu’à l’entêtement, appliqué comme une religion plutôt que comme un cadre adaptatif, allait finir par exposer le Canadien comme une équipe pee-wee.
St-Louis, lui, rejetait tout cela d’un haussement de sourcil, comme si la simple évocation d’une alternative représentait une insulte à sa pensée. Son discours revenait toujours au même endroit:
« Ce n’est pas la structure, c’est l’exécution. »
Mais contre Tampa Bay, l’exécution n’était que la conséquence finale d’une structure mise en pièces. Les joueurs ne savaient plus où aller. Les défenseurs perdaient leurs repères. Les ailiers suivaient des ombres, laissant derrière eux des corridors béants où l’adversaire s’engouffrait sans résistance.
Ce n’était plus une équipe : c’était un groupe dispersé, figé entre la peur d’en faire trop et la peur d’en faire trop peu. Exactement ce que les critiques anticipaient, et exactement ce que St-Louis se refusait à entendre.
Personne n’a oublié la scène, il y a quelques jours, où St-Louis défendait contre vents et marées son idée de faire jouer Jayden Struble avec Lane Hutson, comme si cette décision représentait un acte de foi plus qu’un ajustement rationnel.
On aurait dit un entraîneur voulant prouver quelque chose, non pas à son équipe, mais à ses détracteurs. Struble, encore fragile dans la lecture du jeu défensif, devait soudain absorber les responsabilités que même des vétérans auraient du mal à digérer.
Et le karma, encore une fois, n’a pas hésité : Struble s’est effondré, et le duo qu’on voulait nous vendre comme une « complémentarité naturelle » s’est désintégré en temps réel.
Ce qui rend cette défaite contre le Lightning encore plus lourde, c’est qu’elle survient après des semaines où Martin St-Louis s’est montré ouvertement condescendant envers ceux dont le travail consiste précisément à poser les questions auxquelles il refuse de répondre.
Les regards dédaigneux à Luc Gélinas, le ton sec avec Martin McGuire, l’humiliation infligée à Simon-Olivier Lorange lorsqu’il tentait simplement de comprendre pourquoi le premier trio s’était effondré en couverture défensive ; toutes ces scènes forment aujourd’hui un décor de plus en plus difficile à défendre.
Le public le sent.
Les réseaux sociaux débordent.
Le mot-clic #FireStLouis est parti sur la toile.
La patience collective n’existe plus.
La rupture avec le public est évidente.
On lit partout :
« Je ne suis plus capable de supporter Martin St-Louis. »
« Je n’en peux plus de son arrogance. »
« Ce n’est pas un entraîneur proche du monde. »
« Ce n’est pas un gars du peuple. »
Ce qui était autrefois de l’admiration s’est transofrmé en exaspération.
Ce qui était de la patience s’est transformé en suspicion.
Ce qui était une lune de miel est désormais un divorce émotionnel.
L’écart entre l’esthétique verbale de St-Louis, un mélange de proclamations philosophiques et d’élans pseudo-pédagogiques, et la réalité des résultats est devenu trop large pour que le récit tienne encore debout.
Son refus de se remettre en question, sa tendance à traiter les critiques comme des attaques personnelles et son incapacité à adapter son système, tout cela forme aujourd’hui un bloc de frustration qui explose au visage de l’organisation.
On parle beaucoup du public, mais l’aspect le plus inquiétant se situe peut-être dans l’attitude des joueurs. Plus les défaites s’accumulent, plus on voit un groupe hésitant, mécanique, presque désincarné.
C’est ce qui arrive lorsque la conviction disparaît. Le man-to-man, autrefois un symbole d’ambition, est devenu un blahue honteuse.
Le concept d’« exécution » est devenu une échappatoire. Et l’insistance répétée sur la notion de « standards » sonne comme un disque rayé que plus personne n’écoute.
À Montréal, l’histoire finit toujours de la même façon
On sait comment ça se passe :
Quand le message ne passe plus,
Quand les joueurs patinent comme des silhouettes,
Quand le public se retourne,
Quand les journalistes cessent de ménager leurs angles,
Il n’y a qu’une seule issue.
Ce soir, au Centre Bell, ce n’est pas seulement un match que le Canadien a perdu.
C’est une partie du crédit immense que le public avait accordé à Martin St-Louis.
C’est une confiance qui s’effondre.
C’est une image qui se brise.
C’est un symbole qui glisse, doucement mais sûrement, vers la chute.
Martin St-Louis n’est plus intouchable
L’homme qui, pendant trois ans, semblait flotter au-dessus de la critique, se retrouve soudain dans la ligne de mire.
L’entraîneur adulé devient l’entraîneur questionné.
Le philosophe devient l’accusé.
Le pédagogue devient le responsable.
Le karma, parfois, prend du temps à frapper.
Mais lorsqu’il frappe, il ne rate jamais sa cible.
Et ce soir, il a choisi Martin St-Louis.
