Il y a des soirs où tout bascule en un instant, où un seul geste suffit à éteindre l’espoir d’un peuple entier, et dimanche soir, au Centre Bell, Tom Wilson a déclenché ce moment de bascule brutal.
Alors que le Canadien menait 2 à 1 en troisième période et semblait enfin maîtriser son destin, la brute des Capitals a frappé à un moment critique, renversant Alexandre Carrier d'un coup à retardement à la limite de la légalité, juste assez pour changer le cours de la soirée.
Sur la séquence, tout était là : Carrier, déjà fragilisé par un impact antérieur contre Ovechkin, tente tant bien que mal de contrer une attaque rapide, mais Wilson, avec toute sa rage accumulée, fonce à pleine vitesse, met échec derrière échec, à la limite de l'assaut, à la limite de l'intention de blesser.
Carrier, courageux, s'accroche à ses patins, retourne à peine jusqu'au banc en grimaçant, incapable de respirer normalement, pendant que le jeu se renverse, pendant que la défensive est déstabilisée, et que, dans la foulée, les Capitals en profitent pour égaliser le pointage dans un Centre Bell horrifié.
Personne n'avait besoin de revoir les reprises pour comprendre : Tom Wilson, en une seule charge, venait de décapiter l'énergie du Tricolore et de planter le décor pour un effondrement cruel.
Jakub Dobes, héros inespéré il y a quelques jours, a fait ce qu'il a pu, mais à force de tirs dangereux et de désorganisation, le filet a cédé une troisième fois, sous le bâton de Andrew Mangiapane, laissant le Canadien pétrifié par la tournure des événements.
On ne parle pas ici d'une simple victoire ou d'une simple défaite, on parle d'une série entière qui a changé de visage, d'une dynamique qui a été brutalement arrachée à une équipe trop jeune pour absorber un tel choc sans broncher.
Parce qu'avant ce coup fatal, le Canadien était en pleine ascension, galvanisé par deux magnifiques buts en avantage numérique, l'un construit sur une merveilleuse entrée de Juraj Slafkovsky, une remise magique d'Ivan Demidov et une finition chirurgicale; l'autre, une combinaison clinique entre Demidov, Lane Hutson et Cole Caufield qui faisait exploser le Centre Bell.
Tout était aligné pour créer le miracle que tout Montréal rêvait de vivre, celui d'un retour épique contre des Capitals vieillis et vulnérables.
Mais en séries éliminatoires, la beauté du hockey ne suffit pas.
La brutalité a encore une fois réécrit l'histoire, et Tom Wilson, véritable électron libre sur la glace, a redonné le momentum à Washington d'un simple coup d'épaule transformé en arme de destruction massive.
Le plus frustrant dans tout ça, c'est que l'arbitrage, encore une fois, a semblé complice par son silence assourdissant, fermant les yeux sur les abus physiques constants, laissant l'intimidation s'installer sans réprimande.
Brendan Gallagher, visage tuméfié mais volonté intacte, l'avait dit en entrevue : « C'est ça les séries. Tu ne peux pas attendre des appels. Tu dois t'imposer. »
Mais comment s'imposer quand ton quatrième défenseur clé se fait éliminer sur une séquence aussi sournoise, sans qu'aucune punition ne soit appelée?
La perte d'Alexandre Carrier à ce moment critique a forcé des ajustements désespérés, a surutilisé Lane Hutson, a exposé un Jakob Dobes encore trop vert pour sauver la mise dans une tempête pareille.
La morale de l'histoire?
En séries éliminatoires, celui qui frappe le premier frappe souvent deux fois.
Et à ce jeu barbare, Tom Wilson vient peut-être de gagner une guerre psychologique décisive, en une seule soirée, en un seul geste, en un seul coup fatal qui change la série.
Misère