La vérité dérangeante : un fil invisible relie Laine à Demidov

La vérité dérangeante : un fil invisible relie Laine à Demidov

Par André Soueidan le 2025-10-01

Un fil qu’aucun partisan ne peut encore vraiment saisir, mais que tout le monde devine quand la rondelle circule sur l’avantage numérique.

Parce que c’est là, et seulement là, que Patrik Laine redevient Patrik Laine.

À 5 contre 5, il se traîne comme une ombre, incapable de suivre le rythme, incapable de faire autre chose que d’attendre le disque.

Mais avec Ivan Demidov, ce magicien de 19 ans qui voit des corridors que personne d’autre n’ose même imaginer, Laine retrouve un souffle.

Il ne crée pas, il ne patine pas, mais il existe.

Et tant que Demidov l’alimente, il garde un pied dans la Ligue nationale. C’est ça, la vérité dérangeante.

Maxim Lapierre l’a dit à TVA Sports : « Laine va-t-il vraiment encore prendre la place de Cole Caufield sur le jeu de puissance? Cela enlèvera une place à Demidov sur la première unité. N’oublions pas que celui-ci n’a pas d’affaire à jouer sur la seconde. »

Et sur le fond, il n’a pas tort. Demidov doit avoir les clés.

Mais ce que Lapierre oublie, ce que Martin St-Louis sait déjà, c’est que Demidov a justement transformé Laine en arme fonctionnelle, presque malgré lui.

Ce n’est pas Laine qui prend la place de Caufield.

C’est Demidov qui permet à Laine de ne pas être rayé de la carte.

Parce que quand le Russe lève la tête, quand il attire deux défenseurs et qu’il glisse la rondelle au bon moment, le Finlandais redevient un sniper.

Pas à 5 contre 5, jamais. Mais à 5 contre 4, c’est encore suffisant pour faire plier une défensive.

Tout est là. Le fil invisible qui relie Demidov et Laine, c’est le seul fil qui empêche ce dernier de devenir un boulet complet.

Sans Demidov, Laine est fini.

Avec lui, il se redonne une utilité. Mais à quel prix?

Car ce choix tactique, ce pari de Martin St-Louis, bloque d’autres scénarios.

On veut tous voir un jour Demidov avec Suzuki et Caufield. C’est le fantasme des partisans, c’est la prédiction de Guy Carbonneau, qui affirmait que « si moi j’y ai pensé, c’est sûr qu’eux aussi y ont pensé ».

Mais pour l’instant, St-Louis sépare les lignes. Il protège l’équilibre. Il garde Laine branché sur respirateur artificiel grâce au génie d’un gamin de 19 ans.

Et pendant ce temps, Lane Hutson pousse cette chimie au paroxysme.

Lui aussi est une anomalie. Son cardio ne s’éteint jamais, sa vision est démesurée.

L’an dernier, il a récolté 66 points. Cette saison, il est déjà en train de prouver qu’il peut en donner 70 ou 75.

Il a marqué contre Ottawa, il a contrôlé le tempo comme un vétéran de 600 matchs.

Et quand il est sur l’avantage numérique avec Demidov et Laine, l’effet est dévastateur.

C’est comme mettre de l’essence haute performance dans une vieille machine : tout d’un coup, ça repart.

Parce que Hutson garde la rondelle, attire l’attention, libère Demidov, et Demidov trouve Laine.

Trois passes plus tard, c’est un tir parfait qui finit dans le filet. Le fil invisible devient visible. Et il explose.

Mais ça ne règle rien. Parce qu’à 5 contre 5, Laine est une catastrophe. Laine ne suit pas.

Et c’est là que la bombe s’installe. Martin St-Louis le sait. Kent Hughes aussi. Les partisans aussi.

Ça ne peut pas durer. Le fil invisible est fragile, trop fragile pour tenir une saison entière.

Alors on fait quoi? On ose casser cette chimie artificielle pour tenter le vrai coup, celui de mettre Demidov avec Suzuki et Caufield?

Ou on continue de sauver Laine en le branchant sur le talent d’un adolescent qui n’a pas signé pour porter un vétéran sur son dos?

C’est là que la vérité dérangeante s’impose : Laine vit par Demidov.

C’est humiliant pour un marqueur de 40 buts de se transformer en simple bénéficiaire.

Mais c’est la réalité. Et la seule raison pour laquelle on tolère encore son nonchalance à forces égales, c’est parce que le Canadien a enfin une arme de plus en avantage numérique.

C’est parce qu’on a enfin deux unités qui font peur.

Parce que si Hutson joue deux minutes, que ce soit avec Suzuki ou Demidov, la rondelle reste vivante.

Et dans ce décor, Laine devient le frappeur désigné d’un club qui, sinon, ne lui trouverait plus aucune utilité.

Mais combien de temps ça va durer?

C’est ça, le drame qui s’écrit. Parce que tôt ou tard, Demidov sera promu.

On va l’essayer avec Suzuki et Caufield. On va céder à l’évidence.

Et quand ça arrivera, que restera-t-il de Laine? Alex Newhook???

Plus personne pour le nourrir.

Plus personne pour masquer son absence de jambes.

Plus personne pour donner une raison à St-Louis de l’envoyer sur la glace en dehors du powerplay. Et là, le fil se rompra. Brutalement.

Et quand ce fil se rompra, tout le monde va regarder Kent Hughes. Parce que c’est lui qui a amené cette patate chaude à Montréal.

C’est lui qui a offert à son entraîneur un joueur qui n’a plus rien à donner en dehors de son tir. C’est lui qui a décidé de jouer avec le feu, de parier sur une rédemption improbable.

Laine est un poison lent, et Demidov n’est qu’un antidote temporaire.

Quand la saison avancera, quand les blessures frapperont, quand la pression montera, St-Louis devra trancher. Il devra dire à Laine : tu sors. Ou alors il sacrifiera Demidov à l’autel d’un vétéran incapable de se réinventer.

Voilà le dilemme. Voilà la vérité dérangeante. Laine et Demidov sont liés, mais ce lien est un piège. Un fil invisible, fragile, tendu au-dessus du vide.

Tant qu’il tient, Montréal marque des buts en avantage numérique.

Mais quand il cassera, le Canadien devra faire face à une réalité encore plus brutale : Patrik Laine n’a plus sa place.

Et tout le monde le sait déjà.

AMEN