Dans l’univers impitoyable des négociations de la LNH, on entend rarement la voix de ceux qui ont été écartés. Pourtant, cette semaine, c’est Sean Coffey, un agent mis sur la touche en cours de route dans le dossier Lane Hutson, qui a obtenu la première tribune publique.
TVA Sports lui a offert une exclusivité, alors même que Ryan Barnes, véritable closer du contrat chez Quartexx, gardait le silence. Un angle intrigant, pour ne pas dire paradoxal.
Darren Ferris, l’ancien partenaire de Kent Hughes chez Quartexx et véritable maître d’œuvre du contrat, a piloté les négociations dans l’ombre, derrière Ryan Barnes.
Mais ce que Coffey avait à dire ne manquait ni de poids ni de détails. Selon lui, c’est Lane Hutson lui-même qui a provoqué le déblocage final des négociations, au moment où elles piétinaient encore à Detroit.
« C’est Lane qui a poussé pour que ça se finisse », raconte Coffey au journaliste Nicolas Cloutier.
Un aveu lourd de sens qui repositionne l’image d’un joueur présenté comme timide et effacé, mais qui, en coulisses, a dicté le tempo final.
Le contrat historique, 70,8 millions sur huit ans, incluant 55 millions en bonis à la signature, n’était donc pas le fruit d’un plan minutieusement contrôlé par les agents.
Il est né d’un besoin profond du joueur :
« Tout ce qui lui importe, c’est le hockey », insiste Coffey.
Hutson, ajoute-t-il, aurait « accepté de jouer gratuitement ». Et même si cette hyperbole fait sourire, elle en dit long sur la posture émotionnelle du jeune défenseur.
La rareté des prolongations de contrats parmi les RFA à l’été 2025 n’a pas aidé les choses. Coffey rappelle que dans un marché comme Montréal, la pression médiatique, les attentes et les sacrifices financiers rendent les comparables difficiles à établir.
Mais justement, c’est ce contexte qui a forgé la décision de Hutson.
« Un match à Montréal un mardi soir aura des airs de finale de la Coupe Stanley », affirme-t-il, soulignant que la magie du marché montréalais a agi comme un aimant sur son client.
Et ce n’est pas tout. Coffey, bien qu’ayant été éloigné du sprint final de la négociation, se fait le porte-voix d’une logique à long terme. Il insiste :
« Il y a un prix à attendre. Il y a un prix à la distraction que cela engendre, à l’incertitude. »
Dans une époque où tout est mesuré en dollars, son propos ramène l’humain au cœur de la réflexion contractuelle.
Sur le plan financier, il ne fait aucun doute que les agents ont su déroger aux contraintes du CBA de manière brillante.
Le contrat de Hutson devient le plus riche jamais accordé à un joueur 10.2(c), un statut où aucun droit d’arbitrage ni possibilité d’offre hostile ne s’applique.
Et l’usage intelligent de la convention de retraite canadienne, combiné à une structure de versement accéléré, permet à Hutson d’encaisser 23 millions dès la première année.
« La majeure partie de l’argent est versée au début, » explique Coffey. Une prouesse, d’autant plus remarquable qu’il précise qu’aucun différend n’a existé avec le CH sur cette stratégie fiscale.
Coffey revient aussi sur l’idée fausse, largement colportée, selon laquelle Hutson aurait pu menacer de faire la grève ou d’attendre un an pour encaisser plus.
« Il n’a jamais voulu pourchasser chaque dollar », affirme-t-il. Hutson savait ce qu’il valait, savait où le marché s’en allait, mais a préféré la stabilité, la paix d’esprit, et surtout, Montréal.
Dans cette entrevue, Coffey rend aussi hommage à l’organisation du CH. Il reconnaît le mérite de l’état-major pour avoir bâti une culture qui inspire confiance, et pour avoir su assembler un noyau de joueurs jeunes qui grandissent ensemble. Cette dynamique a, selon lui, convaincu Hutson de s’engager pour huit ans sans hésitation.
Enfin, Coffey met les choses au clair sur les rumeurs qui ont circulé autour de la convention de retraite.
« Le plan a toujours été d’en tirer avantage », dit-il, balayant l’idée qu’il y aurait eu un bras de fer avec Kent Hughes ou le département légal du CH.
Hum. Tu n'as pas le droit de balayer les rumeurs d'un conflit précédent... quand la tension était si vive que tu as été tassé du dossier.
Disons que Coffey est une voix qui parle… mais pas celle qu’on attendait...
Malgré la qualité de ses propos, l’évidence reste : Sean Coffey n’était pas aux commandes au moment de la signature.
Son collègue Ryan Barnes, souvent plus discret mais infiniment plus influent, a complété la transaction. Or, c’est Coffey que TVA Sports a mis en avant. Est-ce pour des raisons d’accessibilité? De proximité médiatique? Ou parce que Barnes, comme souvent, préfère œuvrer dans l’ombre?
Ce choix éditorial soulève une question journalistique : l’exclusivité est-elle encore une exclusivité quand elle provient d’un agent écarté du processus final?
Il n’en demeure pas moins que Coffey a su livrer un témoignage éloquent, sincère, et chargé de détails concrets. Mais ceux qui suivent le hockey de près n’ont pas manqué de remarquer que la parole stratégique restait entre les mains de Quartexx, pas de celui qui la portait à l’écran.
Dans ce silence de Barnes et Ferris, l’entrevue de Coffey a servi d’intermédiaire. Mais elle demeure précieuse pour comprendre l’état d’esprit du clan Hutson, le poids émotionnel de Montréal, et la structure novatrice de ce contrat qui fera école.
Car si la voix de Coffey a été affaiblie dans les coulisses, elle reste essentielle pour comprendre l’architecture d’une entente historique.
Son témoignage permet de mesurer l’état d’esprit de Lane Hutson, ses priorités, son attachement à Montréal et la manière dont l’émotion a fini par l’emporter sur la froide logique contractuelle.
Mais ne nous méprenons pas : derrière les mots, les véritables leviers de cette négociation ont été actionnés ailleurs.
Le travail de fond, les chiffres, la stratégie, le timing fiscal, tout cela portait l’empreinte de Darren Ferris et Ryan Barnes.
Et si TVA Sports se contente de la version de l’agent écarté, on ne peut que souhaiter, pour la prochaine grande signature, entendre ceux qui ont réellement "closé" le deal.