3 millions de dollars de dépenses: le père de Lane Hutson écrit l'histoire

3 millions de dollars de dépenses: le père de Lane Hutson écrit l'histoire

Par David Garel le 2025-10-25

Quand le journaliste Guillaume Lefrançois s’est rendu au Barrington Ice Arena en Illinois pour rencontrer la famille Hutson, il ne s’attendait probablement pas à tomber sur un récit aussi complexe, mêlant réussite, orgueil paternel, et une obsession soudaine pour l’argent.

Le contrat de huit ans signé par Lane Hutson avec le Canadien de Montréal n’est pas seulement une bonne affaire pour l’équipe : c’est aussi le point culminant d’un bras de fer familial, où un père trop impliqué a dû être gentiment écarté… par son propre fils.

Tout commence dans cet aréna modeste, situé en banlieue de Chicago, où Lane Hutson a passé des centaines d’heures sur la glace.

Rob Hutson a acheté le Barrington Ice Arena en 2016, alors que la banque venait de le saisir du propriétaire précédent. Le montant? 660 000 dollars américains.

 « C’est de notoriété publique, on a acquis le bâtiment pour 660 000 $. Avec le marché ici, j’aurais pu démolir l’aréna et faire plus d’argent en vendant le terrain », explique-t-il sans détour.

Mais plutôt que de le raser, Hutson a choisi de sacrifier une fortune pour en faire un lieu d’entraînement familial. « On a investi 2,5 millions de dollars en rénovations. »

On parle donc d'un invrstissement dépassant les 3 millions de dollars. Ajoutez à tout ça 5000 dollars par mois de dépenses pour maintenir le système de ventilation, l'électricité et tout le tralala.

Et il ne s’agit pas de simples retouches cosmétiques. L’humidité n’était pas contrôlée, le plafond fuyait, l’isolation était déficiente, et l’électricité était carrément dangereuse.

« Ma femme m’a dit : “Si on ne la refait pas, mes enfants ne mettent pas les pieds ici!” », raconte-t-il. À contre-courant de toute logique financière, Rob Hutson a donc transformé une ruine industrielle en arène privée et sanctuaire de haute performancepour ses fils, quitte à injecter plus de quatre fois le coût d’achat en travaux essentiels. 

Pour Rob Hutson, il ne s’agit pas d’un projet d’affaires, mais d’un prolongement naturel de son rôle de père-protecteur.

« C’est mon job de le protéger, même s’il a 21 ans » avait-il-affirmé pour se défendre de jouer le requin dans les négos avec Kent Hughes.

Ce rôle, il l’a endossé en rénovant de ses mains cet aréna pour en faire le cœur d’une bulle familiale. Ce lieu n’est peut-être pas le plus moderne ni le plus beau, mais c’est celui où se sont forgées la ténacité, la créativité et la confiance de Lane Hutson.

Avant de s’établir dans la région de Chicago, Rob Hutson a grandi à Edmonton, en Alberta, dans un environnement pauvre, loin du confort qu’il a pu offrir plus tard à ses enfants. 

« Je suis parti de rien. J’ai grandi dans une maison mobile au nord d’Edmonton. La nôtre faisait 15 pieds sur 40. Une année, je ne pouvais pas jouer au hockey parce que l’inscription coûtait 165 $. Donc ma mère avait dû travailler dans 10 soirées de bingo pour payer mon inscription. »

Le récit de Lefrançois, publié dans La Presse, révèle une facette inattendue de Rob Hutson. L’homme, autrefois discret et pauvre, s’est transformé en véritable négociateur, au point de compliquer les discussions entre le Canadien et les agents de Lane.

Selon Chris Johnston, de TSN et The Athletic, c’est justement l’implication du père qui rendait les pourparlers « difficiles ».

On apprend que Rob Hutson était non seulement au courant de chaque étape, mais qu’il n’hésitait pas à influencer les décisions, à pousser pour obtenir le maximum.

Sa réputation a rapidement évolué : du père aimant et protecteur, il est devenu celui qu’on surnomme maintenant, dans les coulisses, un « shark ». Un requin. L’ennemi silencieux de la convention de retraite, de la flexibilité salariale, de la stratégie du CH.

Et pourtant, rien ne laissait présager un tel virage. Rob Hutson est parti de rien. L’aréna de Barrington était en ruine quand il a commencé à y travailler.

Il n’était pas millionnaire. Il n’était pas influent. Il offrait des cours de patin, plusieurs soirs par semaine, pendant que Lane sautait sur la glace à 17 h 30 et restait jusqu’à 22 h.

C’est dans cet environnement de persévérance, d’humilité, que le jeune Hutson a bâti sa carrière. Mais avec la montée de son fils dans l’élite du hockey, quelque chose a changé. L'argent, désormais, est au cœur de la dynamique familiale.

Rob Hutson a beau tempérer les critiques.

« Personne ne me dira comment agir en tant que parent », a-t-il dit, la réalité est que son omniprésence dans les négociations n’a pas plu.

Ni au CH, ni à l'entourage professionnel de son fils. Lane a dû lui-même mettre un frein.

« Ce contrat, c’était ma décision et celle du Canadien », a-t-il rappelé. En d’autres mots : merci papa, mais je suis un adulte maintenant.

Ce qui frappe dans cette histoire, c’est le contraste. D’un côté, un père dévoué, qui se dit être « l’Arber Xhekaj » de son fils, un protecteur, un bouclier.

De l’autre, un homme qui veut tout contrôler, même quand son fils souhaite faire des concessions pour rester à Montréal.

Car c’est bien ce qui s’est passé : Lane Hutson voulait signer à rabais. Il l’a dit. Il l’a fait. Il a utilisé la convention de retraite pour alléger le cap hit. Il a donné au CH un contrat qui pourrait bien devenir l’un des plus rentables de la décennie. Mais pour ça, il a dû demander à son père de reculer.

Dans ce contexte, le vestiaire privé, les plaques, les bâtons, tout ce qui entoure la famille Hutson à Barrington prend une autre couleur.

Ce n’est plus seulement un sanctuaire familial. C’est devenu un quartier général de négociation, un point d’ancrage pour une famille qui vit le hockey comme une entreprise.

On y trouve une collection impressionnante de bâtons,  surtout ceux d’anciens joueurs du programme américain, mais seulement un bâton de Lane. Lui, contrairement à son frère Cole, ne court pas après le dernier modèle.

« Un bâton, c’est simplement un bâton, et si ça ne rentre pas, c’est ma faute », dit-il. Une citation qui résume tout : Lane est un perfectionniste, modeste, prêt à assumer ses erreurs. L’inverse d’un marchandage familial.

La surprise, dans les cercles du CH comme dans les médias, c’est l'influence du père. On croyait à une famille soudée, discrète, efficace.

On découvre une structure de pouvoir, où un père agit presque comme un agent non officiel, prêt à tout pour maximiser la valeur de son fils.

Et dans une organisation comme celle du CH, où l’on mise sur le respect des processus, sur la stabilité des discussions, une telle attitude ne passe pas inaperçue.

Aujourd’hui, Lane Hutson performe. Il a huit points en sept matchs, un différentiel positif, et une passe décisive qui a permis à Cole Caufield de marquer un but mémorable.

Cette histoire en dit long sur le cheminement d’un jeune homme qui a dû affronter non seulement les attentes de la LNH, mais aussi les tensions internes d’une cellule familiale extrêmement impliquée.

Et cela donne un éclairage nouveau à la dynamique autour du contrat : Lane Hutson ne voulait pas juste de l’argent. Il voulait la paix. Il voulait Montréal. Il voulait une équipe. Pas une saga.

Et c’est sans doute pour ça que ce texte de Guillaume Lefrançois frappe autant. Parce qu’il montre que derrière chaque signature, chaque prime, chaque clause, il y a des humains. Des relations. Des désirs contradictoires.

Et parfois, des pères qu’il faut doucement inviter à laisser leurs enfants grandir.