Ivan Demidov n’a pas encore mis un patin sur la glace montréalaise que déjà, les masques tombent. Le Canadien de Montréal s’apprête à accueillir un joyau, un prodige, un phénomène.
Et pendant que la ville entière vibre, pendant que les boutiques sont à court de chandails du #93, pendant que Lane Hutson, Jakub Dobeš, Oliver Kapanen et les jeunes du CH trépignent d’impatience à l’idée de l’accueillir, Patrik Laine, lui, traîne les pieds.
Et pas qu’un peu.
À écouter ses propos, on se croirait dans un vestiaire glacé. L’attaquant finlandais, censé être l’un des piliers offensifs du CH, n’a pas pu cacher une attitude plus que tiède – carrément méprisante – lorsqu’on l’a questionné sur Demidov. Pas une once d’enthousiasme. À peine un haussement d’épaules.
« Je sais qu’il est Russe… qu’il est gaucher… c’est à peu près tout. Je ne regarde pas les matchs de la KHL. »
Sec. Froid. Dédaigneux. Comme si un compétiteur talentueux ne méritait même pas qu’on s’informe un peu sur lui. Comme si l’arrivée d’un prodige de 19 ans, adulé en Russie, chouchou de tout le Québec, ne représentait pour lui qu’un irritant. Comme s’il craignait, dans le fond, de se faire voler la vedette.
Et il a enchaîné avec une flèche qui a fait sourciller :
« Dans la KHL, les gars ont plus de temps pour faire des jeux. C’est pas la même chose ici. »
Traduction? « Demidov, t’es bon dans ta ligue de garage, mais ici, c’est une autre game. »
Une déclaration passive-agressive, déguisée en observation technique. Une façon détournée de dire : « Montre-moi ce que tu vaux, kid, mais je ne t’attends pas avec impatience. »
C’est petit. C’est inutile. Et c’est profondément révélateur.
Pendant ce temps, Lane Hutson…
Pendant que Laine fait semblant de s’en ficher, Lane Hutson, lui, envoie des textos à Demidov. Il lui souhaite la bienvenue.
Il l’accueille à bras ouverts. Il parle de lui comme d’un « joueur spécial ». Il se rappelle de sa propre intégration, il partage son vécu, il promet de l’aider à s’adapter.
« Je lui ai dit que j’étais excité de l’accueillir et que je serais là pour lui. »
Hutson, qui a lui-même débarqué à la toute fin de la saison dernière, se souvient des sourires, des soupers avec Matheson, Savard, Montembeault. Il veut redonner au suivant.
Et surtout, il comprend qu’un jeune Européen, déraciné, à peine sorti d’un régime oppressant comme celui du SKA, a besoin de chaleur humaine, pas de condescendance.
« Ce qu’on m’a fait vivre ici, je veux lui offrir à mon tour. »
C’est simple. C’est noble. C’est exactement ce qu’on attend d’un futur leader.
Deux visages d’une même équipe
Ce contraste entre Laine et Hutson est plus que symbolique : c’est un test de culture.
D’un côté, un joueur en quête de rédemption, lent, peu fiable défensivement, qui semble menacé par tout ce qui brille. De l’autre, un jeune défenseur en pleine ascension, humble, curieux, ouvert aux autres. Un constructeur.
Laine regarde Demidov comme une menace.
Hutson le regarde comme un allié.
Et le public n’est pas naïf. Les réseaux sociaux le savent. Les fans le sentent.
Dans les vestiaires, ces choses-là, ça ne ment pas. L’énergie se partage. Le respect se construit ou s’effondre. Et pour l’instant, c’est Lane Hutson qui élève la culture du Canadien. Pas Patrik Laine.
Jeudi soir, Ivan Demidov a atterri au Canada. Il est arrivé à Toronto, après avoir reçu son visa de travail. Il rejoindra le CH à temps pour le match contre les Leafs samedi, mais son vrai baptême de feu sera lundi soir au Centre Bell contre Chicago.
Et tous les regards seront braqués sur le #93, choisi pour inverser le 39 de Matvei Michkov – un geste symbolique, fort, un message : « Je suis le vrai prodige russe. »
Mais au-delà du hockey, il y a l’humain.
Ivan Demidov va entrer dans un vestiaire où certains veulent l’embrasser et l’élever.
Et d’autres, comme Patrik Laine, font déjà la moue.
Ce n’est pas juste une question de trios ou de stratégies.
C’est une question de culture.
St-Louis devra trancher. Faudra-t-il forcer l’intégration de Demidov avec Laine, malgré l’attitude dédaigneuse du vétéran? Ou miser sur des jeunes qui ont soif de collaborer, comme Hutson, Suzuki, Caufield et Slafkovsky?
Demidov ne vient pas juste pour marquer des buts.
Il vient pour changer l’histoire.
Et ce qu’il vivra dans ce vestiaire montrera si le CH est prêt à passer à un autre niveau.
Patrik Laine a montré ses vraies couleurs. Lane Hutson aussi.
À Martin St-Louis de décider quel vestiaire il veut vraiment bâtir.
Sans le vouloir, Lane Hutson a remis Patrik Laine à sa place.
Il ne l’a pas fait avec des mots durs, ni avec des déclarations à la caméra. Il ne l’a pas fait avec des critiques voilées ni des clins d’œil sarcastiques. Il l’a fait avec classe. Avec cœur. Avec une simplicité qui fait son charme..
Pendant que Patrik Laine s’enfonçait dans une attitude fermée, distante, vaguement méprisante envers Ivan Demidov, Lane Hutson, lui, ouvrait grand les bras.
Il n’a pas dit que Demidov venait d’une ligue plus facile. Il n’a pas dit qu’il ne le connaissait pas, ni qu’il s’en foutait. Il a écrit à Demidov. Il lui a tendu la main. Il a montré l’exemple.
Et en faisant ça, Hutson a exposé le malaise de Laine sans même le nommer. Il a exposé son insécurité, son orgueil mal placé, son incapacité à voir l’arrivée d’un coéquipier comme une occasion de grandir collectivement plutôt que comme une menace individuelle.
La plus grande leçon de leadership de la semaine ne vient pas d’un vétéran millionnaire à l’ego fragile.
Elle vient d’un jeune défenseur de 20 ans qui a compris que le talent, c’est beau… mais la grandeur d’âme, c’est ce qui unit une équipe.
Et c’est aussi ce qui gagne des Coupes.
Laine va partir après la saison prochaine. C'est écrit dans le ciel...