C’est un récit qui serre la gorge et qui laisse un goût amer.
Patrik Laine, l’homme que l’on croyait arrogant et indifférent, se révèle être un être tourmenté, enfermé pendant des années dans une spirale de douleur et d’autodestruction.
Nous avions cru à ses paroles sur Spittin’ Chiclets. Il riait de cette rumeur, nous assurant qu’il n’avait jamais été accro aux jeux vidéo.
Nous voulions y croire. Peut-être que lui aussi voulait y croire. Peut-être qu’il refusait de voir la vérité en face.
Mais aujourd’hui, il l’admet. Il a menti.
Non pas par malice, mais par instinct de survie. Parce qu’accepter la vérité signifiait admettre que ce monde virtuel était devenu bien plus qu’un simple passe-temps. C’était son échappatoire.
Il l’a confirmé en entrevue avec le média finlandais Helsingin Sanomat : il a bel et bien sombré dans une dépendance aux jeux vidéo.
Ce n’était pas qu’un loisir. C’était un moyen d’échapper à une réalité insupportable, un refuge lorsqu’il ne pouvait plus supporter le poids de son propre esprit.
Après la mort subite de son père, ce monde virtuel est devenu son unique ancre, un endroit où il pouvait oublier, où il pouvait fuir. Il y passait des nuits entières, oubliant tout le reste, jusqu’à en perdre la passion même qui l’avait amené là : le hockey.
« Éventuellement, je n’étais même plus intéressé par les jeux vidéo. Plus rien ne m’intéressait. »
Ce n’est pas seulement un aveu, c’est un cri du cœur. Quand même ce qui le réconfortait est devenu vide de sens, il ne lui restait plus rien. C’est à ce moment-là qu’il a touché le fond.
Il voulait tout arrêter.
Patrik Laine n’est pas un homme ordinaire. Il ne l’a jamais été. Depuis son enfance, son existence a été façonnée par une seule chose : le hockey.
Chaque décision, chaque choix, chaque moment de sa vie a été dicté par ce sport.
Il ne s’est jamais permis de penser à autre chose.
« Tout le monde me voyait et me jugeait à travers le hockey. »
Alors, quand son jeu a commencé à s’effondrer, son monde entier s’est écroulé. Il a fait ce qu’il fait toujours : il a trop pensé. Il a laissé son esprit le submerger, l’entraîner dans une spirale de doute et de dépression.
Il ne voyait plus d’issue.
« Je crée toutes sortes de scénarios dans ma tête. Je pense trop. À longueur de journée. »
Mais aujourd’hui, Patrik Laine est toujours là.
Il aurait pu tout abandonner. Il y a pensé. Il a failli le faire. Mais quelque chose l’a retenu. Quelqu’un l’a retenu.
Aujourd’hui, il n’est plus seul.
Sa fiancée, Jordan Leigh, l’a aidé à retrouver un équilibre. Elle a été là, dans les pires moments, lorsque même lui ne croyait plus en lui-même.
Aujourd’hui, il trouve un apaisement dans sa relation avec elle, dans leur chien, Boogie, dans leur vie à Montréal, loin des fantômes de Columbus et Winnipeg.
Il fait des suivis avec une thérapeute trois fois par semaine, pour s’assurer que son esprit ne retombe pas dans ces pièges du passé.
Il prie avec Jordan avant chaque match. Il trouve du réconfort dans la foi, un repère qu’il n’avait jamais cherché auparavant.
Il revient de loin.
Mais pour combien de temps?
On veut juste que ça aille bien pour lui. C’est tout. Mais on ne peut pas s’empêcher de s’inquiéter.
Parce qu’en ce moment, à Montréal, les critiques commencent à pleuvoir. Son jeu est inégal, ses performances laissent à désirer, et certains commencent à se demander si Patrik Laine est vraiment fait pour cette équipe, pour cette ville.
Mais quand on prend un pas de recul, quand on regarde tout ce qu’il a traversé… est-ce qu’on peut vraiment lui en vouloir?
La vérité, c’est que Laine a passé une bonne partie de sa carrière à se battre contre lui-même.
« Je suis quelqu’un qui pense trop. Je fais ça à longueur de journée. Je crée toutes sortes de scénarios dans ma tête. »
Et quand ça va mal sur la glace, quand il enchaîne les mauvais matchs, il tombe dans un cycle qui devient difficile à briser.
« J’aurais dû prendre la décision d’arrêter plus rapidement, en rétrospective. Ma situation s’est détériorée. Je n’étais plus fonctionnel. J’étais tellement déprimé. »
Quand un joueur arrive dans une ville comme Montréal, où chaque match est disséqué, chaque erreur est amplifiée, ça peut devenir dangereux.
Surtout qu'il a arrêté le hockey tellement il était déprimé avant de se faire échanger.
« Ce fut la décision la plus difficile que j’ai prise, de laisser tomber quelque chose que tu aimes. Tu as tout sacrifié pour être là et tu dois partir en raison de tes problèmes personnels.
Je ne savais pas pour combien de temps je quittais ou même si j’allais jouer à nouveau. »
Est-ce qu’il a peur de revivre ça? Peut-être.
Mais au moins, il est mieux entouré aujourd’hui.
Il n’est plus seul.
Une nouvelle vision de la vie
À travers toutes ces tempêtes, il a changé.
Il ne veut plus être le gars qui se cache derrière des voitures de luxe. Il veut avancer.
« J’avais encore la McLaren cet été et j’ai appelé mon conseiller financier pour lui dire que je n’ai plus besoin d’une voiture aussi dispendieuse.
C’est juste stupide. Je ne viens pas d’une famille fortunée. Mon rêve était une voiture rapide, mais c’est du passé. »
Aujourd’hui, il veut redonner. Il veut aider.
Avec sa fiancée, il a lancé la fondation From Us to You, une initiative pour soutenir la santé mentale.
Il veut que son expérience serve à quelque chose. Que son combat ait un sens.
Et surtout, il s’accroche à une nouvelle force dans sa vie : la foi.
« Je ne fais pas encore du porte-à-porte pour parler de Jésus, mais cet intérêt a tranquillement grandi chez moi. La religion m’a appris que je n’ai pas à tout faire tout seul. »
Il ne cherche plus à tout contrôler. Il apprend à lâcher prise.
Et c’est peut-être ça, la clé.
Mais le hockey, dans tout ça?
Il sait que les critiques ne s’arrêteront pas.
Il sait qu’à Montréal, on ne pardonne pas l’indifférence sur la glace.
Il sait aussi que son match contre Columbus, où ses anciens coéquipiers l'ont visé parce qu'il avait traité les Blue Jackets d'équipe de perdans, a laissé des traces.
« Je sais qu’ils ont fait exprès. »
Il regrette ses paroles. Il regrette d’avoir ouvert une porte qu’il n’aurait pas dû ouvrir.
« J’aurais dû passer à autre chose. Les journalistes voulaient que je m’étende là-dessus, par contre. Je ne dirai plus jamais quoi que ce soit de négatif sur une autre organisation. J’ai appris la leçon à la dure. »
C’est un homme qui apprend de ses erreurs.
Mais est-ce que Montréal va lui laisser le temps d’apprendre?
Parce qu’ici, le temps est un luxe qu’on n’accorde pas à tout le monde.
On ne peut pas s’empêcher d’avoir peur.
Peut-il résister à la pression montréalaise? Peut-il se réinventer à temps avant que les critiques ne deviennent trop lourdes?
Parce que sportivement, ça ne va pas.
Ses performances sont inconstantes. Son langage corporel, parfois inquiétant. Son passage à Montréal n’est pas exactement un conte de fées.
Et ce sont dans ces moments-là que les démons frappent le plus fort.
La question n’est pas de savoir s’il va replonger. La question est : est-il assez fort pour ne pas le faire?
On peut espérer que sa copine et ses proches seront là pour lui. Que son thérapeute, que sa foi, que tout ce qu’il a mis en place pour éviter une rechute suffira.
Mais on ne peut jamais en être certain.
En ce début d'année 2025, Patrik Laine se bat toujours. Il a connu l’enfer, mais il a aussi trouvé une lueur d’espoir.
Nous ne pouvons qu’espérer que cette lumière reste allumée.
Car même s’il n’est pas parfait, même s’il a fait des erreurs, Laine mérite d’être heureux.
Nous avons trop souvent vu des histoires de joueurs écrasés par la pression, qui n’ont jamais réussi à retrouver leur équilibre.
Ne laissons pas Patrik Laine devenir l’un d’eux.
Pour l’instant, il tient bon. Mais on sait à quel point il peut être difficile de rester en équilibre quand on a déjà basculé une fois dans l’abîme.
Alors, que peut-on faire?
Espérer.
Prier.
Et surtout, lui donner du temps.
Parce qu’au bout du compte, le plus important n’est pas qu’il redevienne un marqueur d’élite.
Le plus important, c’est qu’il continue de se battre...pout être heureux...