Un malaise s’installe doucement autour du Canadien, et ce n’est plus seulement un débat interne.
L’étiquette circule maintenant d’un vestiaire à l’autre : Montréal est talentueux, rapide… mais terriblement soft.
Les équipes le savent, les entraîneurs adverses le préparent dans leurs meetings vidéo, et les joueurs du CH en ont eu une autre preuve en perdant presque tous leurs duels contre les Sénateurs.
À la veille d’affronter les Jets ... une équipe mature, lourde, disciplinée ... Martin St-Louis n’a pas tenté de maquiller ce que tout le monde voit.
La fatigue peut expliquer quelques détails, mais pas l’essentiel.
La tendance est trop forte pour être mise sur le dos du calendrier.
Ce que les clubs adverses exploitent, c’est la même faiblesse structurelle : un système homme-à-homme fragile où le moindre duel perdu fait s’écrouler toute la structure.
Dans son point de presse, Martin St-Louis n’a pas cherché d’excuses.
Il a parlé de « combativité mentale », un concept qui revient constamment dans son discours, mais qui résonne différemment aujourd’hui.
« Des fois, on manque pas d’effort… on manque de combativité mentale », a-t-il lancé.
Pour lui, le problème n’est pas que ses joueurs ne travaillent pas. C’est qu’ils ne sont pas prêts, collectivement, au moment exact où c’est leur tour.
Cette phrase-là, il l’a répétée plusieurs fois.
« Quand t’es pas engagé mentalement, t’es pas prêt pour la prochaine action. […] Même si t’es fatigué, faut que tu sois prêt quand c’est ton tour. Si tu l’es pas, tu vas être fatigué bien plus longtemps, parce que ça reste dans ta zone. »
C’est là que l’identité du Canadien devient un dossier brûlant.
Les adversaires le savent : gagne ton 1-contre-1, impose le contact, mets de la pression sur le dump-in, et Montréal explose défensivement.
St-Louis l’a admis sans détour lorsqu’on lui a demandé pourquoi Ottawa avait généré autant de chances dangereuses.
« On a donné tellement de chances de notre zone défensive. Pas grand-chose sur le rush, mais sur les dump-ins. Ottawa est une équipe qui dumpe beaucoup. Ils ont amené un bon forecheck. Ils nous ont forcés à exécuter à un haut niveau contre leur pression, et on ne l’a pas fait. »
Le message est clair : la LNH a compris comment faire mal à son système.
Ce qui dérange encore plus, c’est que le problème est devenu prévisible.
On sait maintenant que lorsque Montréal concède le premier but, l’identité bascule.
Le jeu devient hésitant, les relances sont précipitées, les batailles en coin finissent presque toujours du mauvais côté.
Et comme le reconnaît l’entraîneur, ce n’est pas une question de stratégie… mais d’engagement mental.
« On connaît notre recette. Mais c’est une ligue difficile. Si t’amènes pas ta recette pour une grosse partie du match… tu joues avec le feu. »
Les Jets arrivent en ville sans Connor Hellebuyck, mais Winnipeg n’a jamais eu besoin de lui pour imposer sa façon de jouer.
C’est une équipe lourde, construite pour punir physiquement, exactement le profil qui expose les failles du système de St-Louis.
Le coach l’a senti venir quand on lui a demandé s’il voyait des signes, dès les premières présences, que son équipe était prête.
« Tu le vois dans les intentions tôt dans le match. […] Quand les cinq gars sont connectés. Quand tu sens que collectivement, la préparation est là. »
Sous-entendu : ce n’était pas le cas à Ottawa.
Et ce n’est pas la première fois que ça arrive.
L’autre enjeu, c’est que ce système demande une énergie mentale constante.
Dans un style homme-à-homme, chaque joueur doit suivre un adversaire partout, sans décrocher. Si un seul manque sa rotation, toute la structure devient un jeu de poursuite.
Et c’est ce que les équipes matures exploitent à merveille contre Montréal.
Ce qu’on voit, match après match, c’est un groupe jeune, rapide et flashy lorsque l’espace existe ... en avantage numérique, ou à 3-contre-3 en prolongation ... mais qui s’étouffe dans le trafic lourd du 5-contre-5.
On peut parler de talent. De progression. De patience.
Mais le hockey de la LNH reste brutal dans un domaine : les batailles individuelles définissent ta saison.
Et Montréal perd les siennes.
St-Louis n’a pas tenté de détourner la conversation. Lorsqu’un journaliste lui a demandé si les erreurs en zone défensive étaient structurelles ou individuelles, la réponse a fusé :
« C’est individuel. C’est noir et blanc. C’est pas gris. »
La déclaration confirme ce que les observateurs voient depuis des semaines : le Canadien n’a pas un problème de schéma… mais un problème d’exécution dans le schéma.
Un problème d’identité. Une équipe talentueuse qui joue comme une équipe en reconstruction quand le jeu devient lourd.
La perception circule autour de la Ligue, et ce n’est jamais bon signe quand une identité se discute ouvertement à l’extérieur de ton propre vestiaire.
Les entraîneurs adverses répètent déjà la même chose dans leurs réunions : « Presse-les. Engage physiquement. Ils vont briser. »
Montréal n’a pas encore la réponse.
Le seul avantage du CH, c’est que le coach refuse d’enrober la vérité. Pas de façade. Pas de mensonge. Pas de détour.
St-Louis sait exactement ce que son équipe projette en ce moment, et il l’énonce sans détour. Le problème n’est pas l’effort. Le problème est l’engagement, la concentration, l’identité.
Et surtout, la cohésion.
« Quand les gars sont connectés dès le début, tu le vois tout de suite. »
Ce n’était pas le cas à Ottawa.
Ce n’est pas souvent le cas contre des équipes matures.
Et c’est exactement ce que la LNH commence à chuchoter à propos du Canadien.
Une équipe excitante, talentueuse, explosive… mais vulnérable.
Une équipe qui brille quand elle a de l’espace et qui s’effondre quand l’adversaire resserre l’étau.
Une équipe dont l’identité est en train de se définir sans elle.
Misère...
