Le 98,5 FM est devenu, depuis la retraite de Paul Arcand, un laboratoire à controverse, une fabrique de crises médiatiques, un scandale en continu que génère son empire Cogeco.
Et le plus récent en date, impliquant Luc Ferrandez et Nathalie Normandeau, dépasse une ligne rouge que même ses précédents dérapages n’avaient pas encore franchie.
Lorsque Ferrandez a évoqué la possibilité d'élargir l'aide médicale à mourir aux personnes lourdement handicapées, il n'a pas simplement lancé une idée controversée : il a provoqué une onde de choc.
Plusieurs associations de défense des personnes vivant avec des déficiences intellectuelles ont réagi avec indignation, qualifiant ses propos d'incitation à la haine, à la discrimination et à la déshumanisation.
Le Conseil canadien des normes de la radiotélévision a été saisi, et des appels à la suspension de Ferrandez (et de Normandeau) fusent de toutes parts.
Mais le plus accablant, c’est que l’incident avec Luc Ferrandez et Nathalie Normandeau n’est pas un cas isolé. En réalité, Ferrandez n’en est pas à son premier faux pas lorsqu’il s’agit de faire preuve d’un mépris troublant envers les personnes vivant avec une déficience intellectuelle.
Dans une séquence désormais tristement célèbre, diffusée sur les ondes du 98,5 FM, Ferrandez s’en était déjà pris à Luc Lavoie, un autre chroniqueur, après que celui-ci ait critiqué la gestion des pistes cyclables à Montréal par la mairesse Valérie Plante.
Plutôt que de répondre avec rigueur ou arguments, Ferrandez avait préféré ridiculiser son collègue en l’imitant de manière grotesque, mimant une personne ayant une déficience intellectuelle.
L’attaque était si mesquine, si méprisante, que plusieurs auditeurs avaient immédiatement réagi avec dégoût. L’onde de choc fut d’autant plus grande que Ferrandez semblait motivé par sa loyauté personnelle envers Valérie Plante, une amie proche.
La défense de l’administration Plante justifiait-elle une moquerie aussi ignoble, diffusée publiquement, aux heures de grande écoute?
La tentative de « mise au point » présentée par Ferrandez et Normandeau n’a fait qu’aggraver la situation. Ce faux mea culpa, déguisé en réflexion tardive, a été qualifié de « merdique » par l’autrice et chroniqueuse Guylaine Guay, profondément bouleversée par les propos.
Mère de deux garçons autistes, elle a pleuré en direct, dénonçant cette forme de « nettoyage social » cachée sous une façade de débat éthique.
Guay n’est pas la seule. Plusieurs associations, dont la Fédération québécoise de l’autisme, ont réclamé la suspension immédiate de Luc Ferrandez, soulignant que « des animateurs ont été suspendus pour bien moins que ça ».
Ce qui choque, au-delà des propos, c'est la répétition systématique des dérapages au 98,5 FM. Cette station, jadis référence indiscutable de la radio parlée au Québec, semble incapable de gérer ses talents autrement qu'en les défendant aveuglément ou en les liquidant sans explication.
Rappelons que Jeremy Filosa a été suspendu pour avoir exprimé un doute anecdotique sur la mission lunaire de 1969.
Il a été abandonné par Philippe Cantin, qui n'a même pas tenté de le défendre, préférant l'enfoncer jusqu'au cou plutôt que supporter un collègue en difficulté.
Puis ce fut le tour de Pierre-Yves McSween. L'économiste le plus populaire du Québec, vulgarisateur brillant et chouchou des auditeurs, écarté sans ménagement après avoir réclamé plus d'espace à l'antenne.
Il avait osé déranger Philippe Cantin en manifestant son ambition. Une ambition, rappelons-le, fondée sur des cotes d'écoute supérieures à celles de l'animateur principal. Ce fut sa faute.
MC Gilles, lui aussi, a été mis à la porte. Après 19 ans de fidélité à la station, il a été écarté comme un figurant encombrant. Son humour dérangeait Patrick Lagacé. Son cachet était jugé trop élevé. Il a été sacrifié au nom d'une rentabilité hypocrite.
Ce n'est plus une station, c'est un cimetière d'opinions libres. Et au centre de ce système : un country club. Celui de Patrick Lagacé, Philippe Cantin, et de leurs fidèles alliés.
Un club où les amis des amis trouvent des micros et des chaises, pendant que ceux qui osent penser autrement se font éjecter sans explication.
Marie-Ève Tremblay, ancienne conjointe de Lagacé, promue à sa propre émission. Jessica Leblanc, aujourd'hui sa conjointe, promue chroniqueuse écolo chez Cantin. Des nominations qui sentent le favoritisme à plein nez, mais que personne n'ose contester publiquement.
Éric Trottier, directeur à La Presse, fait aussi partie de cette galaxie. Sa ligne éditoriale converge parfaitement avec celle de Lagacé, de Cantin.
Une vision unique entre amis. Un réseau qui pense en cercle fermé. Et qui écrase tous ceux qui osent le contester.
Comment expliquer qu'une station publique comme le 98,5 FM ait accumulé autant de scandales en si peu de temps ?
Suspension de Jeremy Filosa.
Congédiement de McSween.
Congédiement de MC Gilles.
Crise de direction avec le départ de Caroline Paquet.
Choix douteux de Yanick Bouchard, suivi de son propre scandale sexiste.
Dégringolade des cotes d'écoute.
Et maintenant, Luc Ferrandez qui parle d'euthanasie pour les personnes handicapées.
Le tout, sans qu'aucun responsable de Cogeco n'assume publiquement le moindre échec. Pas un mot. Pas une sanction. Aucune remise en question. Seulement des promotions, des nominations entre amis, et une confiance arrogante en leur hégémonie.
Mais la réalité les rattrape. Le 98,5 FM est aujourd'hui sur le point de perdre son titre de station numéro un à Montréal.
ICI Première, grâce à une grille solide et cohérente, grignote chaque semaine de nouvelles parts d'audience. Le public se lasse. Il n'en peut plus des hypocrites. Il tourne le dos à la clique.
Et ce n'est que le début. Si Cogeco ne nettoie pas la maison, si elle ne rétablit pas l'éthique, la compétence et la pluralité dans ses studios, alors la chute du 98,5 FM deviendra inévitable.
La station ne sera plus qu'un souvenir : celui d'une radio qui régnait sur le Québec, avant de s'écrouler sous le poids de ses propres contradictions.
Et si vous cherchez un nom pour décrire cette faillite morale, structurelle et éthique, il existe : le country club.