Don Waddell, directeur général des Blue Jackets de Columbus, sait au fond de lui-même qu'il a été pris au piège.
Malgré ses déclarations publiques et son attitude sereine, une certaine amertume transparaît dans sa voix, révélant une vérité plus sombre.
Cet échange, bien que nécessaire sur le plan financier, est un coup dur pour un homme qui a passé des décennies à construire des équipes compétitives.
L'acquisition de Jordan Harris n'aura pas suffi à compenser la perte de Patrik Laine, une étoile offensive qui, malgré ses hauts et ses bas, avait encore le potentiel de briller sous d'autres cieux.
Pour Waddell, l'affaire n'était pas qu'une simple transaction de hockey, mais un aveu douloureux de la situation dans laquelle se trouve Columbus: une équipe en difficulté qui peine à retenir ses talents.
« Je ne suis pas nerveux, » a déclaré Waddell au site de la LNH, d'une voix calme, mais ceux qui connaissent bien le vétéran dirigeant sentent le poids des regrets.
Il tente de se convaincre et de convaincre les autres qu'il a agi pour le bien de l'équipe, mais les doutes ont pris contrôle de son cerveau.
Il sait que chaque but que Laine marquera à Montréal sera un rappel cruel de ce qu'il a laissé filer.
La présence de Trevor Timmins, ancien architecte du repêchage à Montréal et désormais directeur adjoint au recrutement amateur avec les Blue Jackets, ajoute une autre couche à cette intrigue.
« Il y a aussi du Trevor Timmins dans cet échange » avoue Don Waddell,
« J’ai entendu de bons mots à son sujet. Trevor était très bien placé pour nous vendre Jordan, il le connaît depuis longtemps. »
C'est Timmins qui a vanté Harris, le vendant à Waddell comme une pièce maîtresse pour l'avenir de Columbus. C'est même Timmins qui a appelé Harris pour l'informer de la transaction.
« J’ai parlé avec Trevor ce matin, c’est lui qui m’a téléphoné. Trevor avait regardé plusieurs de mes matchs avant mon repêchage en 2018 par le CH. J’ai étudié à l’école secondaire avec l’un des neveux de Trevor au New Hampshire."
"J’ai toujours eu une bonne relation avec Trevor. Quand tu fais deux plus deux, tu comprends que ce n’est pas un hasard si j’atterris à Columbus. J’imagine qu’il a dit de bons mots à mon sujet avant la transaction. J’ai hâte de le recroiser. »
Mais même Timmins, avec toute son expertise et surtout son règne montréalais qui a détruit le CH suite à toutes ses erreurs au repêchage, ne pouvait pas masquer la réalité : se débarrasser d'un joueur du calibre de Laine, même pour résoudre des problèmes de plafond salarial, est une décision qui laisse des cicatrices.
Harris, quant à lui, se retrouve au milieu de cette tourmente. Heureux d'avoir une nouvelle chance à Columbus, il est cependant conscient des attentes et des défis qui l'attendent.
« Je veux jouer, je suis un compétiteur, » a-t-il confié.
Oui, je suis encore sous le choc. Tu ne peux jamais t’attendre à une transaction sauf si tu le demandes. Ce n’était pas mon cas. Il reste seulement quelques semaines à l’été. Je ne pensais pas bouger."
"Mais quand je regarde l’échange, je comprends qu’elle a du sens pour les deux équipes. Quand tu es un joueur de hockey professionnel, tu dois vivre avec cette réalité. Ça reste toujours une possibilité.
"L’échange vient briser ma routine pour l’été et bousculer mes plans, mais ça fait partie de la vie. »
« Cette transaction peut représenter une bonne chose pour ma carrière. Je ne pars pas pour Columbus en m’attendant à tout recevoir gratuitement."
"J’aurai besoin de gagner mon poste à la ligne bleue, de faire ma place. Je demande juste une chance honnête. J’espère que ça ira bien. Je suis excité à l’idée de vivre un nouveau départ. J’aurai l’occasion de montrer à un nouveau DG, à un nouveau coach et à de nouveaux coéquipiers ce que j’ai dans le ventre comme joueur."
"« Mais en même temps, j’ai des sentiments partagés. Je suis triste à l’idée de partir de Montréal. Nous construisions une très belle équipe avec les Canadiens.'
"Je connais le sérieux des dirigeants et des joueurs dans ce vestiaire. C’est triste, mais il y a aussi une belle lumière au bout du tunnel avec une autre chance à Columbus. »
Toutefois, il ne peut ignorer l'ombre de Laine qui plane sur lui.
Waddell, 66 ans, tente de se rassurer en se disant qu'il a fait ce qu'il fallait.
« Nous voulions un plus jeune joueur et un défenseur avec du potentiel. Jordan a joué 56 matchs l’an dernier, il peut jouer à gauche et à droite. Il offrira une bonne flexibilité, c’est toujours une bonne chose"
"Il est aussi un bon patineur et de ce que j’entends, il est une personne formidable. »
« Je m’attends à le voir se battre pour une place parmi nos six premiers défenseurs. Il y aura de la compétition au camp, nous avons aussi de bons jeunes défenseurs."
"Mais c’est une bonne chose pour notre équipe. Je ne choisis pas l’équipe, les joueurs choisissent l’équipe selon leur rendement sur la glace. »
Mais dans le monde sans pitié de la LNH, où les résultats parlent plus fort que les intentions, il sait qu'il pourrait bien regretter cet échange pour le reste de sa carrière.
Ce regret, qu'il essaie de cacher derrière des sourires et des déclarations mesurées, est évident pour ceux qui écoutent attentivement.
« Non, je ne suis pas nerveux." répète-t-il pour une 2e fois.
"J’ai déjà réalisé plusieurs transactions et j’ai échangé de gros noms comme Dany Heatley et Marian Hossa. Je dis toujours que j’espère que l’échange sera profitable pour les deux équipes."
"La prochaine fois que je téléphonerai à Kent (Hughes), je voudrai qu’il soit heureux au téléphone!"
"« Pour notre équipe, nous avions besoin de gagner en flexibilité avec le plafond salarial, pas juste pour cette année, mais aussi pour l’an prochain."
"Si Patrik peut bien jouer à Montréal, ce sera tant mieux. Je lui ai souhaité la meilleure des chances. C’est un échange de hockey. Je n’ai pas à gagner l’échange, j’ai besoin de conclure une transaction juste. »
« Il n’y avait pas beaucoup d’équipes qui pouvaient s’offrir le contrat de Laine. Montréal pouvait y arriver. S’il marque 50 buts, les gens se demanderont pourquoi j’ai conclu cet échange."
"Mais je sais qu’il n’aurait pas marqué 50 buts avec les Blue Jackets. Il ne voulait plus jouer pour nous. »
Au fond, Don Waddell sait qu'il s'est fait avoir. Et cette réalisation, même s'il refuse de l'avouer, est une ombre qui le suivra chaque fois qu'il verra Laine enfiler le chandail des Canadiens de Montréal.
Quoi qu'il dise en public, cette transaction restera pour lui un fardeau émotionnel, un rappel constant de ce qu'il a perdu.
On le sent dans sa voix...