Le sport professionnel en chute libre à Montréal: les investisseurs reculent

Le sport professionnel en chute libre à Montréal: les investisseurs reculent

Par Nicolas Pérusse le 2025-08-16

À Montréal, l’été 2025 n’a laissé place à aucun doute. Dans les rues, dans les médias, dans les bars, dans les discussions entre amis, il n’y avait qu’un seul sujet : le Canadien de Montréal.

Le soccer? Silence radio. Le football canadien? À peine un murmure. Montréal s’est repliée sur son sport roi avec une intensité qui enterre tranquillement tout espoir de voir un autre sport professionnel exister dans cette ville.

Et ce n’est pas seulement une impression.

Le CF Montréal vit sa pire saison depuis son entrée en MLS, au point d’avoir publié une lettre de reconstruction à ses partisans, un aveu brutal de son incapacité à livrer la marchandise. Les Alouettes, eux, traînent un début de saison sans éclat, incapables de générer le moindre buzz malgré leur conquête de la Coupe Grey il n’y a pas si longtemps.

Le contraste est violent : pendant que le soccer et le football se noient dans l’indifférence, le Canadien attire l’attention médiatique au point d’éclipser tout le reste. On ne se demande pas si le CH fera les séries, mais plutôt à quelle vitesse il peut redevenir une puissance de la LNH. Chaque conférence de presse, chaque rumeur de contrat, chaque espoir qui monte des rangs mineurs devient une histoire nationale.

C’est ça, Montréal aujourd’hui : une ville monopolisée par un seul sport. Et ça tue le reste.

Il fut un temps où le soccer avait une chance. L’arrivée de Didier Drogba avait mis le feu au Stade Saputo, et on rêvait d’un avenir où le CF Montréal pourrait devenir une véritable marque sportive dans la ville. Mais le feu s’est éteint, et les sièges vides se multiplient. Le club ne fait plus vendre de journaux, ne suscite plus de débats, et peine à trouver sa place dans un calendrier médiatique saturé par le hockey.

Le soccer est en vie, mais dans l’ombre, à peine toléré comme divertissement secondaire.

Quant aux Alouettes, leur combat est encore plus cruel. La CFL est une ligue fragile, une petite bulle canadienne à huit équipes qui se bat pour rester crédible dans un monde dominé par la NFL. À Montréal, elle survit par habitude plus que par passion. La blessure d’un joueur vedette, une série de défaites… et déjà, la conversation retombe dans l’indifférence.

Pendant ce temps, chaque match préparatoire du Canadien fait plus jaser que toute une saison de football.

Et pourtant, Montréal aime se vanter d’être une « ville de sport ». On rappelle les Jeux olympiques de 1976, le souvenir des Expos, les événements internationaux comme le Grand Prix ou le tournoi de tennis de l’Omnium Banque Nationale.

On évoque le rêve d’un retour de la MLB ou l’idée d’attirer un jour une équipe de la NBA. Mais soyons honnêtes : qui peut croire que ces rêves sont réalistes quand les ligues déjà en place – la MLS et la CFL – peinent à exister?

C’est le paradoxe montréalais. Sur papier, la ville a tout : une grande métropole, une tradition sportive, des infrastructures solides, un public réputé passionné. En réalité, ce public n’a d’yeux que pour une seule équipe. Les investisseurs le savent. Chaque fois qu’un projet d’expansion revient sur la table, la question se répète : pourquoi croire que Montréal pourrait soutenir une franchise NBA ou MLB quand elle n’arrive pas à remplir un stade de soccer ou de football?

Certains diront que la MLS et la CFL sont des ligues de second ordre, incapables de rivaliser avec les géants nord-américains. Et ils n’ont pas tort. Peut-être qu’une vraie ligue majeure – NBA ou MLB – réussirait à casser le monopole du hockey et à séduire le public montréalais. Mais rien ne le garantit. L’histoire récente prouve même le contraire : plus le Canadien attire toute l’attention, plus les autres sports s’enlisent.

Et il y a un autre phénomène, plus inquiétant encore : le changement de génération. La jeunesse montréalaise n’est plus branchée sur le sport comme avant. Les matchs de trois heures, dans un stade ou même à la télévision, ne captivent plus.

Les jeunes veulent des images rapides, des faits saillants condensés, des extraits viraux sur TikTok ou Instagram. Ils ne consomment plus le sport comme un rendez-vous sacré, mais comme une succession de clips.

Ce changement bouleverse tout l’écosystème. Les bars qui diffusaient autrefois les matchs peinent à attirer une clientèle fidèle. Les foules qui remplissaient les gradins s’amincissent. Et si même la nouvelle génération décroche, qu’est-ce qui restera pour des ligues déjà marginales comme la MLS et la CFL?

Le constat est brutal : Montréal n’est pas une ville de sport. Montréal est une ville de hockey. Et ce monopole étouffe tout le reste. Le soccer n’arrive pas à exister, le football canadien survit par habitude, et les rêves de NBA ou de MLB semblent condamnés à rester des illusions.

Pire encore : même l’avenir du sport lui-même est fragilisé par le désintérêt croissant de la nouvelle génération pour l’expérience traditionnelle. Une génération qui préfère les résumés aux matchs complets, les extraits aux saisons, les images aux histoires.

Le sport professionnel en chute libre à Montréal? Oui. Et le coupable est double : d’un côté, le Canadien, qui aspire tout l’air ambiant. De l’autre, une jeunesse qui ne respire plus le sport comme avant.

À ce rythme-là, il ne restera peut-être qu’une seule vérité dans cette ville : à Montréal, il y a le Canadien… et le reste n’existe pas.