Il faut comprendre une chose : Kent Hughes ne veut pas revivre le cauchemar de cette saison. Il ne veut plus voir sa ligne bleue flancher sous la pression, perdre chaque bataille le long des rampes et se faire humilier physiquement par des équipes qui, elles, ont compris ce que ça prend pour gagner au printemps.
Aaron Ekblad n’est pas seulement un nom sur une feuille. Il est devenu une obsession dans les bureaux de Jeff Gorton et Kent Hughes.
Parce qu’ils savent que le temps presse. Lane Hutson est génial. Reinbacher s’en vient. Mailloux cogne à la porte. Mais aucun de ces jeunes-là n’est prêt à jeter les gants contre Matthew Tkachuk en pleine série. Aucun ne va intimider un Nikita Kucherov ou un Brad Marchand. Aaron Ekblad, lui, peut le faire. Il l’a déjà fait. Et il le refera.
Et pendant que tout le monde rêve d’Ekblad, Philippe Boucher, lui, sort John Klingberg de sa tombe. Un revenant. Un joueur que l’on croyait fini, éclipsé, oublié. Mais surprise : il renaît à Edmonton. Il bouge encore. Il bloque des tirs. Il aide les Oilers à atteindre la finale de l’Ouest.
Alors, pourquoi pas? Pourquoi pas miser sur un vétéran suédois, le temps d’une saison, pour encadrer les jeunes? Boucher n’est pas fou. Il voit le vide. Il comprend que sans un défenseur de transition, on va brûler Hutson. On va précipiter Mailloux. On va demander l’impossible à Guhle.
Mais Hughes n’envisage pas John Klingberg comme un plan A. Il sait qu’il faut du sang neuf, du sang chaud, du sang vicieux.
Et pendant que les rumeurs Ekblad grondent à Montréal, à Ottawa, c’est une autre guerre qui se prépare.
Les Sénateurs veulent leur défenseur droitier, eux aussi. Rasmus Andersson, Ristolainen… des noms qui circulent comme jamais.
Parce qu’à Ottawa, on veut oublier les années de honte. On veut devenir sérieux. Et les rumeurs parlent même d’une poussée pour… Aaron Ekblad.
Imaginez. Ottawa contre Montréal pour le même joueur. Une bataille de tranchées. Une guerre d’enchères.
C’est là que ça devient croustillant.
Parce que Kent Hughes a l’argent. Il a les choix. Il a le plan. Et surtout, il a l’urgence. Il sait que le Centre Bell ne pardonnera pas une autre saison de mollesse défensive.
Il sait que Suzuki a besoin de renfort. Que Demidov n’ira pas dans les coins à sa première saison. Il sait que Laine va se faire brasser.
Et il sait aussi que les Sénateurs veulent visenr gros. Que Steve Staios a promis du muscle à DJ Smith. Que Brady Tkachuk est tanné de se battre seul.
Alors, le match est lancé. Ekblad ou pas, il y aura une bataille entre Montréal et Ottawa cet été. Et cette bataille, elle va se gagner à droite de la défense.
Montréal, pour l’instant, garde son jeu secret. Hughes laisse les rumeurs circuler. Il laisse Ottawa se montrer les dents. Mais en coulisses, les téléphones brûlent.
Il y a aussi le plan B. Si Ekblad échoue, Klingberg reste une solution temporaire. Il coûte presque rien. Il ne bloque personne à long terme. Il accepte un rôle de mentor.
Et Hughes le sait : une saison avec Klingberg, c’est une saison où Mailloux peut grandir sans s’écraser. Où Reinbacher peut respirer à Laval sans se faire crucifier à TVA Sports. C’est une saison tampon. Une stratégie de pont. Le temps que les jeunes soient prêts pour la guerre.
Quand Philippe Boucher parle de défenseurs, on écoute. Parce qu’il ne parle pas pour rien dire.
Ancien défenseur lui-même dans la LNH, ancien DG des Remparts de Québec et des Saguenéens de Chicoutimi, analyste respecté à TVA Sports, il ne lance jamais une opinion sans l’avoir pesée, validée, ressentie.
Et cette semaine, sur le plateau de TVA Sports, Boucher a surpris tout le monde. Alors que les rumeurs autour d’Aaron Ekblad explosaient et que les partisans s’emballaient à l’idée d’un monstre défensif débarquant à Montréal, lui a choisi un angle totalement inattendu. Il a relancé le nom de… John Klingberg.
Et il ne l’a pas fait avec légèreté. Au contraire, Boucher a expliqué avec calme et lucidité pourquoi Klingberg, malgré tout ce qu’on peut penser de lui, pourrait être un choix stratégique brillant pour Kent Hughes.
« Ce n’est plus le défenseur offensif qu’il a été », a-t-il concédé dès le départ, en mettant cartes sur table.
« Mais à Montréal, on cherche un gars pour entourer les jeunes. On veut créer un environnement sain pour Mailloux, pour Reinbacher. Et ce n’est pas une bonne idée de les envoyer au massacre si on n’a pas le bon encadrement. Klingberg, ce serait une façon de les protéger. »
Et c’est là qu’on comprend la vision de Boucher. Il ne cherche pas un héros, il cherche un tampon, un mentor, un filet de sécurité. Il ne veut pas précipiter Mailloux dans le top-4 pour ensuite le brûler.
Il ne veut pas que Reinbacher, encore vert, devienne un punching bag médiatique au premier revirement. Ce que Boucher propose, c’est une année de respiration. Une saison pour placer les fondations. Et Klingberg, selon lui, peut être cette base temporaire, un pilier usé mais utile, qui connaît la LNH, qui ne panique pas et qui ne viendra pas nuire aux jeunes.
« Moi, je l’adore, Mailloux », a insisté Boucher, visiblement convaincu du potentiel du jeune défenseur.
« Mais tu vas le mettre où? J’aime Xhekaj et je le veux dans mon alignement. Est-ce que tu amènes Mailloux comme cinquième défenseur avec lui? Est-ce que tu crois qu’il peut jouer dans le top-4 déjà? Ce sont des vraies questions. »
Et dans ces questions-là, il y a toute la sagesse de l’ancien joueur devenu stratège. Boucher ne rêve pas en couleurs. Il ne veut pas juste « donner la chance aux jeunes ».
Il veut les préparer, les encadrer, les placer dans une position de succès. Et c’est pour ça qu’il croit que le Canadien ne doit pas foncer tête baissée avec Mailloux dans un rôle trop gros, trop tôt.
Il le dit sans détour : le CH n’a pas de plan clair à droite de sa défense si Savard s’en va. Et dans cette zone d’incertitude, Klingberg pourrait être le choix intelligent, le choix réaliste, le choix logique.
Bien sûr, ce n’est pas sexy. Ce n’est pas Aaron Ekblad. Ce n’est pas un nom qui fait vibrer le Centre Bell. Mais pour Boucher, ce n’est pas une question de vedettariat. C’est une question de croissance structurée. Et selon lui, Klingberg peut faire le pont.
« Il y a beaucoup de monde qui va capoter si on signe Klingberg », a-t-il lancé, sourire en coin. « Mais moi, je regarde le développement. Et ce gars-là, il peut t’en donner pour un an. Il peut faire le travail, il ne coûtera pas une fortune. Et il va laisser la place aux jeunes quand ce sera le bon moment. »
Ce qu’il dit entre les lignes, c’est que Montréal a un chantier immense à droite de sa défense. Et que dans ce chantier, on ne pose pas les fenêtres avant les fondations. Klingberg, ce serait une fondation temporaire. Une façon d’éviter que tout s’écroule dès octobre.
Et si quelqu’un connaît les coulisses d’un vestiaire, les défis de la LNH et le développement d’un jeune défenseur dans un marché brûlant comme Montréal, c’est bien Philippe Boucher. Alors même si ça fait sourciller, même si ça choque les fans rêvant d’un Ekblad ou d’un Rasmus Andersson, il faut l’écouter.
Parce que parfois, le chemin le plus sage n’est pas celui qui fait le plus de bruit.
Mais le rêve, c’est Ekblad.
Et si ce rêve ne devient pas réalité, gare à ce qui se passera ensuite. Parce qu’un Canadien sans défenseur droitier, c’est un Canadien qui va encore s’effondrer au mois de février.
Le message est clair : Montréal ne veut plus survivre. Montréal veut imposer le respect. Montréal veut faire peur.
Et dans cette ligue, tu ne fais pas peur avec des bonnes intentions.
Tu fais peur avec un Aaron Ekblad. Moins avec un John Klingberg.