Leçon cruelle : Matvei Michkov a joué avec la tête de Jacob Fowler

Leçon cruelle : Matvei Michkov a joué avec la tête de Jacob Fowler

Par André Soueidan le 2025-12-19

Même si le Canadien a depuis repris le chemin de la victoire au Centre Bell contre des Blackhawks diminués, une image continue de coller à la rétine des partisans.

Un moment précis, survenu quelques jours plus tôt contre Philadelphie, qui a laissé une trace beaucoup plus profonde que le pointage final de ce match-là.

Parce que certaines séquences ne disparaissent pas avec une victoire le lendemain.

Elles s’installent. Elles modifient la perception.

Et dans le cas de Jacob Fowler, ce qui s’est passé contre les Flyers est devenu un petit point de bascule silencieux dans la façon dont on le regarde désormais.

Retour derrière le filet, rondelle apparemment sans danger, séquence banale mille fois vue dans la LNH.

Sauf que cette fois-là, quelque chose cloche.

Fowler hésite.

Panique. Laisse la rondelle mourir derrière le but.

Une demi-seconde plus tard, Matvei Michkov a déjà compris.

Bobby Brink se retrouve seul devant un filet désert. But. Fin de la discussion.

À première vue, la critique facile pointe la communication déficiente des défenseurs, Lane Hutson inclus.

Mauvaise lecture, mauvais timing, jeune gardien, bienvenue dans la ligue.

Mais quand on revoit la séquence calmement, quand on écoute attentivement la reprise télé, quand on tend l’oreille aux détails, une autre hypothèse s’impose.

Et ceux qui ont déjà joué au hockey à un niveau sérieux savent exactement où regarder.

Ce jeu-là sent la ruse à plein nez.

Les gardiens vivent dans un univers sonore constant. « Leave it ». « Rim it ». « Reverse ».

Des mots-clés répétés des milliers de fois, intégrés comme des réflexes.

Et Michkov, joueur brillant, sournois, ultra intelligent sur la glace, connaît ça.

Trop bien.

Sur la séquence, tout indique qu’il a parlé.

Qu’il a lancé un faux signal.

Une voix qui ne devait pas être là.

Une fraction de seconde de confusion.

Assez pour tromper un gardien recrue qui ne reconnaît pas encore toutes les voix, toutes les intonations, toutes les habitudes de ses propres défenseurs.

Même le descripteur de TSN le souligne en reprise. « Écoutez bien ».

Ce n’est pas anodin. Ce n’est pas un hasard. Ce n’est pas juste un puck mal géré.

C’est une feinte mentale.

Et c’est là que le moment devient un point tournant.

Parce qu’avant ça, Montréal était déjà en train de couronner Jacob Fowler.

Victoire éclatante contre Pittsburgh, discours de stabilité retrouvée, solution à long terme devant le filet.

Une ville entière prête à s’emballer.

Puis arrivent New York, Philadelphie, et cette erreur-là.

Une erreur qui ne vient pas d’un tir voilé ou d’un écran parfait, mais d’un piège. D’une naïveté exploitée.

Depuis, le ton a changé.

Subtilement, mais clairement. Le discours public est déjà passé de « futur numéro un » à « développement », « apprentissage », « retour possible à Laval ».

Et quand Samuel Montembeault sera prêt à revenir, ce sera facile pour tout le monde d’accepter l’idée que Fowler retourne peaufiner son jeu.

La ruse de Michkov aura fait plus que donner un but. Elle aura replacé les attentes.

Ironie du sort, encore une fois, c’est Michkov qui fait mal au Canadien.

Le même joueur entouré de tensions au repêchage.

Le même que Montréal a laissé passer.

Le même qui semble prendre un plaisir particulier à exposer les failles du CH.

Même dans une saison où son propre jeu est inégal, même avec un coup de patin moins affûté, même quand le physique ne suit pas toujours, le cerveau, lui, reste une arme redoutable.

Ce but-là n’apparaîtra jamais comme une feinte officielle sur la feuille de match.

Aucun point ne sera crédité à l’intelligence.

Mais pour ceux qui savent, pour ceux qui ont déjà vécu ce genre de moment sur la glace, le message est limpide.

Jacob Fowler a appris une leçon brutale. Une leçon de Ligue nationale. Une leçon qu’on n’oublie pas.

Et à Montréal, depuis ce soir-là, quelque chose a changé dans la façon dont on regarde son gardien d’avenir.

Pas condamné. Pas rejeté. Mais ramené à la réalité.

Celle où la LNH ne pardonne pas la naïveté. Celle où les plus brillants joueurs ne battent pas seulement les jambes, mais la tête.

Michkov, ce soir-là, n’a pas marqué un but. Il a planté un doute.

Un doute sournois, silencieux, le genre qui ne fait pas le tour des faits saillants, mais qui reste accroché dans la tête d’un gardien pendant des semaines.

À Jacob Fowler maintenant de transformer cette piqûre-là en apprentissage, de reconnaître les voix, les intentions, les pièges, et de revenir plus fort, plus méfiant, plus solide.

C’est le danger du poste, encore plus à Montréal : l’opinion publique bascule vite, encense un soir, condamne le lendemain.

Oui, le premier départ gagnant à Pittsburgh rappelle Carey Price, Patrick Roy, Ken Dryden.

Mais ces comparaisons-là viennent avec un avertissement.

La route est longue, remplie d’embuscades, et ce moment contre Philadelphie n’est qu’un des tout premiers tests sur le chemin de Fowler.

À lui maintenant de montrer qu’il sait encaisser, apprendre, et avancer.

AMEN