Les larmes de Savid Savard: les larmes d’une province entière

Les larmes de Savid Savard: les larmes d’une province entière

Par David Garel le 2025-04-30

Une fin de saison qui nous brise le coeur.

David Savard s’effondre en larmes, et c’est tout un vestiaire qui pleure avec lui.

Le silence, d’abord. Puis, les sanglots étouffés. Et enfin, la scène que personne n’oubliera : David Savard, seul sur le banc, le regard vide, le visage inondé de larmes.

C’est ainsi que la saison du Canadien de Montréal s’est conclue, jeudi soir à Washington, éliminé en cinq matchs par des Capitals plus rusés, plus efficaces, plus matures.

Mais dans la défaite, le Tricolore a offert à ses partisans un dernier moment d’humanité brute. Une image qui transcende les statistiques, les séries et les résultats. Un moment qui marque l’histoire d’une franchise : le cœur brisé d’un guerrier.

David Savard le savait. Il ne remettra plus l’uniforme du Canadien. Et ce n’est pas lui qui l’a annoncé. C’est son corps, ses yeux rougis, ses coéquipiers qui sont tous venus un à un l’embrasser. Il n’avait plus besoin de parler. Il avait tout donné. Jusqu’à la dernière goutte.

Il y avait quelque chose de poétique dans cette fin. De cruel, aussi. David Savard, ce vétéran discret mais essentiel, n’a jamais joué pour les caméras.

Il a joué pour ses coéquipiers, pour le chandail, pour cette idée un peu naïve qu’on peut encore gagner par le travail, le sacrifice, et l’amour de la game.

À 33 ans, ralenti par les blessures, il n’avait plus les jambes pour bloquer trois tirs d’Ovechkin par match. Mais il l’a fait. Encore. Et encore. Et encore. Jusqu’à ce que les Capitals terminent le travail.

Mais lui, il avait déjà tout fait.

Soyons honnêtes. Qui croyait vraiment que le Canadien serait encore en vie en avril? Qui osait dire en octobre que ce groupe-là, jeune, imparfait, inexpérimenté, allait donner du fil à retordre aux puissances de l’Est?

Ce club a défié toutes les prédictions. Il a tenu tête à tout. Il a battu les Rangers, il a surpris les Panthers, il a résisté aux blessures, aux critiques, aux doutes. Il a grandi sous nos yeux.

Et même s’il n’y aura pas de parade cette année, il y aura autre chose : la fierté. Celle d’avoir vu Lane Hutson émerger. Celle d’avoir vu Ivan Demidov nous offrir des frissons. Celle d’avoir vu Arber Xhekaj imposer le respect. Celle d’avoir vu Cole Caufield, Nick Suzuki, Kaiden Guhle et Samuel Montembeault porter cette équipe sur leurs épaules quand tout semblait s’effondrer.

Mais ce soir, c’est pour David Savard qu’on pleure. Parce qu’il a incarné cette transition. Il a fait le pont entre l’époque de la reconstruction et celle de l’espoir. Il a guidé les jeunes. Il a protégé ses coéquipiers. Il a mis sa santé en jeu pour que les autres brillent.

Et il l’a fait sans jamais chercher la reconnaissance. Sans jamais se plaindre. Sans jamais baisser les bras.

Quand il s’est effondré en larmes, à la fin du match, ce n’était pas seulement un homme qui quittait la glace. C’était toute une génération de hockey qui lui disait merci. Merci pour les mises en échec. Merci pour les tirs bloqués. Merci pour les leçons. Merci pour le respect. 

Ils sont venus un par un. Suzuki. Caufield. Matheson. Anderson. Guhle. Tous. Ils ont pris Savard dans leurs bras. Et ils ont pleuré avec lui. Parce qu’ils savaient. Parce qu’ils avaient grandi à ses côtés. Parce qu’ils n’étaient pas seulement en train de perdre une série. Ils perdaient un frère.

Martin St-Louis, lui aussi, avait les yeux rougis. Le coach ne pouvait pas retenir ses larmes.

Savard a quitté la patinoire une dernière fois. La tête basse. Mais avec le respect éternel d’un vestiaire et d’une ville.

Et peut-être que le moment le plus fort de ce match d’adieu s’est joué, non pas pendant la rencontre, mais après la poignée de main.

Là, dans les yeux humides de Pierre-Luc Dubois, on a vu l’héritage invisible de David Savard. Ce lien fraternel entre deux Québécois qui ont partagé bien plus que des présences sur la glace.

Savard a accueilli Dubois chez lui dès son arrivée dans la LNH. Il l’a guidé, protégé, formé. Pas comme un simple vétéran, mais comme un grand frère.

Alors que les Capitals venaient d’éliminer le Canadien, Dubois n’a pas fêté. Il a pris le temps de regarder Savard dans les yeux. De le serrer dans ses bras. De lui dire merci.

« David, c’est plus qu’un coéquipier pour moi, c’est un frère », a-t-il soufflé, la voix tremblante.

Cette image-là, elle va rester. Comme les heures que Savard a passées à former Guhle, à parler avec Xhekaj, à rassurer Hutson, à préparer Struble. Le CH perd un défenseur, oui. Mais surtout un bâtisseur.

David Savard n’aura peut-être jamais eu le profil glamour. Mais son départ laisse un vide immense, rempli de respect, d’amour, et de reconnaissance.

Il part comme il a toujours joué : humblement. En pensant aux autres avant lui.

Et c’est pour ça qu’on ne l’oubliera jamais.

Dans les prochaines années, on se souviendra de cette saison 2024-2025 comme celle où tout a commencé à changer.

Mais on se souviendra surtout que cette fondation, cette mentalité, ce courage collectif, c’est David Savard qui l’a semé.

Le CH devra se renforcer. Devenir plus méchant. Plus grand. Trouver un défenseur droitier de premier plan, comme Noah Dobson. Évaluer si Xhekaj doit rester. Peser l’avenir de Laine. Répondre aux critiques sur la mollesse de l’équipe.

Mais ce soir, il faut faire une pause. Et dire merci.

Merci, David Savard.

Tu ne soulèveras peut-être pas une autre Coupe.

Mais tu as porté le flambeau avec dignité.

Et nous, on ne t’oubliera jamais.