C'est avec le coeur lourd que nous envoyons nos pensées à Logan Mailloux

C'est avec le coeur lourd que nous envoyons nos pensées à Logan Mailloux

Par David Garel le 2025-10-08

Logan Mailloux aurait dû être au septième ciel. Il aurait dû célébrer. Il aurait dû appeler ses proches, sortir dans un restaurant de Saint-Louis, savourer ce moment rare où le destin d’un jeune joueur de hockey bascule vers le rêve.

Le défenseur a percé l’alignement des Blues. L’organisation lui a confirmé sa place en LNH. Mieux encore, on lui a dit de se trouver un appartement. Ce n’était plus un simple test : c’était une réalité concrète. Il allait commencer la saison avec l’équipe, dans la grande ligue.

Après tout, avec ses quatre passes en quatre matchs préparatoires, son jeu physique, son implication défensive et ses plus de 25 minutes de jeu contre Dallas, il avait gagné sa place.

Son coach Jim Montgomery l’a confirmé publiquement:

« Mailloux a été très bon. Il a fait beaucoup de bons jeux en défense et en attaque. Ça se voit que c’est un excellent joueur de hockey, et il va nous aider dans le futur. »

Le conte de fées était en marche. Jusqu’à ce que tout dérape.

Tout a commencé avec une initiative banale du gestionnaire des réseaux sociaux des Blues de Saint-Louis. Dans une logique marketing classique, l’équipe publie depuis quelques semaines des « Five Fun Facts » sur ses jeunes joueurs.

Logan Mailloux n’y a pas échappé. Le visuel était simple, anodin : une photo de lui en uniforme avec cinq anecdotes "drôles". Une manière de le présenter aux partisans, de créer un attachement, d’humaniser un nouveau venu.

Mais l’enfer s’est ouvert en quelques minutes. Loin d’être accueilli avec légèreté, le "post" a été envahi par une avalanche de commentaires haineux, de rappels de son passé, et d’un acharnement d’une violence rare.

Les gens n’ont pas voulu jouer le jeu des anecdotes amusantes. Ils ont voulu replonger dans le passé. Celui de 2020, en Suède. Celui que Mailloux tente depuis des années de laisser derrière.

Le tollé a été tel que l’organisation a dû supprimer la publication. Jean Trudel, du balado Stanley25, a confirmé la situation, visiblement ébranlé lui aussi par ce qu’il a vu défiler:

Ce qui devait être une célébration d’un jeune homme qui réussit enfin à redresser sa trajectoire est devenu une exécution publique. Une leçon brutale sur la façon dont les réseaux sociaux peuvent transformer un instant de lumière en un chaos destructeur.

Personne ne nie la gravité des gestes commis par Mailloux en Suède. Et lui-même ne l’a jamais nié. Il a fait amende honorable. Il a été suspendu. Il a fait face à la justice.

En 2020, alors qu’il évoluait en Suède avec SK Lejon, Mailloux a été reconnu coupable d’avoir pris une photo intime non consentie d’une jeune femme pendant une relation intime, puis d’avoir partagé cette photo avec ses coéquipiers, accompagnée d’informations personnelles permettant de l’identifier.

La victime avait porté plainte, expliquant qu’elle avait subi une atteinte grave à sa vie privée, que l’acte avait été commis sans son consentement et qu’elle avait été humiliée publiquement.

Le tribunal suédois avait condamné Mailloux à une amende équivalente à environ 2 000 $ canadiens pour diffamation et atteinte à la vie privée. L’affaire avait été abondamment médiatisée, provoquant une onde de choc au Canada et dans le monde du hockey junior.

La victime avait publiquement exprimé sa déception devant le fait que Mailloux ne semblait pas, à l’époque, pleinement conscient de la gravité de son geste.

Elle avait affirmé que son intention première en portant plainte était de forcer une prise de responsabilité réelle, et non de nuire à sa carrière.

C’est ce qui avait mené Mailloux, quelques mois plus tard, à demander publiquement aux équipes de la LNH de ne pas le repêcher lors de la séance de 2021, une demande que le Canadien de Montréal avait finalement ignorée en le sélectionnant au 31e rang au total.

Le gestionnaire des réseaux sociaux des Blues... ne savait pas...

En quelques minutes, la section des commentaires a été inondée de rappels de l’affaire suédoise, de captures d’articles de 2020-2021 et de messages indignés. Devant l’ampleur de la réaction, l’équipe a supprimé la publication.

La victime avait insisté à l’époque pour que l’incident soit reconnu et réparé, non pour qu’il soit éternellement utilisé comme arme contre lui.

Ce dérapage sur les réseaux sociaux montre aussi à quel point la réputation numérique d’un joueur comme Mailloux est extrêmement fragile. Le moindre faux pas de communication, même bien intentionné, peut relancer des vagues d’indignation.

Il a été confronté à une tornade médiatique à Montréal, à des années de critiques, à une réputation entachée à vie. Il a tout assumé, multiplié les démarches de réparation, changé son entourage, réajusté son comportement.

À Laval, son appartement est devenu un sujet en soi : lieu de party, visites fréquentes en after-hour, garde de sécurité engagé lorsqu'il allait faire la fête.

C’était l’image d’un jeune homme encore instable. Mais à Saint-Louis, c’est une autre histoire. Il s’est trouvé un appartement tranquille, en périphérie, loin du chaos. Il veut prouver qu’il a mûri. Il veut être jugé pour son hockey.

Et en hockey, justement, il excelle. Il a été utilisé plus que n’importe quel défenseur lors des matchs préparatoires. Il a distribué trois mises en échec par rencontre. Il a été solide dans les coins, discipliné dans ses lectures, percutant en relance.

Les Blues ne le voient plus comme un pari risqué. Ils le voient comme une vedette en devenir. Mais rien de tout cela n’a empêché que son nom soit encore réduit à un seul chapitre sombre de sa vie.

Une erreur, immense certes, mais unique. Et alors que tant d’autres joueurs ont été pardonnés pour des gestes parfois aussi graves, sinon pires, Mailloux semble prisonnier d’un cauchemar sans fin.

Ce qui rend cet épisode d’autant plus cruel, c’est son timing. Tout allait bien. Il venait de prouver sa valeur. Il avait laissé derrière lui les critiques de Montréal, la méfiance de l’état-major du Canadien, les rumeurs de comportement.

Il était, enfin, dans une organisation qui le valorise, qui mise sur lui, qui l’encadre positivement. Les Blues lui ont garanti une place dès l’été, l’ont intégré à leur culture d’équipe, et l’ont placé sur la deuxième vague de l’avantage numérique. Il joue avec Justin Faulk, Kyrou, Holloway et Neighbours. Il est là. Officiellement.

Et c’est précisément là que les démons du passé ressurgissent. C’est là qu’on voit l’absurdité de l’époque actuelle : même quand un joueur tente honnêtement de se reconstruire, une simple image peut suffire à le replonger dans l’enfer.

Un gestionnaire de médias sociaux, dans une intention pourtant positive, déclenche une tempête qui pousse tout un département à reculer, à supprimer, à s’excuser.

Ce qui s’est passé hier n’est pas juste un incident de réseaux sociaux. C’est un rappel brutal de la difficulté qu’ont les jeunes hommes à se réinventer dans l’ère de la transparence numérique totale.

Oui, Mailloux a fauté. Mais doit-il en porter le poids pour l’éternité, même quand il pose tous les gestes attendus pour réparer, avancer, se reconstruire?

C’est avec le cœur triste que nous annonçons cet incident, car il témoigne d’un échec collectif. Celui de notre capacité à reconnaître la rédemption.

Celui de notre obsession à détruire plutôt qu’à comprendre. Logan Mailloux mérite d’être jugé pour ce qu’il est aujourd’hui : un jeune homme de 20 ans qui a payé, changé, progressé, et qui veut simplement jouer au hockey.

Et ce matin, à Saint-Louis, alors qu’il devrait être dans la joie, il se réveille sans cette publication anodine. Supprimée. Effacée. Comme si on voulait encore l’effacer, lui aussi.