Patrick Roy doit sûrement avoir un sourire en coin ces jours-ci, en se rappelant des nombreux moments où il s'énervait contre Gilles Laberge, le propriétaire du célèbre bar Le Dagobert à Québec.
Pour Roy, ce lieu de fête était tout sauf approprié pour ses jeunes joueurs des Remparts, qu'il voyait régulièrement tenter d'y entrer pour faire la fête.
Il ne cessait de répéter que cet endroit était malsain et risquait de détourner ses joueurs de leurs responsabilités. Aujourd'hui, il semble qu'il avait vu juste.
En effet, Revenu Canada a récemment procédé à la saisie de la luxueuse résidence de Gilles Laberge, un bien immobilier évalué à près de 6 millions de dollars.
Laberge avait mis en vente de sa somptueuse propriété, et les détails de l’affaire révèlent un mauvais cocktail de dettes fiscales non réglées, remontant à plusieurs années.
À la demande du ministre du Revenu national, un huissier de justice a saisi la demeure de Laberge, un homme aujourd’hui âgé de 83 ans, pour garantir le remboursement d'une dette fiscale de 2,1 millions de dollars, couvrant la période de 2011 à 2016.
Ironiquement, ce même bar où Roy ne voulait pas voir ses joueurs traîner est maintenant au centre d’une tourmente financière et juridique qui risque de ternir encore davantage la réputation de son propriétaire.
Revenu Québec, de son côté, n'est pas en reste, réclamant à Laberge une somme supplémentaire de 1,1 million de dollars, et la SOCAN poursuit la discothèque pour des redevances de droits d’auteur impayées s’élevant à 41 500 dollars.
Dans un geste qui pourrait sembler étonnant à première vue, le fondateur du célèbre bar a décidé en novembre 2022 de vendre sa somptueuse maison à sa femme pour la modique somme d'un dollar.
Cette transaction, bien qu'inhabituelle, avait un but bien précis : protéger son patrimoine dans un contexte où il était déjà sous la loupe des autorités fiscales.
Face à des réclamations fiscales colossales, s'élevant à plus de 2,1 millions de dollars pour des impôts impayés entre 2011 et 2016, Laberge a probablement cherché à mettre ses actifs à l'abri en cédant sa résidence à son épouse, Céline Blais.
Cette manœuvre est parfois utilisée pour tenter de limiter les pertes en cas de saisie par le gouvernement. En transférant la propriété à sa femme pour une somme symbolique, Laberge espérait sans doute compliquer les démarches du fisc pour récupérer les montants dus.
Mais cette stratégie n’a pas échappé aux autorités. Le gouvernement a rapidement pris des mesures pour s'assurer que cette tentative de transfert de biens ne nuirait pas à ses efforts pour recouvrer la dette fiscale de Laberge.
En juin 2023, la Cour supérieure a tranché en faveur du gouvernement, permettant à l'État de considérer la maison comme un actif saisissable malgré son transfert à sa femme.
Cette décision a ouvert la voie à la saisie récente de la demeure, garantissant ainsi à Revenu Canada la possibilité de récupérer une partie de la dette fiscale de Gilles Laberge.
Cette vente pour un dollar, bien qu'elle ait pu sembler astucieuse sur le moment, n'a finalement pas permis à Laberge de protéger son patrimoine contre les créanciers gouvernementaux.
Il a bien tenté de mettre sa maison en vente pour 6 millions de dollars en panique il y a deux jours, mais le gouvernement a vu clair dans son jeu.
Les autorités fiscales du Canada vont aller jusqu'au bout pour récupérer les sommes dues, malgré les tentatives de contournement qui ont été mises en œuvre.
Tout ceci pourrait donner l'impression que Patrick Roy avait non seulement une vision claire pour ses joueurs sur la glace, mais également une intuition aiguisée concernant les environnements qu’ils devaient éviter.
Ce chapitre de la saga entre Patrick Roy et Gilles Laberge prend une tournure inattendue, où l’entraîneur légendaire des Remparts voit ses mises en garde se confirmer par les événements.
Aujourd'hui, Roy peut se rappeler avec une certaine satisfaction qu'il avait raison de vouloir protéger ses joueurs des pièges que représentait Le Dagobert, un lieu désormais synonyme de déboires financiers et judiciaires pour son propriétaire, sans oublier les mauvaises fréquentations qui y sont rattachées.
La mauvaise presse du bar qu'il avait longtemps considéré comme un lieu néfaste pour ses jeunes joueurs des Remparts de Québec est une belle revanche.
Il faut simplement penser à Anthony Duclair, qui faisait la pluie et le beau temps dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ) sous les ordres stricts de Roy. Le problème est que Duclair faisait la pluie et le beau temps autant sur la glace...qu'au Dagobert...
Duclair, talentueux mais qui a connu plusieurs écarts de conduite à Québec, a connu des moments déterminants sous les ordres de l’entraîneur-chef.
Patrick Roy n'hésitait pas à imposer des mesures disciplinaires sévères, comme renvoyer Duclair chez lui ou le suspendre pour des comportements qu'il jugeait inappropriés, souvent liés à des soirées qui se prolongeaient un peu trop longtemps au Dagobert.
En 2013, après une humiliante défaite 11-2 contre les Mooseheads, Roy, soutenu par les vétérans de l'équipe, avait décidé qu'il était temps de mettre fin à l'individualisme dans l'équipe, suspendant Duclair pour un entraînement et un match en raison de ses sorties nocturnes.
« On veut que chacun joue pour le logo des Remparts. On n’acceptera pas que certains pensent à leur petite personne en premier », avait-il déclaré, déterminé à faire comprendre à Duclair et à ses coéquipiers l'importance de la discipline et de l'engagement collectif.
Ces paroles, dures mais nécessaires, visaient à corriger les lacunes de Duclair, tant sur la glace qu'en dehors, et à le pousser à devenir un joueur plus complet et responsable.
Patrick Roy croyait fermement au potentiel d'Anthony Duclair, mais il voyait aussi les zones à améliorer, notamment en ce qui concernait son comportement hors-glace.
Roy s'était donné pour mission de transformer le jeune attaquant en un professionnel accompli, le mettant à l'épreuve avec des entraînements punitifs durs et intenses...surtout après des soirées arrosées au Dagobert.
« Ça me faisait tellement de peine de le voir glisser dans l’opinion des recruteurs », avouait Roy.
« Même si je n’ai pas à m’occuper de leur opinion, on voyait qu’il jouait moins bien et c’était à moi de serrer la vis et de m’assurer qu’il jouait le hockey dont il était capable. »
Roy a souvent réfléchi à ses méthodes et n'a pas hésité à admettre ses erreurs. Il a reconnu qu'il aurait dû intervenir plus tôt et de manière plus individualisée pour aider Duclair à stopper ses soirées de débauche.
Pourtant, cette période difficile a été cruciale pour le jeune joueur. Sous la direction exigeante de Roy, Duclair a appris à naviguer dans les hauts et les bas d'une carrière en hockey, devenant plus résilient et finalement capable de poursuivre une carrière professionnelle réussie.
On ne peut pas en dire autant de Gilles Laberge. Réussir en affaires est une chose. Ne pas être honnête en est une autre.
Aujourd'hui, alors qu'Anthony Duclair s'apprête à rejoindre les Islanders de New York sous les ordres de Lou Lamoriello, une autre figure de fer qui ne permet pas les écarts de conduite, il se souvient avec gratitude de son passage sous Patrick Roy à Québec.
« Les deux ans avec lui à Québec, ça a changé ma carrière sur la glace et hors glace. J’ai appris très vite à être un professionnel. Je sais exactement ce qu’il veut », confie Duclair, bien conscient que les jours de fête au Dagobert sont loin derrière lui.
Avec Roy, il n’y avait pas de place pour le party, et cette leçon, Duclair l’a bien apprise.
À bientôt 29 ans, Duclair n'est plus ce jeune adolescent insouciant. Il est devenu un joueur mature, prêt à relever de nouveaux défis, même si cela signifie devoir se conformer aux exigences strictes de celui qu'il considère comme un 2e père.
Quant à Roy, il peut se remémorer avec une certaine fierté le chemin parcouru par Duclair, se disant peut-être qu’il a fait ce qu’il fallait pour transformer un jeune talent en un véritable professionnel.
Et aujourd’hui, alors que le Dagobert et son fondateur font face à la justice, Roy sait qu'il avait raison sur toute la ligne.
Le Roi...finit toujours par avoir le dernier mot...