Malaise sur le plateau de TVA Sports: le divorce de Marc Bergevin expliqué

Malaise sur le plateau de TVA Sports: le divorce de Marc Bergevin expliqué

Par Marc-André Dubois le 2025-05-21

Il y a des moments de télévision où le malaise n’est pas seulement prend toute la place.

Épais. Étouffant. Comme un courant d’air glacial qui traverse le plateau sans qu’aucun technicien ne puisse y remédier.

C’est exactement ce qui s’est produit lors du passage de Luc Robitaille à l’émission de Jean-Charles Lajoie, alors qu’il tentait de transformer une trahison évidente en conte de fées professionnel.

Et Jean-Charles Lajoie, pourtant connu pour sa capacité à questionner, a regardé ce numéro ayant pour but de camoufler la vérité, sans jamais lever la voix. Une occasion manquée. Une forme de complicité involontaire. Une séquence qu’on n’oubliera pas.

Car si Luc Robitaille s’était présenté pour livrer la vérité crue, pour assumer le choix de Ken Holland sans masque et le fait d'avoir trahi Marc Bergevin, on aurait respecté le geste.

Mais ce n’est pas ce qu’il a fait. Il a enfilé le costume d’avocat corporatif, récitant une série de phrases vides de substance, recyclées comme des communiqués de presse, pour maquiller une décision hautement personnelle en masquant ce qui s'est vraiment passé.

« Marc et moi, on s’est parlés. Il m’a dit : “Luc, si Ken Holland vient, je serai heureux.” »

Cette citation, livrée comme un baume sur une plaie ouverte, résume tout le malaise. Comment croire une seconde que Marc Bergevin, Montréalais de cœur, ancien DG du CH, conseiller fidèle à Robitaille chez les Kings depuis plusieurs saisons, accueille avec bonheur le fait d’avoir été écarté du poste qu’il convoitait ouvertement depuis des mois?

Il faut dire que c’était plus facile, pour Luc Robitaille, de jouer à l’avocat "corporate" devant les caméras. Il savait très bien que Marc Bergevin allait retomber sur ses pattes. 

Que ce soit comme directeur général, président des opérations hockey ou vice-président chez les Islanders de New York, tout le monde dans la LNH sait que Bergevin va être engagé à Long Island. 

Robitaille lui-même a glissé subtilement la nouvelle en direct, comme pour se déculpabiliser. 

« Marc va avoir une autre job… il va faire une très bonne job. » Oui, probablement. Et ce sera peut-être la meilleure chose qui puisse lui arriver. 

Mais ce n’est pas une raison pour réécrire l’histoire. Ce n’est pas parce que ton ami s’en sort que tu n’as pas trahi sa confiance. 

Ce n’est pas parce que tu lui ouvres la porte de sortie que tu n’as pas été celui qui l’a poussé dans l’escalier. Robitaille pourra bien recouvrir la scène d’un drap de soie, le fait demeure : quand est venu le temps de choisir entre un ami fidèle et un vieil allié du passé, il a sacrifié le présent pour apaiser sa conscience.

C’est ici que le concept de "sugar-coating" prend tout son sens. En anglais, cela signifie littéralement “enrober de sucre” une réalité amère.

Mais ce que Robitaille a fait, c’est bien plus que de la diplomatie. Il a tenté de transformer une exécution en cadeau. Comme si un médecin venait vous annoncer que vous êtes viré… avec le sourire.

Comme si être mis de côté pour Ken Holland, un homme qui lui doit sa seule Coupe Stanley, était un honneur au lieu d’une gifle. Le message était clair : “Ce n’est pas une trahison, c’est un compliment.”

Mais soyons honnêtes. Marc Bergevin s’est fait avoir.

Robitaille le sait. Hughes le sait. Et même Lajoie, qui gardait les yeux dans le vide pendant l’entrevue, le savait aussi.

Ce qui choque, ce n’est pas tant que Holland ait eu le poste. Après tout, son CV est étoffé : plusieurs finales, une Coupe en 2002, des ajouts clés à Edmonton comme Hyman, Ekholm, Kane.

Ce n’est pas rien. Ce qui choque, c’est l’absence de franchise dans la manière. Robitaille aurait pu dire : 

“Marc était un candidat fort, mais j’avais une dette envers Holland. Je lui devais ça car il est venu me chercher à Détroit et m'a donné ma seule Coupe Stanley”.

Ça, au moins, aurait été honnête.

Mais à la place, il a choisi l’illusion.

« Marc aussi va apprendre de Ken Holland », a-t-il ajouté, dans un geste d’infantilisation à peine voilé. Comme si Bergevin, un vétéran de la gestion, avait encore besoin de suivre un stage d’observation pour devenir un “vrai DG”.

Une déclaration presque insultante pour un homme qui, faut-il le rappeler, a amené le Canadien en finale de la Coupe Stanley il y a quatre ans.

Et Jean-Charles Lajoie? Il a encaissé. Il a hoché la tête. Il n’a pas confronté, ni repris, ni soulevé le moindre doute.

Lui qui saute à la gorge de Martin St-Louis pour un temps d’arrêt oublié, a laissé passer un moment de télévision historique sans réagir

 Il avait devant lui un président qui tentait de faire passer un divorce professionnel pour une réconciliation amoureuse, et il a fermé les yeux.

Par respect? Par fatigue? Par amitié? Qu’importe. Le résultat est le même : le public a été privé du vrai débat.

Et pendant ce temps-là… pendant que Robitaille vendait son petit conte sucré à la télévision, le nouveau vrai DG des Kings, Ken Holland, agitait déjà ses tentacules en coulisses.

Parce que lui, ne perd pas son temps à parler de loyauté. Il est en mission. Et sa première cible est déjà identifiée : un défenseur gaucher offensif. 

Le trou est béant à Los Angeles. Doughty et Clarke, tous deux droitiers, ne suffisent pas à organiser un avantage numérique crédible. Et Gavrikov, malgré son gabarit, n’apporte rien en relance.

Il manque un Mike Matheson.

Oui, ce même Mike Matheson qui cumule les revirements à Montréal, qui agace les partisans, qui semble déconnecté du tempo de l’équipe.

Ce même Mike Matheson qui, malgré tout, affiche une production offensive exceptionnelle et un contrat ridiculement bas pour un défenseur de sa trempe.

Et Hughes le sait. Il ne signera pas Matheson à rabais. Il ne fera pas dans la sentimentalité. Si Holland appelle, il écoutera. Et cette fois, il ne fera pas comme Robitaille. Il ne camouflera pas la transaction dans un bain moussant de compliments inutiles.

Il dira : “Mike ne fait plus partie du plan. On a vendu haut. Merci, bonsoir.”

C’est peut-être cruel. Mais c’est clair.

Et c’est ce que le public aurait mérité d’entendre de la bouche de Robitaille.

Dans un monde idéal, Luc Robitaille aurait regardé la caméra et dit la vérité : “J’ai trahi mon ami pour honorer mon passé.”

Mais dans la LNH, comme à la télévision, la vérité dérange. On préfère les contes. Les fables. Le sucre.

Mais même le sucre finit par fondre.

Et ce qu’il reste, quand tout est tombé, c’est un goût amer.

Le goût amer de la trahison.

Le goût amer d’un silence complice.

Et le goût amer d’une interview qui aurait pu marquer l’histoire…

Mais qui n’aura été, au fond, qu’un mauvais sketch de relations publiques.