Ouch. Le réseau Cogeco annonce la fin du rêve.
Sur les ondes du 98,5 FM, Martin McGuire et Dany Dubé, présents à Pittsburgh, analysaient la portée du moment en discussion avec Mario Langlois, aux amateurs de sports.
Puis Dany Dubé a lâché la phrase. Celle qui a fait mal.
« Il y a un seul joueur que je ne vois pas partir et c’est Sidney Crosby. Le 87 ne s’en va nulle part. »
Ouch.
Ce n’était pas dit avec arrogance. Ni avec provocation. C’était dit avec le calme clinique de l’ancien coach devenu analyste, celui qui a vu trop de vestiaires, trop de dynamiques internes, trop de réalités organisationnelles pour se bercer d’illusions.
Et c’est précisément pour ça que ça a frappé si fort. Parce que quand Dany Dubé parle comme ça, le Québec écoute. Et quand il tranche, c’est rarement à la légère.
Martin McGuire, plus nuancé, laissait encore planer un doute, rappelant que dans le hockey moderne, tout peut arriver, surtout quand une organisation s'effondre.
Mais Dubé, lui, ramenait tout à l’essentiel : Sidney Crosby n’est pas qu’un joueur de hockey. Il est une légende. Un symbole vivant. Un capitaine dont la valeur dépasse largement la somme de ses points.
Et c’est là que le cœur du Québec s’est fissuré un peu.
Parce que ce rêve-là, celui de voir Crosby un jour porter le chandail du Canadiens de Montréal, même pour un dernier tour de piste, il vit depuis longtemps. Il s’alimente de rumeurs, de frustrations à Pittsburgh, de la catastrophe organisationnelle et de la reconstruction qui commence chez les Penguins.
Et voilà que Dany Dubé, sans hausser le ton, sans emphase, vient dire tout haut ce que plusieurs refusent d’accepter : Crosby, ce n’est pas seulement une question de contrat ou de transaction. C’est une question de loyauté historique.
Crosby, ce sont trois Coupes Stanley. Ce sont des Jeux olympiques. Ce sont des moments fondateurs pour la ligue et pour sa franchise. Et tant que lui-même ne décide pas que la page est tournée, tant que son cœur est à Pittsburgh, rien ne bougera.
Le Québec a encaissé le coup. Parce que quand le rêve est confronté à une vérité froide et crédible, la douleur est réelle.
Et pendant que Sidney Crosby est célébré pour sa fidélité, une autre figure historique continue, elle, de se faire égratigner sévèrement au Québec : Mario Lemieux.
Son absence à Pittsburgh, le soir où Crosby dépassait son record, n’a pas seulement surpris. Elle a choqué. Et depuis, elle nourrit un malaise qui traverse la frontière et revient frapper de plein fouet l’opinion québécoise.
Tout le monde se souvient de Ron Fournier qui avait traité Mario Lemieux d'égoïste, d'un gars prétentieux qui était devenu Américain et qui avait oublié ses racines du Québec.
Fournier n'avait pas accepté que Lemieux se pointe aux funérailles de Jean Béliveau avec ses lunettes de soleil, regardant tout le monde de haut, comme un homme qui méprisait ses compatriotes.
"Il n'a même pas ôté ses lunettes de soleil dans l'église. Il n'a pas signé d'autographes et a refusé toutes les demandes d'entrevue" a affirmé Fournier.
Au Québec, Mario Lemieux n’est pas qu’un ancien joueur. Il est un monument. Un mythe. Mais aussi un personnage complexe, qui a voté pour Donald Trump, et qui a toujours craché sur sa vraie patrie.
Mario a honte d'être Québécois. Il préfère être un "fake Américain".
Et cette fois encore, les critiques pleuvent. Comment expliquer qu’il n’ait pas été là, physiquement, pour celui qu’on décrit depuis 20 ans comme son fils spirituel?
Comment justifier une simple vidéo, mal éclairée, impersonnelle, diffusée comme une formalité, alors que le moment appelait la présence, le geste fort, l’accolade symbolique?
À l’époque, plusieurs avaient trouvé le ton de Ron Fournier excessif. Aujourd’hui, certains se demandent si ces critiques n’étaient pas simplement en avance sur leur temps.
Il faut être clair : personne ne remet en doute ce que Lemieux a fait pour Pittsburgh. Sans lui, la franchise n’existe peut-être plus. Mais l’héritage, ce n’est pas seulement ce qu’on bâtit. C’est aussi comment on l’entretient. Et dans cette soirée historique, Lemieux a laissé un vide. Un silence. Une distance.
Et avec le Québec... on parle d'une véritable fracture à vie.
Au Québec, plusieurs y voient un homme d’affaires brillant, certes, mais aussi un homme qui, parfois, laisse l’humain derrière la stratégie.
Voilà pourquoi la comparaison entre Mario Lemieux et Jean Béliveau revient sans cesse au Québec. Béliveau incarnait une élégance naturelle. Il n’avait pas besoin de se mettre en scène pour imposer le respect : il l’inspirait par sa retenue, son humilité, sa capacité à se fondre dans la foule tout en restant plus grand que nature.
Aux funérailles comme dans la vie publique, Béliveau comprenait que certains moments ne sont pas à propos de soi, mais des autres, de la mémoire collective, du symbole.
Lemieux, lui, a toujours dégagé une aura différente : celle d’un génie individualiste conscient de sa stature, d’un homme qui n’a jamais vraiment cherché à se faire aimer, encore moins à rassurer.
Ce n’est pas une question de talent, ils sont tous deux des géants absolus, mais de posture humaine.
Et c’est précisément pour cette raison qu’aujourd’hui, dans l’imaginaire québécois, l’un demeure un modèle intemporel de grâce et de dignité, tandis que l’autre continue de susciter malaise, débats et fractures émotionnelles qui refusent de se refermer.
La différence avec Crosby donne aussi mal au coeur. D’un côté, un joueur qui donne tout, tout le temps, sans calcul. De l’autre, un géant dont chaque geste, ou chaque absence, semble désormais analysé à travers son ego démesuré... et méprisant..
Pendant que Dany Dubé refroidit les espoirs du Québec sur l'arrivée de Crosby à Montréal... Mario Lemieux, lui, voyait son image se fissurer encore un peu plus ici.
Deux légendes. Deux héritages. Deux perceptions.
Et entre les deux, un Québec trahi... et le cœur en miettes.
