On a souvent tenté de définir ce qui fait qu’un club devient « spécial ».
Qu’est-ce qui transforme une organisation sportive, avec ses hauts et ses bas, ses victoires et ses échecs, en quelque chose de plus grand que le simple hockey?
On parle parfois de culture gagnante, d’esprit de corps, de leadership, d’identité. Mais ce week-end, c’est un autre mot qui est revenu sur toutes les lèvres : un je-ne-sais-quoi.
Quelque chose de difficile à définir, mais bien réel, qui flotte autour du Canadien de Montréal cette saison.
Tout est parti d’un message texte reçu à 23h25 samedi soir par le journaliste du Journal de Montréalm Jean-Nicolas Blanchet.
« Je viens de donner un high five à Kent Hughes et à Martin. »
Celui qui l’a envoyé n’est pas un influenceur, un journaliste ou une célébrité en quête de photos. C’est un gars normal, un partisan, mais surtout un des plus grands amoureux du CH que le journaliste connaisse.
" Il s’appelle Dave, il entraîne dans un sport-études de baseball, il est père de famille, et il vit le hockey avec la passsion d’un enfant. Quand il parle du Canadien, on sent le feu sacré."
Et ce soir-là, il a eu un moment qui a rallumé encore plus fort cette flamme.
Le plus surprenant, ce n’est pas qu’il ait croisé Martin St-Louis, Kent Hughes et Jeff Gorton. C’est où il les a croisés. Pas dans un lounge privé au centre-ville, ni dans un restaurant gastronomique fréquenté par l’élite corporative de Montréal.
Non. Il les a vus dans une taverne, une vraie. Comme le décrit le journaliste, "une de celles où l’on boit de la bière à prix raisonnable, où les clients se servent du sel dans leur bière et où personne ne juge ceux qui préfèrent un rhum and coke à un cocktail à la betterave fermentée".
C’est dans ce lieu de "boys" rempli de chandails du Canadien et d’histoires de match, que les trois architectes du CH sont allés s’asseoir.
Et ce n’était pas un coup de relations publiques. Ils y vont souvent. Les habitués du coin les reconnaissent. Ils viennent y prendre une bière, saluer les partisans, rire avec eux, se faire prendre en photo, donner des poignées de main. Ce ne sont pas des apparitions scénarisées. Ce sont des gestes naturels, spontanés et profondément humains.
Martin St-Louis racontait même en conférence de presse qu'il avait regardé le match des Blue Jays en séries mondiales avec un homme de Chibougamau qui était à Montréal pour le travail. St-Louis et lui ont bu des bières en parlant de baseball pendant 4 heures.
Dans un monde où les dirigeants sportifs vivent souvent dans des bulles où il regardent les partisans de haut, inaccessibles, où ils récitent des communiqués et des lignes apprises par cœur, voir Hughes, Gorton et St-Louis partager une banquette dans une taverne avec leurs partisans a quelque chose de tellement émotif.
C’est une image forte. Et, surtout, c’est une preuve que quelque chose a changé au sein de cette organisation.
Autrefois, on reprochait à St-Louis d’être distant. De ne pas trop se mêler aux partisans. On disait qu’il était absorbé par sa mission, peu intéressé par l’environnement qui l’entourait.
Cette perception s’est effondrée comme un château de cartes. Parce qu’un gars qui s’assoit dans une taverne, qui donne des high five à des fans à minuit un samedi soir, qui prend le temps de jaser sans filtre, c’est un homme du peuple. Un coach tellement accessible émotionnellement,
Et que dire du directeur général Hughes et du président Jeff Gorton. Eux aussi sont des hommes du peuple.
Et ce moment capté dans cette taverne anonyme vient renforcer une impression qui plane depuis quelques mois : le Canadien a un je-ne-sais-quoi cette année.
Ce n’est pas une question de statistiques. Ce n’est pas une fiche de 10-3-2 qui crée une culture. C’est ce genre de petit geste. Ce genre d’histoire. Ce genre de proximité qui rend une équipe vivante, attachante... enracinée...
Les fans ressentent l’énergie, même à distance. Et dans l’entourage du CH, on le sent : c’est la première fois depuis longtemps qu’une chimie authentique habite ce vestiaire et cette direction.
Ce que le CH est en train de bâtir, c’est une culture qui dépasse les chiffres. On le voit dans la manière dont Lane Hutson se comporte sur la glace, lui qui s'entraîne plus de deux heures en solo sur la glace après les entraînements..
On le voit dans Ivan Demidov, qui joue chaque match comme s’il voulait réinventer le hockey, tout en gardant l’humilité d’un gars qui sait d’où il vient. On le voit dans les jeunes, dans les vétérans, dans les entraîneurs adjoints qui font de l'"extra-time avec les Hutson et les Demidov de ce monde, qui veulent s'entraîner à l'extérieur des heures d'entraînement.
Oui, il se passe quelque chose.
Même chez ceux qui ne portaient que rarement attention au Canadien ces dernières années, l’enthousiasme est en train de renaître. Il y a quelque chose de contagieux. L’équipe est en train de créer un sentiment d'appartenance historique.
Ces gestes concrets, créent un pont entre l’équipe et le public. On sent le respect envers les partisans, transmis par une simple pinte de bière... partagée dans la taverne du peuple..
Il est rare qu’on puisse dire ça à Montréal, dans un marché aussi exigeant et aussi bouillant. Mais il faut le reconnaître : les critiques d’hier sont en train de se transformer en admiration.
Et ceux qui doutaient de la direction prise par Kent Hughes, ceux qui se méfiaient de St-Louis, doivent maintenant admettre que le lien entre l’équipe et le peuple est plus fort que jamais.
Les gens voulaient Patrick Roy à la place de Martin St-Louis car il était supposément un homme proche du peuple.
La vérité est que nous n'avons jamais vu Patrick Roy "caler" une bière dans une taverne du Centre-Ville. Amen.
