On a tout dit. Tout écrit. Tout insinué. Il allait démissionner. Il allait perdre le vestiaire. Il n’avait jamais coaché, il était dépassé. Jean-Charles Lajoie a même annoncé que Martin St-Louis allait remettre sa démission avant Noël.
Que c’était terminé. Que la pression médiatique, les résultats en dents de scie, et les tensions dans le vestiaire allaient finir par le briser.
Mais Martin St-Louis ne s’est pas effondré. Il n’a pas cédé. Il n’a pas fui.
Aujourd’hui, trois ans après son entrée par la petite porte derrière le congédiement de Dominique Ducharme, Martin St-Louis vient de qualifier le Canadien de Montréal pour les séries éliminatoires de la LNH.
Trois ans de reconstruction. Trois années à essuyer les critiques de tous les experts autoproclamés du Québec. Trois années à se faire comparer à Patrick Roy, à se faire rabaisser par Michel Therrien, à être caricaturé comme un coach Pee-Wee, un motivateur plus qu’un stratège.
Et pourtant, c’est lui qui mène aujourd’hui l’équipe. C’est lui qui affrontera Spencer Carbery et les puissants Capitals de Washington en première ronde.
Et c’est lui, paradoxalement, qu’on disait trop petit, trop inexpérimenté, trop naïf, qui a démontré la plus grande résilience.
Ce n’est pas seulement une qualification en séries. C’est une revanche personnelle. Un triomphe moral. Un pied de nez à tous ceux qui ont tenté de l’abattre avec les mots.
Pendant des mois, l’hostilité a été constante. Chaque décision de St-Louis était analysée, moquée, retournée contre lui. On lui reprochait sa gestion des gardiens.
On critiquait ses décisions en avantage numérique. On disait qu’il protégeait trop Slafkovsky, qu’il avait abandonné Xhekaj, qu’il ne savait pas comment motiver Joshua Roy.
Dans les studios, dans les balados, dans les chroniques, les mots "limites", "dépassé", "trop émotif", revenaient encore et encore.
Quand Samuel Montembeault enchaînait les départs, on accusait St-Louis de le brûler. Quand Cole Caufield ne marquait plus, on accusait St-Louis de mal l’utiliser.
La moindre baisse de régime d’un joueur devenait une preuve de l’incompétence du coach.
Et pourtant, il n’a jamais craqué.
Devant les caméras, il a assumé. Il a protégé ses joueurs. Il a gardé la ligne. Il n’a pas répondu aux attaques. Il n’a pas versé dans la polémique. Il n’a jamais demandé qu’on le défende. Il a laissé le temps parler. Et le temps, justement, lui donne raison aujourd’hui.
Parce qu’en trois ans, Martin St-Louis a remis le Canadien de Montréal sur la carte de la LNH.
Il a développé un premier trio solide avec Suzuki, Caufield et Slafkovsky. Il a relancé la carrière de Mike Matheson. Il a permis à Lane Hutson d’éclore.
Et maintenant, le CH entre en séries avec une équipe soudée, affamée, convaincue qu’elle peut créer la surprise.
Face à lui, Spencer Carbery. Le favori pour le Jack-Adams. Celui dont on parle comme du nouveau génie derrière le banc. Celui qui a fait des Capitals de Washington l’équipe la plus surprenante de la saison.
Personne ne remet en question son mérite. Carbery a métamorphosé une équipe vieillissante en machine de guerre. Il a redonné un second souffle à Ovechkin. Il a imposé une culture de travail, une structure de jeu disciplinée.
Mais ce que Carbery n’a pas encore vécu, c’est le feu québécois. Il n’a pas passé trois ans à se faire humilier sur les ondes. Il n’a pas eu un Jean-Charles Lajoie qui annonce sa démission en ondes nationales.
Il n’a pas eu un Michel Therrien qui passe chaque semaine à TVA Sports pour répéter que "ce gars-là, c’est pas un coach, c’est un motivateur".
Martin St-Louis, lui, a tout pris. Et il est encore là. Plus fort que jamais.
La confrontation entre Carbery et St-Louis ne sera pas seulement un duel entre deux entraîneurs. Ce sera un affrontement entre deux philosophies.
Entre deux parcours. Entre la reconnaissance immédiate et le respect tardif. Entre le favori et le survivant.
Et dans cette série, St-Louis a une arme que Carbery n’a pas : le feu dans les yeux.
Lui, il sait ce que c’est de n’avoir aucune reconnaissance. Il sait ce que c’est de ne pas être choisi. De devoir tout prouver. Encore et encore. Il l’a fait comme joueur. Il le refait comme entraîneur.
Et cette série, il la veut. Pas pour le Jack-Adams. Pas pour se venger. Mais pour ses joueurs. Pour son vestiaire. Pour ceux qui ont traversé trois ans de reconstruction avec lui, et qui aujourd’hui, peuvent goûter aux séries.
Martin St-Louis ne gagnera peut-être pas le Jack-Adams. Ce sera Carbery qui le gagnera. Et il s’en fiche. Car ce qu’il a bâti à Montréal est plus grand qu’un trophée individuel.
Il a bâti une culture. Il a bâti un groupe uni. Il a redonné espoir à une franchise qu’on disait maudite.
Et surtout, il a résisté.
À l’épreuve médiatique. À la critique constante. À la pression écrasante de Montréal.
Il aurait pu démissionner. Il aurait pu perdre le contrôle. Il aurait pu dire : "C’est trop." Mais il a continué.
Et aujourd’hui, c’est lui qui guide son équipe vers les séries. C’est lui qui affronte le meilleur club de l’Est avec la conviction qu’il peut les battre.
Parce qu’il l’a toujours fait.
Déjouer les pronostics. Faire mentir les experts. Se relever, encore et encore.
Martin St-Louis, c’est l’histoire d’un homme que personne ne voulait voir réussir.
Et qui pourrait bien faire tomber les Capitals.
Encore une fois.