« Câline » : Martin St-Louis commet l'irréparable

« Câline » : Martin St-Louis commet l'irréparable

Par David Garel le 2025-12-02

ll y a des journées où un entraîneur devrait simplement éviter d’ouvrir la bouche, et aujourd'hui, où Martin St-Louis a tenté d’expliquer le « temps de glace horrible » accordé à Ivan Demidov, en fait certainement partie.

Dans un marché qui calcule chaque présence à la seconde près, où chaque talent offensif est décortiqué comme un dossier d’État, l’entraîneur-chef du Canadien a offert des explications qui ont provoqué un véritable séisme sur les réseaux sociaux, un mélange d’incompréhension, de frustration et de sarcasme collectif, comme si tout le monde avait soudain réalisé l’absurdité d’une situation qui dure depuis trop longtemps.

Car pour la deuxième journée consécutive, St-Louis est arrivé au micro avec une confession.

La veille, il avait admis s’être trompé dans son plan de match contre l’Avalanche du Colorado. Ce matin, il a récidivé, mais cette fois sur le dossier Demidov, dévoilant un raisonnement qui a choqué toute une base partisane.

« Je sais que je pourrais lui en donner plus. Parfois, je sors du match et je me dis “câline, j’aurais pu lui en donner plus.” Il doit continuer à faire ce qu’il fait parce qu’il me pousse actuellement à le faire jouer davantage que ça. Je peux faire une meilleure job là-dessus. »

Puis il en a ajouté, comme pour enfoncer le clou :

« Il n’a pas besoin de faire quelque chose en particulier pour en obtenir davantage. Il faut juste qu’il continue de me convaincre que je dois lui en donner plus. Jusqu’à maintenant, il devrait en avoir plus, mais la vie est parfois injuste, alors il doit continuer. »

Voilà.

La phrase de trop.

La citation qui a mis le feu à la poudrière.

Parce qu’entendre un entraîneur dire, noir sur blanc, qu’un joueur devrait jouer plus, qu’il le sait, qu’il le sent, qu’il le voit… mais qu’il ne le fait pas quand même, c’est exactement le genre de déconnexion qui rend fou un marché comme Montréal.

Et la frustration du public devient surnaturel quand le joueur en question mène toutes les recrues de la Ligue nationale au pointage, 19 points en 24 matchs, tout en se classant 14e parmi les recrues en temps de jeu, derrière des jeunes obscurs, des grinders, des joueurs de quatrième trio et des espoirs qui n’ont même pas la moitié de son talent.

Et c’est là que bien des gens ont décroché complètement avec les propos de Martin St-Louis, parce qu’à ce niveau, ce n’est plus simplement une explication maladroite : c’est un discours de coach Pee-Wee, un discours d’entraîneur novice qui découvre à la fin du match qu’il a oublié un joueur sur le banc et qui feuillette sa feuille de statistiques comme on relit un devoir oublié dans le fond d’un sac à dos.

Sauf que Martin St-Louis n’entraîne pas les Mustangs Atome C du mercredi soir, il dirige une organisation de la LNH, avec analystes vidéo, adjoints, responsables des présences, et un staff complet qui, normalement, sait exactement qui joue combien de minutes.

Quand un coach professionnel dit qu’il ne réalise qu’après coup qu’il n’a pas assez utilisé son deuxième meilleur pointeur à égalité numérique, ça sonne comme une confession d’amateurisme, pas comme la parole d’un entraîneur calibré pour gérer un vestiaire d’élite.

Le Canadien a entre les mains un prodige rare, un joueur qui crée du danger à chaque entrée de zone, qui ne vend pas la mèche défensivement, qui a des chiffres avancés supérieurs à plusieurs vétérans…

Mais St-Louis attend encore « d’être convaincu ».

Les réseaux sociaux, eux, n’ont pas hésité une seconde : la déclaration est devenue virale, la frustration a explosé, et une partie du public a carrément décroché du discours du coach.

On lit les commentaires, et un thème revient constamment :

Comment peut-on parler ainsi d’un joueur qui performe autant ?

Comment peut-on dire qu’il doit convaincre davantage quand il produit plus que ceux qui jouent devant lui ?

Comment peut-on expliquer qu’il joue moins que Joe Veleno, moins que Jake Evans, moins que Josh Anderson, moins moins qu’Olivier Kapanen ?

Le malaise est réel parce que la justification de St-Louis tombe à plat.

Elle expose une logique interne qui semble déconnectée de ce que tout le monde voit, de ce que les statistiques avancées démontrent, et de ce que les comparatifs de recrues confirment sans ambiguïté.

Et ce qui frappe encore davantage, c’est que l’entraîneur reconnaît son erreur… mais il la laisse en place.

Il sait que Demidov « devrait en avoir plus », mais il continue de lui donner moins.

Il sait qu’il pourrait corriger la situation le soir même, mais il préfère parler d’injustice, comme si une force extérieure contrôlait son banc.

Il sait que le Russe force la main, mais il attend encore.

L’idée qu’un entraîneur puisse priver volontairement son meilleur jeune de minutes cruciales, tout en admettant qu’il sait pertinemment qu’il devrait faire le contraire, est devenue un sujet de moquerie d’un océan à l’autre.

Et dans un marché aussi émotif que Montréal, cette contradiction n’est pas simplement une erreur communicationnelle : c’est un choc frontal avec la patience des partisans, déjà mise à rude épreuve dans le dossier Demidov.

Car pour la première fois de la saison, même ceux qui défendaient St-Louis commencent à se demander si toute cette histoire n’est pas en train de basculer du côté de l’entêtement personnel plutôt que de la logique sportive.

Quand le coach dit publiquement :

« Il devrait en avoir plus… mais la vie est parfois injuste »

la réaction est simple :

Non, Martin.

Ce n’est pas la vie.

C’est toi qui distribues les minutes.

Et tant que Demidov continuera de jouer moins que le plombier de quatrième trio ou que les grinders qui ne produisent pas, le débat ne s’éteindra pas.

Il ne fera que grandir.

Parce qu’à Montréal, on pardonne les erreurs.

On pardonne les mauvaises décisions.

Mais on pardonne beaucoup moins facilement les contradictions.

Et celle-là, Martin St-Louis va la traîner longtemps.