La situation est en train de dégénerer entre Martin St-Louis et les journalistes.
Encore une fois aujourd'hui, il y a eu des flèches lancées, des regards noirs, des demi-sourires nerveux, des réponses passives-agressives.
Mais surtout, il y a eu un mur. Un mur de frustration, d'impatience, de tension accumulée. Ce matin, au centre d’entraînement de Brossard, ce n’était pas un coach en contrôle qui faisait face aux journalistes, mais un homme usé, sur la défensive, incapable de masquer l’irritation grandissante que lui causent certaines questions pourtant banales.
Tout a commencé sur une question de Martin McGuire (Cogeco), qui demandait simplement ce que les joueurs faisaient pour se replacer collectivement après leur récente défaite.
« Tu travailles, » a sèchement répondu St-Louis.
« C’est ça que tu acceptes? »
« Bien oui. Y’a pas une pilule qui va te faire ça. C’est du travail. C’est tout. »
À voir la face de Martin McGuire qui se pince la langue, on peut tellement sentir le malaise entre les deux hommes dans l'extrait vidéo suivant:
Martin St-Louis ne respecte pas Martin McGuire. On le voit dans son ton sec, sans nuance. Comme si cette question relevait de l’insulte ou de l’ignorance. Pourtant, elle était légitime. Elle voulait mesurer l’état d’esprit du groupe. Mais voilà, depuis quelques semaines, Martin St-Louis ne répond plus. Il réplique. Il attaque.
Quand on lui a demandé pourquoi l’entraînement avait été aussi court ce matin-là, il a de nouveau corrigé avec nervosité :
« Je voulais que ça soit pas trop long, mais très intense. C’est ça qu’on a fait. »
Puis Simon-Olivier Lorange, du quotidien La Presse, l'ennemi public numéro un de St-Louis après McGuire, a tenté une question arrogante, pour comprendre comment il dosait la pression et l’encouragement dans un moment difficile. Une question qui a immédiatement agacé St-Louis.
Lorange : « Comment tu balances la carotte et le bâton dans cette situation, entre le positif et le négatif ? Hier soir, tu disais que ça ressemblait à un clip de 13-14 mois. On se souvient de l’épisode où tu avais dit que tes joueurs s'étaient vomi dessus. Ce matin, l’ambiance semblait quand même assez cordiale. »
C’est là que St-Louis a vu rouge.
« Cordial ? C’est quoi ça, cordial ? »
Il refuse le mot. Comme s’il y avait une insulte cachée dans ce terme trop savant pour lui. C'est alors que le journaliste, qui se sent supérieur au niveau intellectuel, lui explique que cela veut dire... positif...
Non seulement St-Louis s'est senti insulté par le mot trop profond pour ses connaissances, mais il n'a pas accepté que le journaliste insinue qu'il était soft comme coach.
La tension est tellement violente:
« C’était pas une pratique facile. Même si c’était pas long, c’était la plus intense qu’ils ont eue. Je sais que c’est dur à voir, parce qu’on n’a pas été longtemps sur la glace, mais c’était pas une pratique relax. »
Puis, pour souligner qu’il n’avait pas besoin de faire la morale à ses joueurs, il a précisé :
« Moi je balance toujours avec la vérité. »
Une autre flèche subtile, comme pour dire que la presse ment.
L’atmosphère s’est alourdie à chaque minute. Même les questions les plus simples étaient accueillies avec une froideur polaire.
Sur l’état de Jake Evans : « On va en savoir plus demain matin. »
Sur l’impact de sa possible absence : « Je m’inquiète pas. Si jamais il peut pas jouer, je vais m’inquiéter. Mais pas maintenant. »
Puis la question qui dérange depuis des semaines : le dossier des gardiens. Quand un journaliste lui a rappelé qu’il avait dit vouloir que Montembeault trouve son jeu parce qu'il était le numéro un, St-Louis a tenté de nier.
« Quand ai-je dit ça ? »
On le lui rappelle. Il finit par céder.
« Bon… On va d’un à l’autre. On essaie de gérer ça comme ça. » Une réponse vide, évasive, comme s’il ne voulait surtout pas avouer qu’il improvise.
Quand on l’a interrogé sur l’absence de réplique physique après le coup de Wilson à l'endroit d'Evans, il a minimisé.
« Je pense que les gars, ils ont essayé. Le match était encore à portée. Il y a des contextes. Tu essaies de le faire intelligemment. »
Il a aussi nié que Tom Wilson avait dominé le CH physiquement :
« Je pense que c’est eux, avec la rondelle, qui nous ont blessés. On avait 20 mises en échec, ils en avaient 19. C’est pas comme si on était allés là avec des gants blancs hier. »
Une justification mathématique qui n’a pas convaincu. Les images parlaient d’elles-mêmes.
Même la performance de Jakub Dobeš n’a pas été traitée avec clarté.
« Dobes a eu un début difficile. Mais c’est une question de maturité. Quand tu changes de gardien, c’est pour le momentum. Et on n’a pas réussi. »
La tension a culminé sur une question plus stratégique à propos du jeu collectif.
« C’est nos actions qui aident l’autre équipe. C’est pas la structure. C’est juste des erreurs individuelles. »
Puis, dans une métaphore baveuse et méprisante : « Faut revoir le manuel. C’est trois tasses, deux cuillères… »
La conférence de presse est devenue surréaliste. On ne savait plus si on assistait à un point de presse ou à un règlement de comptes entre un entraîneur à bout de nerfs et une salle de presse qu’il considère comme hostile.
Le malaise est profond.
Depuis quelques semaines, Martin St-Louis semble incapable de supporter la moindre critique. Son ton change. Son regard se ferme.
Les questions des journalistes québécois, notamment celles de Simon-Olivier Lorange ou de Martin McGuire, sont accueillies avec condescendance, alors que les journalistes anglophones, eux, reçoivent des réponses plus longues, plus calmes, parfois même pédagogiques.
C’est devenu une dynamique troublante. Et elle commence à briser l’image de St-Louis. Lui qui avait tant séduit par sa transparence, sa passion, son honnêteté, devient désormais un coach bougon, sur la défensive, qui parle de « vérité » comme si les autres mentaient, et qui refuse de nommer ses erreurs, de reconnaître la mauvaise gestion du powerplay, l’absence d’émotion chez certains joueurs, ou la lenteur de ses ajustements.
Simon-Olivier Lorange et Martin McGuire sont devenus ses cibles favorites. À chaque point de presse, on sent que St-Louis le guette, comme s’ils représentaient un danger.
On aurait cru revoir Michel Therrien dans leurs pires moments. Cette posture de l’entraîneur assiégé, en guerre contre les médias, incapable de recul.
Et pourtant, le vestiaire, lui, semble calme. Ce n’est pas la panique chez les joueurs. Mais du côté du coach, c’est une autre histoire.
Martin St-Louis est-il en train de craquer ?
Pas au sens mental. Mais sur le plan relationnel, médiatique, stratégique. Il se ferme, se durcit, et crée une tension inutile autour de lui.
Un journaliste lui a demandé : « Est-ce que vous pensez que votre équipe est mieux équipée qu’avant pour traverser les moments difficiles ? »
Il a répondu : « Je pense que oui. Parce qu’on a une recette. Mais des fois, tu dévies un peu, faut retourner voir le manuel. Trois tasses, deux cuillères… »
Une réponse confuse, à l’image du point de presse. On ne sait plus ce que St-Louis veut dire. Et lui non plus, probablement.
