Crise de Martin St-Louis à Brossard: le coach perd la tête

Crise de Martin St-Louis à Brossard: le coach perd la tête

Par David Garel le 2025-12-05

Le malaise était total à Brossard : Martin St-Louis arrête l’entraînement alors que ses joueurs ne comprennent plus son système.

On avait l'impression que les patins sur la glace "crissaient" plus fort que d’habitude ce matin. On sentait ce parfum d'une crise qu’on ne peut plus balayer du revers de la main : le man-to-man de Martin St-Louis est en train de se fissurer devant tout le monde, et pour la première fois, le coach lui-même n’a plus réussi à camoufler l’ampleur du problème.

La scène, d’une intensité presque gênante, a frappé tout le monde : St-Louis, qui voit son système critiqué depuis des semaines, qui s’est fait reprendre publiquement par Maxim Lapierre, puis par Patrice Bergeron, qui cherche désespérément à prouver que son approche n’est pas la source des naufrages défensifs récurrents du Canadien, a finalement dû arrêter la séance d’entraînement, lever les bras, secouer la tête, ramener tout le monde à l'ordre et expliquer encore et encore, à grands gestes, ce que ses joueurs étaient pourtant censés maîtriser depuis deux ans.

Regardez la scène en vidéo. On peut voir la fumée qui sort par les oreilles de Martin St-Louis tellement il a du feu dans les yeux quand il parle à ses joueurs:

Martin St-Louis se retenait pour ne pas exploser.

Les joueurs étaient complètement perdus et ça se voyait

L’équipe tentait de travailler des séquences défensives à cinq contre cinq, des scénarios pourtant de base dans un entraînement de milieu de saison.

Martin voulait que les joueurs poursuivent leur homme, qu’ils tiennent les angles, qu’ils permutent correctement si un adversaire coupait vers le centre, bref, il voulait voir exactement ce qui, en théorie, constitue le cœur du man-to-man hybride qu’il impose à ses joueurs.

Mais rapidement, on a vu les mêmes symptômes, les mêmes flottements que lors du désastre contre Ottawa, les mêmes hésitations que lors de la déconfiture au Colorado :

Deux joueurs sur le même homme, personne devant le filet, un défenseur coincé à la ligne bleue, un ailier perdu dans le haut des cercles, un centre qui ne sait plus s’il doit descendre, monter ou pivoter.

Pour la troisième pratique consécutive, les erreurs étaient identiques, presque copiées-collées, comme si les joueurs avaient imprimé les mauvaises séquences dans leur ADN.

Et c’est là que St-Louis a craqué. Il a arrêté le drill. Il a rassemblé les joueurs. Il s’est mis à utiliser ses mains, ses bras, ses épaules, à mimer des trajectoires, à montrer où être, quand tourner, comment lire la rotation, comme un professeur qui se rend compte que ses élèves ont sauté tout un chapitre du manuel.

On ne voyait plus un coach en maîtrise. On voyait un homme exaspéré qui est en train de perdre la tête.

On voyait un homme fatigué d’expliquer la même chose, fatigué de répéter que son système n’est pas en cause, d’entendre que son man-to-man est trop exigeant, tanné de voir sa structure se faire démonter publiquement par d’anciens joueurs qui, eux, ont déjà gagné dans cette ligue en appliquant des systèmes beaucoup plus simples.

Ce matin, une vérité a éclaté : le problème n’est pas l’exécution, c’est la compréhension

On pouvait presque sentir la tension dans l’air de Brossard. Certains joueurs levaient les yeux au ciel, d’autres baissaient la tête, certains hochaient vaguement en prétendant comprendre, et quelques-uns (Zachary Bolduc) regardaient St-Louis comme s’il parlait dans une langue étrangère.

Ce n’est pas une question d’effort ou une question de volonté. C’est une question cognitive.

Les joueurs ne comprennent pas ce qu’il veut.

Et il n’y a rien de plus dangereux, dans un vestiaire de la LNH, que ce moment où un entraîneur se rend compte que son groupe n’est plus capable de traduire ses demandes en gestes concrets.

Quand un système doit être expliqué à la voix haute tous les deux jours, c’est que le système n’est pas assimilable à vitesse réelle.

Et si un système n’est pas assimilable à vitesse réelle… alors il n’est pas un système, mais une chorégraphie impossible.

Martin St-Louis ressent la pression et ça paraît de plus en plus

Depuis deux semaines, il semble perdu et mêlé comme un jeu de cartes.

Un soir, il soutient que les joueurs connaissent parfaitement la structure. Le lendemain, il affirme que l’attitude est plus importante que le système. Le surlendemain, il répète qu’il ne veut pas parler du man-to-man.

Et aujourd’hui, il arrête l’entraînement parce que le système ne fonctionne toujours pas.

Jamais, depuis son arrivée à Montréal, St-Louis n’avait semblé aussi fragile.

Car s’il échoue à expliquer son système… comment pourrait-il convaincre qu’il est l’homme de la situation pour la suite ?

Ce matin, à Brossard, on voyait un groupe qui n’avait plus confiance dans ses repères, un groupe qui joue constamment sur les talons parce qu’il doit réfléchir à chaque rotation, à chaque permutation, à chaque duel, un groupe qui brûle une énergie folle à tenter de comprendre, plutôt qu’à jouer.

Dans un système de zone classique, l’erreur individuelle peut être compensée par un coéquipier.

Dans un man-to-man pur, chaque erreur devient un effondrement collectif.

Et le Canadien en vit cinq ou six par période.

Pas étonnant que les joueurs aient l’air brûlés après dix minutes, que les revirements explosent, que les tirs dangereux s’accumulent et que Montembeault et Dobeš encaissent comme des victimes.

Ce qui s’est passé ce matin est un avertissement. Le Canadien se dirige vers un point de rupture.

Car il y a seulement deux issues possibles :

Le coach abandonne son système. Impossible, car son ego est en train de le manger tout rond.

Ou les joueurs finissent par décrocher. En fait, ils ont déjà laché la serviette.

Ce matin, on a vu une équipe qui commence à glisser vers un territoire dangereux : le doute collectif. Ça va mal se terminer.