Bourde de Kent Hughes: Mathieu Darche avoue tout

Bourde de Kent Hughes: Mathieu Darche avoue tout

Par David Garel le 2025-11-25

Il l’a dit, il l’a assumé, il ne s’en cache pas une seconde : Mathieu Darche voulait absolument Emil Heineman dans la transaction pour Noah Dobson. 

Le nouveau directeur général des Islanders ne s’est pas contenté de réclamer des choix (16 et 17).

Il a tenu tête à Kent Hughes qui voulait lui offrir Owen Beck. Il a relancé, insisté, pressé, jusqu’à forcer la main du CH.

Et aujourd’hui, à la lumière des performances d’Heineman à Long Island, il est impossible de ne pas parler d’un vol pur et simple orchestré dans les coulisses d’un repêchage trop calme à Montréal.

« Je le voulais absolument dans la transaction », a lancé Darche sans détour aux journalistes qui l’ont croisé samedi au UBS Arena.

« Je ne cherchais pas juste à recevoir des choix. J’avais besoin d’un joueur pour aider mon équipe maintenant. Les choix étaient importants, mais je poussais pour obtenir Émil. »

Darche savait exactement ce qu’il faisait. Il ne voulait pas d’un simple retour théorique pour Dobson. Il voulait un joueur prêt à contribuer tout de suite, un joueur sous-estimé par l’organisation montréalaise, maltraité par Martin St-Louis, un joueur que Patrick Roy pourrait utiliser dès l’ouverture du camp.

Et ce joueur, c’était Heineman. Montréal, de son côté, semblait croire qu’il était encore trop "plombier", encore trop irrégulier, encore trop en attente d’une vraie explosion. 

Saint-Louis ne l’avait jamais utilisé autrement qu’en dépannage, dans des rôles limités, sur un quatrième trio, souvent dans des situations sans impact. Et ça, Darche l’avait noté.

« Il y a eu des relances avec les Canadiens. Mais à la fin, j’ai dit que j’avais besoin de lui pour conclure l’échange. Le CH a accepté. »

Ce moment, c’est le tournant. Ce n’est plus juste une transaction : c’est la perte d’un joueur que l’organisation n’a jamais su évaluer correctement. Hughes croyait peut-être faire une bonne affaire avec Dobson, mais il a cédé trop facilement un élément clé: un ailier de puissance, physique, avec un tir foudroyant, pour régler son problème défensif.

Depuis son arrivée chez les Islanders, Heineman déchire tout. Après 23 matchs, il compte 9 buts, 6 passes, 15 points, un différentiel de +5, et 80 mises en échec, le total le plus élevé de l’équipe. Il a maintenant un rôle en infériorité numérique, il joue sur l’un des deux premiers trios, et il est devenu un incontournable dans la structure de Patrick Roy.

Et pourtant, Darche n’avait pas anticipé une éclosion aussi rapide.

« J’ai toujours aimé sa façon de jouer. Heineman est un ailier qui joue avec une bonne pesanteur. Il est bon en échec avant et il a un tir incroyable. »

Il admet qu’il ne s’attendait pas nécessairement à ce qu’Heineman produise autant, aussi vite. Mais il savait que ce joueur cadrait parfaitement avec l’identité des Islanders. 

« Est-ce que je pensais qu’il était pour se retrouver à l’aile de notre premier trio et qu’il produirait autant? Pas nécessairement. Mais il est le joueur que j’imaginais. La production vient toutefois plus rapidement que nous l’anticipions. »

Son coup de foudre pour Heineman a été immédiat. Pas besoin de dix matchs, pas besoin de patience.

« Je l’ai réalisé après deux pratiques », a-t-il lâché sans détour. Dès le début du camp, il a compris qu’Heineman pouvait compléter parfaitement un joueur comme Bo Horvat. « J’ai trouvé rapidement qu’il y avait un bon mix entre Bo Horvat et lui. Ils sont deux joueurs différents. Émile peut récupérer des rondelles en fond de territoire et il a un excellent tir. Il lit bien le jeu, il a de la vitesse et il défend bien. »

C’est ce type de lecture que Saint-Louis n’a jamais été capable de faire à Montréal. Il a vu un joueur de bas-étage. Roy, lui, a vu un outil de production immédiate. Et il l’a placé là où il devait être : sur le top 6, dès le départ. Pas d’hésitation. 

Il faut bien le dire : Montréal avait un ailier physique, rapide, responsable, qui possède un des tirs les plus lourds de la LNH.

Mais il a été utilisé comme un figurant. À Long Island, il est devenu une pièce centrale. Et les fans du CH peuvent aujourd’hui se demander comment une organisation qui pleure chaque semaine un manque de production à l’aile a pu laisser partir un tel profil.

Heineman, rappelons-le, avait marqué 10 buts l’an dernier en seulement 41 matchs avec le CH. Une progression nette. Mais une blessure, survenue dans un incident tragique à Salt Lake City, après s’être fait frapper par une voiture , avait stoppé sa lancée. Il n’était plus le même à son retour. Il a terminé la saison avec une seule passe à ses 21 derniers matchs.

Mais ça, c’était un faux signal. Hughes et Saint-Louis ont mal interprété une mauvaise séquence comme un échec définitif. Darche, lui, a vu au-delà du moment.

Heineman l’a dit : cette transaction-là, celle avec les Islanders, c’est la première qui a changé sa vie. Les deux premières (Floride à Calgary, puis Calgary à Montréal) n’avaient été que des mouvements d’espoir. Mais cette fois, il a dû déménager, quitter un entourage, dire au revoir à des gens qu’il aimait.

 Il a reçu l’appel de Kent Hughes pendant la mi-temps d’un match de soccer en Suède, alors qu’il venait de sortir d’un entraînement. Il savait que c’était fini. Et il a tourné la page.

« J’étais triste de partir. Je garderai toujours de bons souvenirs de mes jours à Montréal et à Laval avec le Rocket. Mais ça fait partie de la 'business'. »

Le CH aurait tant besoin de lui aujourd’hui. Ce genre de profil manque cruellement à l’équipe. Pendant que les Canadiens cherchent des solutions à l’interne pour générer de l’offensive, pendant que les jeunes sont mal utilisés, pendant que les ailiers frappent des murs de constance… Heineman, lui, domine à Long Island.

Et il est tellement en feu que la Suède envisage sérieusement de l’amener aux Jeux olympiques. Oui. Le gars qu’on a traité comme un extra à Laval il y a huit mois est maintenant un candidat olympique.

Mathieu Darche a tendu un piège à Kent Hughes. Il l’a obligé à se départir d’un joueur qu’il n’évaluait plus à sa juste valeur. 

Et aujourd’hui, non seulement ce joueur produit, mais il est devenu un symbole du malaise montréalais. Celui d’une équipe qui sous-estime systématiquement certains profils (Bolduc, ça vous dit quelque chose?), qui prend des décisions trop rapidement, et qui se fait ramasser, encore une fois, par une organisation plus visionnaire.

Mathieu Darche a gagné cette transaction. Patrick Roy maximise le résultat. Et le Canadien de Montréal, lui, regarde passer le train.