Message à Chantal Machabée : les partisans veulent des réponses

Message à Chantal Machabée : les partisans veulent des réponses

Par André Soueidan le 2025-09-11

On ne demande pas la lune. On ne demande pas de connaître le numéro de sécurité sociale d’Ivan Demidov ni la couleur des bas de David Reinbacher.

On demande juste d’entendre deux phrases, une citation, une impression brute, un petit sourire volé en zone mixte.

Mais non. Rien. Silence radio. Omerta. Et c’est ce silence-là qui commence à peser, qui commence à frustrer, qui commence à faire grincer des dents ... non seulement les médias, mais surtout les partisans.

Et dans cette histoire, il y a un nom qui revient : Chantal Machabée. Parce que c’est elle qu’on voit, c’est elle qu’on entend, c’est elle qui incarne aujourd’hui le visage du département communication du Canadien.

Une femme qu’on respecte, qu’on aime, qu’on admire même pour son parcours journalistique impeccable.

Mais une femme qui, par la force des choses, devient aussi la gardienne du temple.

Celle qui doit dire non. Celle qui doit imposer la loi du silence. Et là, les partisans veulent un petit mot, un petit signe.

Ils veulent des réponses.

C’est là tout le paradoxe. Le Canadien, comme n’importe quel empire sportif moderne, veut contrôler son narratif.

Ce n’est pas nouveau. C’est la règle du jeu depuis des lunes.

André Savard avait commencé à refermer les vannes.

Pierre Gauthier et Bob Gainey avaientt resserré les vis.

Marc Bergevin avait verrouillé les portes.

Et aujourd’hui, Jeff Gorton et Kent Hughes ont perfectionné la recette.

Et pourtant… ces mêmes Canadiens qui refusent Demidov aux médias traditionnels sont aussi ceux qui ouvrent les caméras de Crave pour une téléréalité sur mesure.

On appelle ça du storytelling. De l'Info-pub... du marketing.

Mais dans le fond, c’est de la propagande bien enrobée.

On montre ce qu’on veut montrer. On cache ce qu’on veut cacher.

Et ça marche. La saison 2 cartonne. Mais les journalistes, eux, voient clair. Et les partisans avertis aussi.

Le malaise, il est là. On rend disponibles Florian Xhekaj, Adam Engstrom et Vincent Rohrer. Bravo pour eux.

Ils méritent leur moment de lumière.

Mais soyons honnêtes : ce n’est pas pour eux que les partisans se déplacent.

Ce n’est pas leur nom qui fait grimper les cotes d’écoute.

Ce n’est pas eux qui vendent des chandails.

Le monde veut voir Demidov.

Le monde veut entendre Reinbacher.

Le monde veut sentir que l’avenir est déjà là. Et ce silence crée un vide. Et ce vide, c’est le terrain de jeu préféré des rumeurs.

C’est ici que revient le texte de Marc Defoy, dans le Journal de Montréal : un « ras-le-bol » journalistique, une revendication claire ... les médias privés investissent des sommes colossales, suivent le CH aux quatre coins de l’Amérique, demandent l’accès, la spontanéité, et au bout du compte, reviennent avec les mêmes entrevues formatées que tout le monde.

Même voix, mêmes phrases, même angle.

Ce texte-là, il a déclenché quelque chose. Parce qu’il reflète ce que beaucoup ressentent dans l’ombre : l’impression d’être mis sur pause. Et ça ne peut pas durer.

On peut même remonter le temps pour voir que ce n’est pas un phénomène récent.

Rappelez-vous de Carey Price à ses débuts : les journalistes qui allaient chercher une réaction, une phrase, un émotion à même la chambre des joueurs après un match, mais qui se heurtaient souvent à une muraille de silence imposée par l’organisation.

Rappelez-vous de Galchenyuk sous Bergevin, quand chaque mot était pesé, quand le Canadien semble parfois avoir peur qu’un joueur soit trop « humain » dans ses propos.

Rappelez-vous de Subban, entouré de rumeurs, de spéculations, muselé médiatiquement ... pas en raison d’une faute de sa part, mais parce que l’organisation semblait vouloir tout filtrer.

Toutes ces histoires convergent vers une même logique : mieux contrôler, verrouiller où ça peut être risqué, limiter où ça peut être dérangeant.

Ce n’est pas une surprise si Marc Defoy, dans son texte, parle de ce besoin de briser ce cycle.

Parce que les failles du narratif aseptisé finissent toujours par se voir.

Le public finit par sentir qu’on lui donne du prêt-à-penser.

Et il finit par se demander non pas ce que les joueurs disent, mais ce que l’organisation veut qu’ils disent.

Ce n’est pas comme si on n’avait pas déjà vécu des scènes absurdes.

Rappelez-vous à l’aéroport de Toronto, l’arrivée de Demidov escorté comme une rockstar.

Protégez-le, mettez-le dans une van noire, fuyez les caméras.

On aurait dit qu’on protégeait un chef d’État menacé par un attentat.

Non, mais allô. On parle d’un kid de 18 ans qui débarque pour jouer au hockey, pas du président ukrainien.

Alors, qu’est-ce qu’on protège exactement?

On a peur qu’il se mette le pied dans la bouche?

On a peur qu’il dise qu’il aime la pizza plus que la poutine?

On a peur qu’il avoue qu’il est nerveux?

Mais c’est ça que les partisans veulent entendre! Le vrai. Le brut. L’authentique.

Pas un communiqué aseptisé préparé par le service des communications.

Et c’est là qu’on revient à Chantal.

On sait qu’elle comprend. On sait qu’elle n’est pas insensible à la cause. Elle a passé trente ans dans ce métier à courir après les citations, à demander la transparence, à se battre pour que les joueurs parlent.

Elle sait ce que ça représente. Elle sait que les journalistes font juste leur job.

Et surtout, elle sait que les partisans veulent du vrai.

Alors, le message est simple : Chantal, éclaire‑nous.

Dis‑nous au moins pourquoi. Parce qu’à défaut de transparence, on veut au moins une explication.

Sinon, on se retrouve avec ce qu’on a aujourd’hui : des médias frustrés, des partisans agacés, et un climat de suspicion inutile.

Et ce n’est pas une petite affaire.

Quand les médias sentent qu’on les prend pour des figurants, ça finit par se retourner contre l’équipe.

Parce qu’au lieu de parler des performances, on finit par parler des silences.

Au lieu d’expliquer les jeux, on dissèque les non‑dits. Au lieu de vendre du rêve, on nourrit de la méfiance.

Et ça, c’est la pire stratégie possible dans une ville comme Montréal.

Ici, tout finit par sortir. Tout finit par se savoir. Alors autant être transparent dès le départ.

On comprend l’idée du CH.

On comprend la logique.

Oui, c’est normal qu’une organisation protège ses jeunes joueurs.

Oui, c’est normal de vouloir maîtriser le narratif.

Oui, c’est normal de vouloir éviter les scandales inutiles.

Mais il y a une limite entre prudence et paranoïa. 

Parce qu’au fond, tout ce que les partisans demandent, c’est d’entendre Ivan Demidov dire : « Je suis content d’être ici. »

C’est d’entendre Reinbacher dire : « Je vais donner mon 100 % ».

Rien de révolutionnaire. Rien de compromettant. Juste du vrai. Juste un moment partagé.

Et c’est là que ça devient dangereux pour le CH.

Parce que plus on garde le silence, plus les rumeurs deviennent fortes.

Plus on cache Demidov, plus les gens vont s’imaginer des histoires.

Plus on protège Reinbacher, plus on va supposer qu’il n’est pas prêt. Et ce n’est pas comme ça qu’on bâtit un climat de confiance.

Alors oui, Chantal, on s’adresse à toi.

Pas pour te pointer du doigt. Pas pour te blâmer.

Mais pour te rappeler ce que tu sais déjà.

Le devoir de transparence. L’importance du lien entre l’équipe et ses partisans.

Et le rôle crucial des journalistes comme relais entre les deux.

On sait que tu es prise entre deux feux. Mais on sait aussi que si quelqu’un peut convaincre la haute direction de desserrer un peu le bâillon, c’est toi.

Parce qu’à la fin, tout le monde y gagne.

Les journalistes font leur job. Les partisans ont leur contenu. Les joueurs apprennent à gérer la pression médiatique. Et le Canadien prouve qu’il n’a rien à cacher.

Alors, message à Chantal Machabée : les partisans veulent des réponses.

Pas pour confronter, mais pour comprendre.

Parce qu’au fond, ce lien entre l’équipe et son public, c’est ce qui rend Montréal unique.

Et personne ne le sait mieux que toi.

AMEN