L’agent d’Ivan Demidov sort de son silence.
Car il y a des moments où le silence en dit long. Et puis il y a ceux où il faut parler, parce que le bruit devient trop fort.
Depuis quelques semaines, Ivan Demidov est au centre d’une controverse qui n’en finit plus de gonfler à Montréal. Son temps de jeu grugé, son rôle effacé, son absence du premier avantage numérique : tout le monde a une opinion. Et, comme souvent dans cette ville, l’opinion devient rapidement un procès.
Mais cette fois, ce n’est pas le jeune joueur qui parle. C’est son agent, Dan Milstein, l’un des plus puissants représentants de la LNH, celui qu’on surnomme « le banquier du talent russe ».
Et ses propos, rapportés à RG Media, sonnent comme une mise au point directe adressée à Martin St-Louis : Demidov n’est pas un problème à gérer, c’est une solution à utiliser.
D’entrée de jeu, Milstein balaie la rumeur selon laquelle la pression de Montréal affecterait son protégé.
« Ivan ne vit pas pour les statistiques. Il s’en fout complètement. »
« Il a supprimé toutes les applications de réseaux sociaux de son téléphone. Il ne lit pas les journaux, il n’écoute pas les débats. Il est déconnecté de tout ça. »
L’agent insiste sur un point : Demidov n’est pas distrait, il est concentré. Il ne court pas après les points, il poursuit une seule chose : la victoire.
« Ivan n’a qu’un objectif : aider son équipe à gagner. Son rêve, c’est de ramener la Coupe Stanley à Montréal pour la première fois depuis 1993. »
Un message simple, mais lourd de sens. Dans un marché où chaque geste est scruté, chaque expression disséquée, Milstein présente son joueur comme l’anti-vedette par excellence. Un garçon calme, familial, qui vit pour le hockey et non pour le spectacle.
Et pourtant, ironie du sort, le même Demidov qu’on dit si déconnecté vient de s’associer à une marque : BeHy, la boisson d’énergie québécoise fondée par Étienne Boulay, Maxime Talbot et Bruno Gervais.
Un produit 100 % local, à base de sirop d’érable, qui veut rivaliser avec les géants Red Bull et Monste en offrant une solution santé.
Certains y ont vu une contradiction : comment un joueur qui prétend fuir les distractions peut-il signer un partenariat commercial ?
Milstein, lui, ne s’en cache pas.
« Oui, il a accepté BeHy, mais parce que c’est un projet québécois. Il veut redonner. Ce n’est pas un contrat d’image, c’est un geste de respect envers le marché qui l’accueille. »
Et l’agent d’ajouter, presque piqué :
« Je veux que les gens comprennent : ce n’est pas un influenceur, c’est un joueur de hockey. »
Autrement dit : qu’on ne confonde pas une campagne locale avec une distraction.
BeHy n’est pas un signe d’égo. C’est une façon, pour Demidov, de montrer qu’il s’enracine à Montréal.
Mais au-delà des mots, ce que Milstein a dit hier sonnait comme une flèche bien ciblée.
« Ivan est concentré. Il n’a pas besoin qu’on le protège, il a besoin qu’on lui fasse confiance. »
Impossible de ne pas y voir un message adressé à Martin St-Louis.
Depuis le début de la saison, l’entraîneur du CH marche sur une ligne fine avec son jeune prodige. Il parle d’« apprentissage », de « patience », de « bon côté de la rondelle ».
Et pendant ce temps, Demidov plafonne à douze minutes par match, sans vraie chance sur le premier jeu de puissance.
Milstein, sans jamais citer le coach, rappelle subtilement à St-Louis que son joueur n’est pas un risque émotionnel, ni un esprit distrait.
Il n’a pas besoin d’être puni. Il n’a pas besoin de leçons publiques. Il veut juste jouer... et penser à l'équipe...
« Je ne pense même pas qu’il connaisse ses propres statistiques. Il ne sait pas où il se classe. Ce n’est pas son monde. »
Une manière diplomatique de dire : laissez-le jouer son hockey, et arrêtez de l’analyser comme un code informatique.
Dan Milstein n’est pas n’importe qui. Né en Ukraine, arrivé aux États-Unis à 16 ans avec 17 dollars en poche, il a bâti Gold Star Hockey, l’agence la plus influente dans le marché russe et européen.
Il gère aujourd’hui les carrières de Nikita Kucherov, Andrei Vasilevskiy, Sergei Bobrovsky, Artem Zub, Kirill Marchenko, Mikhail Sergachev et, désormais, Ivan Demidov, Dmitry Simashev, Kirill Marchenko... et le nouveau prodige du CH, Alexander Zharovsky.
Autant dire que quand il parle, le message résonne jusque dans les bureaux des directeurs généraux.
Et hier, son ton ne laissait aucun doute : il s’adressait autant à l’opinion publique qu’à l’organisation du Canadien.
« Ivan a tout pour réussir ici. Mais il faut lui donner les outils. Il n’a pas besoin d’être comparé, il a besoin d’être compris. »
Dans le milieu, on sait ce que cela signifie : une façon polie, mais ferme, de dire au coach de cesser de surprotéger son joueur.
Milstein a aussi profité de son entrevue pour évoquer un autre de ses clients, Alexander Zharovsky, le choix de deuxième ronde du Canadien cette année. (le vol de l'année)
« Zharovsky est un futur leader. Montréal a travaillé fort pour l’avoir. Ils ont tenté de monter au repêchage pour le sélectionner plus tôt. Leur dépisteur en chef, Nick Bobrov, croit énormément en lui. »
Dans la KHL, le jeune Russe joue déjà de grosses minutes à Ufa et affiche des statistiques impressionnantes.
« C’est un joueur complet, responsable, intense. Il a le caractère pour percer la LNH et y rester. »
Et dans ce passage, Milstein a subtilement relié les deux histoires : Zharovsky et Demidov représentent, selon lui, la nouvelle ère de la reconstruction montréalaise.
« Ces deux-là peuvent devenir la fondation d’une équipe championne. Ce sont deux jeunes qui ne cherchent pas la gloire, mais la victoire. »
Ce qui frappe dans tout cela, c’est la cohérence du message.
Milstein répète la même idée depuis des années : la réussite ne vient pas du vacarme, mais de la discipline.
Avec Kucherov, il disait déjà : « Les médias peuvent créer des superstars, mais ils détruisent les champions. »
Aujourd’hui, il applique cette maxime à Demidov : moins de bruit, plus d’impact.
Le contraste avec l’environnement médiatique montréalais est saisissant. Ici, on scrute les statistiques avancées, on débat du temps de glace, on invente des querelles.
Milstein, lui, parle de famille, de sommeil, de concentration.
Et quand il dit :
« Ivan ne connaît pas ses analytics. Il ne sait pas combien de tirs il a. Il veut juste aider le Canadien à gagner. »
On comprend que son message dépasse le hockey. C’est un rappel brutal à la simplicité.
Derrière cette sortie publique, il y a une stratégie.
Milstein sait que Montréal est un marché émotionnel, que les médias créent la perception d’un joueur en écoutant les leçons de vie à deux cennes de Martin St-Louis.
En prenant la parole, il neutralise les rumeurs, redéfinit le récit et renverse la charge : si Demidov ne joue pas plus, ce n’est plus une question de maturité, c’est un choix du coach.
C’est aussi un moyen d’installer un rapport de force discret avec St-Louis.
Un message voilé, mais limpide :
« Tu veux un joueur qui ne parle pas, qui ne se plaint pas, qui ne lit pas X ? Le voilà. Alors, maintenant, fais-le jouer. »
Un ultimatum subtil, habillé de diplomatie, mais redoutablement efficace.
Ivan Demidov, lui, reste muet. Il patine, il apprend, il encaisse.
Mais à travers son agent, il envoie un signal : il ne cherche pas à séduire, il cherche à durer.
Dans une ville qui brûle ses espoirs aussi vite qu’elle les érige, c’est presque une philosophie de survie.
Et peut-être que c’est ce que St-Louis finira par comprendre.
Le vrai génie du hockey moderne ne se mesure pas à la prudence, mais à la confiance.
Dans le fond, Dan Milstein dit:
« Martin, tu peux lui faire confiance »,
il ne parle pas seulement pour un client : il parle pour toute une génération de joueurs qui refusent de se laisser broyer par le bruit.
Amen.
