Dans la machine de guerre médiatique qu’est TVA Sports, où les critiques pleuvent chaque semaine sur les personnalités de l’antenne, rares sont celles qui osent baisser la garde.
Encore plus rares sont celles qui acceptent de le faire dans un média populaire, au moment le plus critique de leur carrière.
Mais Élizabeth Rancourt l’a fait. Dans une entrevue émouvante accordée au 7 Jours, elle a accepté de parler de ce que cela coûte, personnellement, familialement, mentalement, d’être l’une des figures les plus visibles et les plus critiquées du paysage télévisuel québécois.
« Ne me cherchez pas, ne bookez aucun rendez-vous, je n’ai pas de temps. »
C’est ainsi qu’elle décrit la période des séries de la LNH, où elle devient littéralement invisible pour ses enfants, son mari, ses amis.
Ce n’est pas une exagération. Pendant les séries, elle voit ses enfants une heure par jour, le matin, avant l’école.
Le soir, elle est en ondes. La fin de semaine, elle est à l’antenne.
« En saison, ça se gère bien, mais en séries, je les vois seulement une heure par jour. »
Ces mots-là, aucun styliste, aucune maquilleuse, aucun réalisateur ne peut les adoucir. Il s’agit de la réalité d’une femme qui se sacrifie pour sa carrière, dans une industrie impitoyable, dans un moment charnière de l’histoire de TVA Sports.
On comprend vite, en lisant entre les lignes, qu’Élizabeth Rancourt ne fait pas seulement face à un horaire exigeant.
Elle vit en parallèle avec une angoisse sourde : celle que tout cela prenne fin. Que la chaîne s’écroule. Que la LNH disparaisse de l’écran. Que TVA Sports ferme ses portes l'été prochin.
Car c’est bien là toute l’ironie tragique de cette saison 2025-2026 : alors que TVA Sports a enfin la chance de diffuser des séries avec le Canadien de Montréal, c’est peut-être la dernière fois.
Le contrat avec la LNH se termine en 2026. Et tout le monde le sait : Bell (RDS) et Crave vont obtenir entre 40 et 50 matchs, sans oublier Amazon Prime, Apple TV, etc, etc.
Québecor n’a plus les moyens, ni la volonté, de payer ce que Gary Bettman exigera pour une nouvelle entente.
Ce printemps est donc vécu comme une dernière chance, une audition nationale. Pas seulement pour la chaîne, mais pour ses employés. Pour ceux qu’on voit, et surtout ceux qu’on ne voit pas.
En ce moment, TVA Sports, c’est comme un camp d’entraînement.
On teste. On évalue. On regarde qui est capable de livrer la marchandise sous pression. Qui attire le public. Qui est aimé. Qui est détesté. Qui survivra à la purge qui suivra la fin du contrat avec la LNH?
Élizabeth Rancourt le sait. Elle le vit de l’intérieur. Et c’est dans ce contexte qu’elle choisit de parler de ses enfants, de ses chevaux, de son jardin. Pas pour faire pitié. Mais pour rappeler que derrière l’écran, il y a une mère, une conjoite, une femme qui essaie de ne pas s’effondrer.
Quand elle évoque ses chevaux, on sent qu’elle s’accroche à quelque chose de pur. Quelque chose qui ne dépend pas des cotes d’écoute, des trolls sur X, ou des critiques à son égard.
« Quand j’arrive à l’écurie, c’est mon moment. »
Elle ne possède pas de cheval. Elle monte Tango, celui de sa coach. Mais peu importe : c’est son havre de paix. Elle raconte que l’odeur du foin la ramène à son enfance. À Sherbrooke. À une époque où elle n’était pas encore jugée à chaque sourire, chaque vêtement, chaque hésitation à l’antenne.
Cette équitation-là, elle ne la fait pas pour être en forme. Elle la fait pour respirer, pour survivre, pour retrouver un équilibre.
« Prendre du temps pour moi, ça me rend tout simplement meilleure dans tous les autres aspects de ma vie. »
C’est une phrase simple. Mais dans la bouche d’une femme qui reçoit quotidiennement des insultes, des critiques, des moqueries, c’est une déclaration de résistance. Rancourt ne veut pas être parfaite. Elle veut juste être encore debout.
Car il faut le rappeler : l’année a été horrible pour Élizabeth Rancourt. Elle a été traînée dans la boue pour son entrevue maladroite avec Justin Trudeau, où on l'accusait de "flirter" avec l'ex Premier Ministre.
Elle a été ridiculisée pour sa gestion de plateaux lors d’événements chaotiques à TVA Sports. Elle a été accusée de faire du placement de produits maladroit. On lui a reproché son ton, ses silences, ses regards, sa posture, son maquillage.
Elle a été attaquée pour avoir remplacé Louis Jean, pourtant éjecté dans des conditions qu’elle n’a pas choisies. Elle n’a jamais été pardonnée d’être là à sa place. Comme si elle était responsable de son congédiement. Comme si elle devait s’excuser d’exister.
Elle a aussi été la cible de critiques envers ses collègues.
D’abord, elle a qualifié Marc Denis de « fake », accusant l’analyste vedette de RDS de jouer une « game d’image » en raison de son français impeccable, une attaque qui a heurté le public profondément attaché à Denis.
Ensuite, elle s’en est prise à Carey Price, affirmant qu’il « n’aime pas le hockey » et qu’il jouait plutôt pour l’argent, allant même jusqu’à dire qu’il voudrait « partir dans l’Ouest, pêcher et chasser. That’s it », des propos d’autant plus difficiles à digérer que Price est une légende montréalaise respectée pour sa carrière et son attachement au sport.
Enfin, elle a affirmé que P.K. Subban “puait”, un commentaire qui a été perçu comme déplacé, voire peu sensible, compte tenu des préjugés auxquels le joueur a historiquement dû faire face .
Face aux réactions négatives, Rancourt a refusé de s’excuser, soutenant qu’elle n’avait rien fait de mal. Ironiquement, elle a reçu 5 000 $ en cadeau pour son entrevue et a choisi de faire don de la somme à une maison de soins palliatifs, un geste qui a apporté une lueur d’humanité dans une controverse sombre .
Ce que l’entrevue révèle, c’est qu’elle vit en permanence avec la culpabilité maternelle. Ses enfants lui disent :
« Maman, tu n’es jamais là. »
Et elle leur répond :
« Le 1er juillet, je serai avec vous pour tout l’été. »
Mais en attendant, elle se lève tôt, les embrasse une heure, puis disparaît.
Elle cuisine, elle jardine, elle fait du vélo, elle joue au golf avec son mari. Elle fait tout ce qu’elle peut pour compenser. Mais le prix à payer est énorme. Et elle le paie sans se plaindre.
Même dans son rôle de mère, elle refuse d’imposer ses ambitions. Elle veut que ses enfants trouvent leur propre chemin.
Pas qu’ils ressentent la pression qu’elle vit chaque jour. Elle refuse d’être une "hockey mom" obsessionnelle. C’est peut-être là sa plus grande leçon d’humanité.
« Ce que je désire par-dessus tout, c’est qu’ils s’amusent sur la glace. »
Ce texte, cette entrevue, cette introspection, ce n’est pas un hasard. C’est le reflet d’une urgence. Celle de dire :
« Voici qui je suis. Voici ce que je donne. Voici ce que ça me coûte. »
Car peut-être que demain, tout sera fini. Peut-être qu’en juillet 2026, il n’y aura plus de TVA Sports. Peut-être qu’elle n’aura plus d’antenne. Peut-être qu’on se souviendra seulement de ses erreurs, pas de ses efforts.
Elle a tenu bon, malgré les torrents. Elle a protégé ses collègues, elle a représenté sa chaîne. Elle a accepté les critiques. Elle a encaissé. Elle s’est remise en question. Elle a réfléchi. Et aujourd’hui, elle ose dire :
« Je suis plus qu’un visage à la télévision. Je suis une femme, une mère, une personne qui donne tout. »
La saison 2025-2026 sera peut-être la dernière de TVA Sports. Et tout le monde le sait. Ce qui donne une gravité particulière à chaque mot, chaque présence à l’antenne, chaque faux pas.
Pour Élizabeth Rancourt, c’est un sprint final. Non pas pour garder son poste. Mais pour laisser une trace.
Pour montrer qu’elle valait mieux que les montages moqueurs sur les réseaux sociaux.
Pour que ses enfants, dans quelques années, puissent dire :
« Ma mère a tenu bon. Elle a été courageuse. »
Elle n’a peut-être pas remplacé Louis Jean dans le cœur des fans. Mais elle a tenté d’honorer ce siège. Et c’est déjà beaucoup.
Élizabeth Rancourt ne veut pas qu’on la plaigne. Elle veut juste qu’on comprenne. Elle veut qu’on réalise que derrière chaque émission, il y a des sacrifices.
Que derrière chaque erreur, il y a un cœur. Que derrière chaque critique, il y a une femme qui rentre chez elle épuisée, qui serre ses enfants dans ses bras, et qui retourne au combat le lendemain.
Alors oui, peut-être qu’on se souviendra d’elle comme d’une animatrice contestée.
Mais peut-être aussi qu’on se souviendra d’elle comme d’une battante, d’une femme forte, d’une mère dévouée et d’une humaine profondément digne.
Et ce serait mérité.