Il aurait dû être échangé cet été. Il aurait pu être un pion sacrifié dans au moins deux offres sérieuses. Et pourtant, c’est Owen Beck qui, ce matin, franchissait les portes du vestiaire du Canadien, rappelé en panique, sans cérémonie, pour boucher les fissures d’un alignement qui s’effondre sous les blessures.
Tout dans ce rappel sent le malaise. Car Beck n’est pas là parce qu’on croit en lui. Il est là parce qu’il n’y avait plus personne d’autre.
L’histoire commence en juin. Pendant que Kent Hughes explorait activement des pistes pour se doter d’un défenseur top-4 ou d’un centre établi, Owen Beck était systématiquement inclus dans les discussions.
On sait que son nom a circulé dans le dossier Noah Dobson, quand le CH flirtait avec les Islanders. Montréal proposait alors un montage impliquant Beck et les choix 16 ey 17, dans l’espoir de convaincre Mathieu Darche de se départir de son jeune défenseur étoile.
Finalement, Darche a demandé Emil Heineman.
Même son de cloche dans le dossier Pavel Zacha à Boston. L’état-major du CH voulait un centre gaucher pour stabiliser le deuxième trio et avait approché les Bruins. Beck faisait partie de l’une des offres avec Struble et Joshua Roy. Boston, comme Long Island, ne voulait pas de Beck. Le CH a alors proposé Oliver Kapanen à la place (toujours avec Struble et Roy). Dans les deux cas, les négociations n’ont pas abouti.
Boston a refusé les deux offres
Le plus troublant dans tout ce dossier, c’est qu’Owen Beck n’a pas seulement été offert par le Canadien : il a été explicitement refusé à deux reprises.
Beck est devenu un joueur indésirable sur le marché des transactions.
Surtout, dans ces appels, le message envoyé à Beck était clair comme de l'eau de roche : tu es remplaçable. Et tu es surtout disponible.
Rétrogradé, oublié, ignoré.
Ce n’est pas un hasard si Beck a été rétrogradé tôt dans le camp d’entraînement, alors que d’autres ont bénéficié d’un sursis prolongé.
À 21 ans, il n’est plus un “prospect excitant”. Il est devenu un nom parmi d’autres, un joueur de transition, qu’on garde au chaud à Laval par sécurité administrative, mais sans réelle volonté de le développer à long terme.
Au Rocket, il n’a jamais été placé au cœur du projet. On l’a souvent vu sur un troisième trio, parfois sans avantage numérique, parfois avec des ailiers au profil douteux. On ne l’a pas humilié, non. On l’a effacé tranquillement.
Il n’a jamais été ciblé comme un joueur à développer, mais bien comme un actif à échanger au bon moment. Et c’est là tout le paradoxe : l’organisation qui voulait s’en débarrasser l’utilise aujourd’hui comme une bouée de sauvetage.
Si Owen Beck est à Montréal aujourd’hui, ce n’est pas en raison d’un exploit à Laval. Il n’a pas “forcé la main” du club. Il a été rappelé parce qu’il ne reste plus rien.
Ce rappel, disons-le franchement, n’est ni stratégique, ni mérité, ni structurant. C’est un geste désespéré, dicté par la force des choses. Et Beck le sait.
On parle d'un retour dans une équipe qui ne le voulait plus.
Le plus inconfortable, ce n’est pas la logistique du rappel. C’est l’ambiance autour. Owen Beck revient dans un vestiaire où il n’a pas été vu comme une solution. Il revient dans une organisation qui l’avait déjà mentalement exclu du plan.
Il revient, en sachant que chaque présence sur la glace pourrait être sa dernière à Montréal.
Le voici donc projeté à nouveau dans le chandail tricolore, avec la mission d’amortir les dégâts, de fermer les trous, de survivre.
Pas de tapis rouge. Pas d’entrevue enthousiaste de Martin St-Louis. Pas de citations élogieuses. Seulement le silence d’une direction prise à contre-pied par les blessures, et un joueur lucide sur sa propre valeur dans l’écosystème du CH.
Depuis des mois, le poste de deuxième centre à Montréal est un sujet brûlant. On sait que Nick Suzuki n’a pas de relève. Kirby Dach, malgré ses promesses, inquiète par sa fragilité. Et pourtant, dans tous ces débats, le nom de Beck ne revient jamais.
Pire encore, il jouera à l'aile de Joe Veleno (centre) et Zachary Bolduc (ailier gauche).
Il n’a jamais été vu comme une solution. Ni aujourd’hui, ni demain. Il est le joueur qu’on appelle quand tout le reste s’effondre.
L’ironie, c’est qu’il possède exactement le profil que le Canadien recherche : intelligent, capable de jouer sur 200 pieds, bon sur les mises au jeu. Mais on ne lui fait pas confiance pour autant.
Ce rappel ne fait que renforcer un malaise profond : le CH ne sait pas quoi faire d’Owen Beck. Il ne veut pas l’échanger à perte. Il ne veut pas non plus l’installer dans l’alignement. Il le garde comme on garde un extincteur : juste au cas.
Et Beck, dans tout ça, n’a jamais élevé la voix. Il est resté professionnel. Il s’est présenté à Laval. Il a accepté son rôle flou. Il s’est préparé sans savoir s’il serait encore dans l’organisation dans six mois.
Mais combien de temps peut-on garder un joueur dans cet entre-deux toxique?
Combien de temps peut-on ignorer un joueur qui, à défaut d’être spectaculaire, fait tout ce qu’on lui demande?
Le vrai drame, c’est que la valeur d’Owen Beck sur le marché a chuté. Parce qu’il n’a pas percé à Montréal. Parce qu’il n’a jamais dominé à Laval. Parce qu’il n’est ni jeune assez pour exciter, ni assez productif pour rassurer.
Et pourtant, il aurait pu faire partie de gros dossiers. Si le CH l’avait échangé cet été, il aurait été vu comme un centre B prometteur, capable de se stabiliser dans un bottom-six. Aujourd’hui, il ressemble plus à un espoir oublié, que l’on ne met dans l’alignement que par défaut.
Le message est cruel, mais il est clair : Owen Beck n’est plus dans les plans. Et s’il joue bien, tant mieux. Mais si un autre joueur se rend disponible via transaction ou retour de blessure, il retournera dans l’ombre.
Le rappel d’Owen Beck ne peut pas être célébré comme une victoire. Il est le reflet d’une situation désorganisée. Il est le résultat de blessures mal anticipées. Il est, surtout, la preuve que l’organisation n’a pas su maximiser sa valeur ni le développer correctement.
Owen Beck mérite mieux que d’être un bouche-trou. Il mérite une organisation qui croit en lui, ou au minimum, qui ait le courage de le libérer pour qu’il aille grandir ailleurs.
Car s’il est encore là aujourd’hui, c’est seulement parce que personne d’autre ne pouvait l’être.