Kent Hughes et Jeff Gorton ont tranché. Leurs "pions éjectables" ne devaient pas parler au médias aujourd'hui.
Il y a des silences qui en disent long. Et à Montréal, cet automne, le silence des jeunes joueurs placés sur le marché des transactions a résonné plus fort que n’importe quelle déclaration officielle.
Oliver Kapanen, Joshua Roy, Jayden Struble, Owen Beck et même Kirby Dach ont disparu des micros. Pas un mot aux journalistes durant le tournoi de golf à Laval-sur-le-Lac.
Pas une phrase aux caméras. Rien. Comme si l’organisation avait décidé de les glisser dans un coffre-fort, de peur qu’une question trop directe ne dévoile ce qui se trame réellement en coulisses.
Car les faits sont là : Kapanen, Roy et Struble ont bel et bien été proposés aux Bruins de Boston pour Pavel Zacha.
L’information a coulé, malgré toutes les précautions du CH. Et à partir du moment où une telle bombe éclate, il devient impératif de protéger les joueurs concernés.
Comment leur demander de répondre avec aplomb alors qu’ils savent pertinemment que leur propre équipe a tenté de les sacrifier?
Des noms devenus toxiques devant les médias.
Le stratagème du Canadien est évident. Tant que ces joueurs circulent dans les rumeurs, on ne les expose pas.
Oliver Kapanen : encore blessé dans son ego d’avoir été proposé à Boston, lui qui venait à peine de s’illustrer en Finlande et qui revendique un profil offensif.
Joshua Roy : l’ancien joyau québécois ne fera pas partie de l'avenir du CH.
Jayden Struble : le robuste gaucher qui venait de signer un contrat de deux ans à 1,41 M$ et qui croyait avoir gagné sa place, avant de découvrir son nom dans les offres envoyées aux Bruins.
Tous trois ont été muselés. Pas question de les envoyer devant les caméras et de risquer une déclaration amère, une phrase mal interprétée ou un sourire forcé. Trop dangereux, trop fragile, trop révélateur.
Kirby Dach : protégé… ou mis en vitrine?
Mais la manœuvre ne s’arrête pas aux trois sacrifiés du « package deal » pour Zacha. Kirby Dach lui-même a été effacé du décor médiatique.
Et pour cause : sa réhabilitation est un mystère. Sa disparition de l’été a alimenté les pires rumeurs. Était-il encore blessé? Était-il prêt à jouer? Était-il déjà offert dans des discussions de transaction?
Ce que l’organisation a choisi de faire est clair : le cacher. Ne pas le laisser parler, ne pas le laisser montrer le moindre signe de faiblesse.
À sa place, Jeff Gorton et Martin St-Louis multiplient les discours rassurants.
« Il sera prêt pour le match d’ouverture », répète-t-on. Mais dans les faits, le silence de Dach est assourdissant.
Et ce silence prend tout son sens lorsqu’on sait que son nom circule lui aussi à Pittsburgh, dans les discussions pour Sidney Crosby. On ne veut pas d’un joueur fragile devant les médias. On veut d’un actif présentable devant les autres DG.
Il n’y a plus de doute : les noms de Kapanen, Roy, Struble, Beck et Dach circulent à Pittsburgh. Les insiders sont unanimes. Elliotte Friedman l’a dit : Hughes et Gorton conservent certains joueurs sous le coude précisément parce qu’ils pourraient être les clés d’une transaction Crosby.
Et ce n’est pas un hasard si les Penguins ont envoyé deux dépisteurs, Andy Saucier et Jay McClement, pour épier la confrontation des recrues du Canadien.
Un match préparatoire, avec une armada d’équipes représentées, mais où la présence doublée de Pittsburgh a fait sourciller. Pourquoi déployer autant d’attention si ce n’est pas pour évaluer les pions qu’on vous propose en coulisses?
Étrangement, ce ne sont pas seulement les joueurs « en vente » qui ont été réduits au silence. D’autres ont aussi été protégés.
Cole Caufield, souvent bête devant les micros, et on a limité son exposition. Juraj Slafkovský aussi a été ménagé, protégé des questions sur son rôle futur.
Arber Xhekaj (celui que les fans surnomment « Shérif », a également été tenu à distance. Lui aussi se retrouve au cœur des spéculations : trop populaire, trop scruté, trop incertain dans une défensive déjà congestionnée.
On peut comprendre certaines absences, mais pas toutes. Ivan Demidov n’a pas encore la maîtrise complète de l’anglais et on veut l’épargner des pièges d’une première mêlée de presse où chaque mot aurait été disséqué.
Mais que dire de Cole Caufield, Juraj Slafkovský, Patrik Laine ou Kaiden Guhle? Quatre des visages les plus payés, les plus attendus et les plus identifiables du club, laissés volontairement dans l’ombre.
Leur silence frappe d’autant plus que le tournoi de golf est justement conçu pour que les partisans entendent leurs vedettes, qu’ils sentent l’excitation repartir à l’aube de la saison.
Bref, au lieu d’un moment convivial, on reste avec une impression de stratégie opaque, où l’organisation choisit soigneusement qui a le droit de parler… et qui doit se taire.
Mais la différence est claire : pour Caufield, Slafkovský et compagnie il s’agit de protéger des piliers marketing. Pour Kapanen, Roy, Struble, Beck et Dach, il s’agit de cacher des monnaies d’échange.
Une stratégie assumée?
La logique de Kent Hughes est sans pitié. Pourquoi envoyer devant les caméras des jeunes qui viennent d’être publiquement proposés à Boston et qui risquent d’être inclus dans un éventuel deal avec Pittsburgh?
Pourquoi risquer un malaise, une sortie improvisée, un mot de travers?
Le silence devient alors une stratégie de communication. On contrôle l’image. On protège la valeur marchande. On garde l’illusion d’une équipe unie, tout en préparant les pions pour un échange historique.
Et pendant que Montréal cache ses joueurs, Sidney Crosby, lui, fait exactement l’inverse. À 38 ans, il se présente devant les micros et lance des éclairs :
« Dans le sport professionnel, vous jouez pour gagner. » Une phrase qui résonne comme une gifle aux partisans du « tanking ».
Crosby refuse d’être relégué au rôle de figurant. Il refuse d’incarner une reconstruction. Son ADN est celui d’un gagnant. Et c’est précisément ce qui alimente la rumeur : s’il doit partir, ce sera pour une ville où gagner est à nouveau possible. Montréal, avec son bassin d’espoirs et son plan 2026, devient l’option numéro un.
Le malaise est donc double.
À Montréal, on assiste à une stratégie de camouflage sans précédent : des joueurs entiers d’une organisation muselés pour éviter la tempête médiatique.
À Pittsburgh, Crosby parle haut et fort, refusant la médiocrité et mettant une pression immense sur son DG, Kyle Dubas.
Tout converge vers une même ligne : l’inévitable transaction Crosby. Les noms circulent déjà : Struble, Roy, Kapanen, Beck, Dach. Tous cachés, tous protégés, tous déjà perçus comme les pièces d’un casse-tête bien plus grand.
Ce qui frappe dans cette histoire, ce n’est pas seulement le nombre de dépisteurs présents aux matchs des recrues, ni le silence soudain des joueurs ciblés. C’est la cohérence glaciale de la stratégie. Le Canadien cache ses pions. Le Canadien protège ses actifs. Le Canadien prépare le terrain.
À Boston, on a refusé Zacha. À Pittsburgh, Crosby refuse le tanking. Entre les deux, Montréal se tait.
Et dans ce silence, il n’y a qu’une vérité qui hurle : la prochaine grande transaction de la LNH pourrait bien s’écrire entre le Canadien et les Penguins.
Les joueurs cachés ne sont pas absents. Ils sont sur le marché. Et tout le monde le sait.