Le Canadien a connu une soirée cauchemardesque. Une autre. Une soirée où les erreurs défensives se sont accumulées, où les duels perdus se sont multipliés, où le système a explosé, encore une fois, sous la pression.
Mais plus inquiétant que les buts, plus inquiétant que les revirements, plus inquiétant que système puant de Martin St-Louis : la déclaration de Nick Suzuki.
Une phrase. Une simple phrase. Mais une phrase qu’un capitaine ne dit jamais en public.
« Après la première période, il (St-Louis) est venu dans le vestiaire et a dit que si un joueur n’arrivait pas à défendre notre territoire, qu’il n’arrivait pas à faire son travail, il allait rester sur le banc. C’est toujours difficile de voir un coéquipier être cloué au banc. »
Boum. La vérité tombe.
Le leadership du CH a tremblé. Et soudain, tout le monde l’a senti : Nick Suzuki n’aurait jamais dû dire ça. Parce qu’il ne s’agit pas d’un commentaire banal. Ce n’est pas un résumé d’après-match. Ce n’est pas une analyse technique. C’est un bout du vestiaire qui sort du vestiaire.
C’est une critique déguisée d’un coach qui vient de clouer au banc Jake Evans et Josh Anderson.
C’est un message d’inconfort envoyé, involontairement peut-être, mais publiquement, à un entraîneur qui exige l’autorité totale.
Et dans la LNH, ce genre de moment crée toujours des secousses.
Suzuki n’a pas seulement décrit la décision de St-Louis : il l’a contestée moralement
Quand un capitaine dit :
« C’est toujours difficile de voir un coéquipier être cloué au banc. »… il prend position. Il se situe du côté des joueurs, pas du côté du coach. Et quand il ajoute, en parlant de Jake Evans :
« C’est dommage pour Jake, qui se bat depuis le début de la saison, a souligné Suzuki. Nous verrons quel message se rendra à Jake, mais il est un élément important de l’équipe et nous aurons besoin de lui lors du prochain match. »… il laisse entendre que la punition n’était pas méritée.
C’est un jugement de valeur.
Et dans un vestiaire, dans une hiérarchie, dans une culture où le « coach’s room » et le « players’ room » doivent fonctionner comme deux chambres communicantes et non comme deux ennemis, ce genre de phrase fait mal.
Et Martin St-Louis l’a senti. Tout de suite.
St-Louis, déjà agacé par la prestation de ses joueurs, déjà excédé de défendre un système qui s’effondre, déjà sous pression de devoir clouer des vétérans au banc, a perdu patience au micro.
Interrogé sur son système, il a répliqué avec irritation :
« Vous pouvez avoir la meilleure des structures, tout commence avec l’attitude. Les gars connaissent leurs responsabilités. C’est une question d’attitude. »
Bref: Je ne changerai pas mon système. Ce sont eux, le problème.
Ce soir, on a donc eu ceci : un coach qui remet ouvertement en question l’attitude, l’effort et le sens des responsabilités de ses joueurs; un capitaine qui défend ses coéquipiers publiquement et qui révèle un message interne qui, normalement, ne sort jamais du vestiaire.
Ça s’appelle un début de fracture.
Et ceux qui suivent la LNH depuis longtemps savent reconnaître les signes.
Jake Evans : le symbole d’une humiliation ( 9 minutes 22 secondes de jeu, -3 et 2 maigres présences en 3e période) que le capitaine n’a pas avalée,
Même chose pour Josh Anderson qui a joué à peine 10 minutes.
Dans n’importe quel vestiaire, cette punition choque. Dans un vestiaire jeune comme celui du CH, elle frappe encore plus fort.
Et Suzuki, au lieu de répéter la ligne officielle du coach, a décidé d’ouvrir son cœur en affirmant que l'équipe avait besoin d'Evans.
Il minimise la légitimité de la décision de St-Louis.
Il valorise publiquement un joueur que le coach vient de punir.
Il contredit indirectement la vision tactique du banc.
Il expose un malaise que tout le monde ressent mais que personne n’osait dire.
Et surtout : Il place Martin St-Louis en position défensive. Un entraîneur n’aime pas voir son capitaine expliquer à la presse comment les décisions sont perçus par les joueurs. Encore moins que le capitaine jacasse les menaces du coach au grand public.
Ce soir, Suzuki a fait comprendre deux choses :
es joueurs n’ont pas aimé la menace du banc. Ils jugent que certains ont été punis injustement. Et quand ton leader a le courage, ou l’imprudence, de dire ça publiquement, c’est que l’écart entre le banc et la chambre commence à s’élargir.
Caufield, lui aussi, a tiré dans la même direction
La déclaration la plus révélatrice de la soirée n’est pas venue du coach. Elle est venue de Cole Caufield, un autre pilier du leadership :
« J’en ai marre de perdre parce que nous jouons mal dans notre zone… Vous devez repérer votre homme, gagner vos batailles… La majorité de leurs buts ont été inscrits à la suite d’une erreur de notre part ou parce que nous n’avions pas repéré le joueur que nous devions couvrir. C’est inacceptable. »
Caufield dit ouvertement que les erreurs sont structurelles, récurrentes, liées à la manière dont le CH couvre les joueurs, à la manière dont il se positionne, à la manière dont il interprète les responsabilités défensives.
Au final, le capitaine du Canadien a exprimé un malaise : celui de voir ses coéquipiers humiliés, punis, "benched", abandonnés, dans un système défensif qui n’offre aucun filet de sécurité.
Le message de Suzuki était clair et net ce soir:
« Nous ne sommes pas d’accord avec tout ce qui se passe derrière le banc. »
Et maintenant, tout repose sur St-Louis... pour qu'il change son comportement...
