Certains joueurs ont besoin d’un mois pour séduire Montréal.
D’autres, d’un seul match pour se faire juger.
Noah Dobson appartient à la deuxième catégorie. À peine revenu de blessure, le nouveau défenseur du Canadien a goûté à ce que tout joueur fraîchement arrivé à Montréal finit par comprendre : ici, le hockey se vit comme un procès public. Et la sentence tombe vite.
Le public du Centre Bell n’a pas sifflé. Il a observé. Il a soupiré.
Un regard, un geste trop lent, une relance timide : tout devient matière à commentaire.
Dobson, pourtant, n’a rien fait d’indécent. Il a simplement joué comme il sait jouer : calmement, sans fracas, sans grande explosion.
Mais à Montréal, la patience n’est pas une vertu populaire.
Dobson, c’est le genre de joueur qu’on ne comprend pas tout de suite.
Il mesure six pieds trois, patine avec grâce, voit la glace avant les autres.
Mais il ne frappe pas. Il ne grogne pas. Il ne gesticule pas après un jeu raté.
Il est silencieux, presque trop.
Hier soir contre Ottawa, il a joué plus de vingt minutes, le deuxième plus gros temps d’utilisation derrière Lane Hutson.
Rien de catastrophique, rien d’éblouissant non plus. Quelques bonnes sorties de zone, des passes courtes, une lecture correcte.
Mais c’est souvent le problème avec ce genre de défenseur : on ne remarque leur utilité qu’une fois qu’ils ne sont plus là.
Sur les réseaux, les commentaires ont fusé dès la deuxième période. « Il est lent ». « On dirait qu’il dort sur la glace ». « Pas 9,5 millions pour ça. »
Des phrases dures, typiquement montréalaises.
Parce qu’ici, le prix du contrat change tout.
Dobson n’est pas perçu comme un jeune défenseur de 25 ans qui revient d’une blessure, mais comme le joueur le mieux payé de l’équipe.
Et à ce salaire-là, chaque geste devient une preuve ou une accusation.
Pourtant, ceux qui connaissent vraiment le hockey savent que le Canadien n’a pas recruté Dobson pour casser des mâchoires ou distribuer des coups de hache.
Kent Hughes voulait un quart-arrière droitier, capable de relancer proprement, d’accompagner Hutson, d’équilibrer une défensive jeune et risquée.
On ne paye pas un défenseur de 9,5 millions pour son taux de mises en échec.
On le paye pour sa vision du jeu, pour sa constance, pour ce qu’il évite de mal faire.
Et c’est là que la confusion commence. Parce qu’à Montréal, ce qu’on ne voit pas est souvent ce qu’on n’apprécie pas.
Les comparaisons avec Jeff Petry sont inévitables.
Même gabarit, même style fluide, même douceur mal interprétée.
Petry, lui aussi, avait subi la méfiance au début. Trop calme, trop « soft ». Jusqu’à ce que la foule réalise qu’il faisait tout sans bruit : relancer, bloquer des tirs, alimenter le jeu de transition.
Dobson, pour l’instant, vit cette même phase d’incompréhension.
Sauf que Petry gagnait 5,5 millions, pas 9,5.
Et le plafond salarial n’était pas le même. Le hockey moderne a changé : les contrats montent, les attentes explosent.
Dobson n’est pas surpayé ; il est simplement victime du contexte. Montréal juge toujours selon l’émotion du moment.
Patrick Roy, lui, n’aurait sans doute jamais eu la patience pour un joueur de ce profil.
Mais Martin St-Louis, oui.
Il comprend la valeur d’un défenseur qui ne s’emballe pas.
Il cherche la stabilité plus que la flamboyance. Dans son système, Dobson n’a pas à jouer comme Xhekaj ou Guhle ; il doit être le contrepoids, le tampon intelligent.
C’est ce qui a toujours manqué au Canadien : un défenseur droitier capable de temporiser le chaos.
Et ça, ça ne s’achète pas en émotions. Ça se construit en confiance.
Le problème, c’est que la confiance, Montréal ne la donne pas. Elle se mérite, jour après jour, présence après présence.
Dobson devra apprendre à jouer sous la loupe, à encaisser les soupirs du public comme d’autres encaissent les mises en échec.
Parce qu’à Montréal, on juge avant de comprendre, on réclame avant de patienter.
Mais avec le temps, ce genre de joueur finit par faire taire tout le monde. Petry l’a fait. Markov l’a fait. Dobson suivra la même voie ... s’il tient le coup.
Pour l’instant, il est encore en rodage.
Revenu d’une blessure, il retrouve son tempo, s’adapte à un système nouveau, découvre une ville où la moindre sortie de zone ratée devient sujet d’émission radio. Rien d’anormal. Rien d’alarmant.
Mais si le public s’attendait à un monstre physique ou à un Viktor Hedman, il va tomber de haut.
Noah Dobson, c’est un ingénieur du hockey, pas un démolisseur. Et ce type de joueur, Montréal les découvre toujours avec un peu de retard.
Alors oui, le verdict est tombé. Trop tôt, comme toujours. Mais si l’histoire se répète, le public finira par applaudir celui qu’il juge aujourd’hui trop calme.
Parce qu’à Montréal, le talent discret finit toujours par triompher du bruit.
À suivre ...