Nos pensées accompagnent Félix-Auger-Aliassime et sa famille

Nos pensées accompagnent Félix-Auger-Aliassime et sa famille

Par David Garel le 2025-05-27

Depuis qu’il a officiellement établi sa résidence fiscale à Monaco, Félix Auger-Aliassime est devenu une cible facile pour les médias européens — et particulièrement français.

Son nom figure noir sur blanc sur le site officiel de l’ATP, listé comme résident de la Principauté, ce qui a immédiatement fait bondir plusieurs éditorialistes.

Dans l’univers hyperpolitisé du sport français, où les questions de fiscalité sont perçues comme des enjeux moraux, Félix a été assimilé sans ménagement à ces athlètes « privilégiés » qui, selon eux, veulent les bénéfices sans les obligations.

Pourtant, le jeune Québécois a tenté de justifier son choix avec calme et transparence :

« Depuis deux ans, il était devenu de plus en plus difficile avec mon horaire chargé de revenir régulièrement à Montréal et de m’y entraîner. Monaco s’est donc avéré de loin la meilleure option, tant d’un point de vue géographique que tennistique. »

Il a aussi rappelé une vérité que beaucoup ignorent ou font semblant d’ignorer : un joueur de tennis professionnel paie des impôts dans chaque pays où il dispute un tournoi. Mais ces explications n’ont pas suffi. Aux yeux de certains, surtout en France, déménager à Monaco, c’est fuir ses responsabilités citoyennes.

Peu importe qu’il ait été soutenu par Tennis Canada dans son développement, peu importe qu’il redonne à la communauté par des œuvres caritatives. Pour eux, ce geste est une énorme tache à son dossier.

Et la presse française a été cinglante. Le journal L’Équipe, véritable institution du sport en France, a été particulièrement sévère à l’endroit de Félix.

Dans un éditorial des plus méchants, un chroniqueur l'a qualifié de « prodige raté » qui, « non seulement s’effondre sur le terrain, mais s’exile fiscalement comme un vieux millionnaire lassé de contribuer ».

D’autres médias ont enfoncé le clou, insinuant qu’il aurait « tourné le dos au public canadien » et qu’il cherchait avant tout à « maximiser ses gains au détriment de son image ».

Ce narratif, largement repris dans l’écosystème médiatique français, l’a étiqueté comme un exemple de ce que le sport produit de plus cynique : des jeunes millionnaires déracinés, déconnectés, en quête d’optimisation fiscale.

Même ses performances sportives ont été jugées à travers cette lentille idéologique, comme si son revers sur le court était une extension de sa “désertion fiscale”. Le message est clair : tant que Félix vivra à Monaco, il sera coupable à vie.

Il est clair que tout ça lui a joué dans la tête aujourd'hui à Paris.

Félix Auger-Aliassime n’a pas seulement perdu un match de tennis à Roland-Garros. Il a perdu le fil. Il a perdu la foi.

Et surtout, il a perdu l’image de celui qui pouvait encore se battre contre vents et marées. À Paris, le Québécois s’est effondré. Mentalement. Sportivement. Humainement.

Et ce n’est pas seulement Matteo Arnaldi qui l’a vaincu : c’est une année entière de critiques, d’attaques, de soupçons, de pression… un lent poison qui a fini par faire craquer l’un des plus grands espoirs du tennis canadien.

Tout semblait pourtant sous contrôle. Deux manches à zéro. Un bris d’avance dans la troisième. Une domination tactique. Une confiance retrouvée. Puis, sans crier gare, Félix a ouvert la porte. Arnaldi s’y est engouffré.

Et deux heures plus tard, dans la fraîcheur du soir parisien, le maître des lieux, c’était lui. Score final : 5-7, 2-6, 6-3, 6-4, 6-2. Une tragédie en cinq actes. Et Félix, encore une fois, dans le rôle principal du drame.

C’est la troisième fois en moins d’un an qu’Auger-Aliassime s’effondre après avoir mené deux manches à zéro dans un tournoi du Grand Chelem.

En janvier, c’était à l’Open d’Australie, contre Davidovich Fokina. L’an dernier à Wimbledon, c’était face à Kokkinakis. Et aujourd’hui, Paris devient le théâtre d’une débâcle de plus. Ce n’est plus une coïncidence. C’est une spirale. Une répétition tragique.

Mais pourquoi?

Parce que Félix ne joue plus seulement contre son adversaire. Il joue contre un tribunal invisible : les médias. Les réseaux. Les commentateurs. Les comparaisons. Les attentes.

Depuis des mois, il est au cœur d’un tourbillon médiatique d’une violence inouïe. L’enfant prodige du tennis canadien, présenté autrefois comme le « nouveau Federer », est désormais traité comme un imposteur.

Un « Alexandre Daigle » de la raquette. Toutes les habiletés du monde… mais aucun tennis IQ, répètent les critiques.

Et ce procès médiatique ne s’est pas limité à son revers ou à sa deuxième balle. Non, tout y est passé. Son engagement. Sa vie privée. Son déménagement à Monaco. Sa fiscalité.

La presse française, en particulier, n’a rien laissé passer. On s’est régalé de ses défaites. On a crié au scandale fiscal, au symbole d’un joueur qui a « fui » le Canada pour ne pas payer d’impôts.

L’Équipe, principal bourreau médiatique, l’a décrit comme un joueur incapable de se hisser au niveau de ses ambitions, ni sur le terrain, ni en dehors.

Et Félix? Il a encaissé. Toujours élégant. Toujours mesuré. Mais personne ne peut absorber autant de coups sans vaciller.

Il a bien tenté d’expliquer que Monaco était un choix logistique. Un choix de performance. Que les tournois étaient en Europe, que son emploi du temps ne lui permettait plus de revenir à Montréal.

Il a dit que les impôts, il en payait déjà sur chaque tournoi. Mais ses explications ont glissé sur une opinion publique assoiffée de sang et de symboles.

Et pendant que la presse s’acharnait, son tennis se fissurait. Le départ de Bernard Duchesneau, son agent de toujours, en disait déjà long. Derrière le vernis du professionnalisme, il y avait une crise. Un besoin de tout reconstruire. De remettre de l’ordre. De changer de cap.

Mais le changement est venu trop tard. Ou trop brutalement. Car le climat autour de Félix est devenu irrespirable. Même ses rares victoires n’ont pas suffi à éteindre les feux. Chaque performance était suivie d’un “oui mais”. Chaque victoire était une exception, chaque défaite une confirmation de déclin.

Et à Roland-Garros, ce poids est devenu trop lourd à porter. Quand Arnaldi est revenu dans le match, c’est toute la tempête médiatique des douze derniers mois qui est remontée à la surface.

Félix n’a pas seulement affronté un Italien de 24 ans : il a affronté une année de doutes, de sarcasmes, d’accusations. Et il a cédé.

« Il a encore perdu contre lui-même », murmurent les observateurs. Et c’est vrai. Félix n’a pas manqué de talent. Il a manqué de paix.

À 23 ans, bientôt 24, il se retrouve dans un vide sans fin. Le classement le fuit. La confiance aussi. Le public, lui, commence à détourner le regard. Le “prochain grand” s’efface lentement.

Et pourtant… derrière cette façade qui s’écroule, il reste un jeune homme qui a refusé de se faire corrompre par la gloire.

Qui a préféré la stabilité à l’agitation, qui a cherché à construire sa carrière avec des bases solides. Mais le tennis, surtout à ce niveau, ne pardonne pas les fissures.

Félix Auger-Aliassime n’est pas fini. Mais il est à genoux.

Et s’il veut se relever, il devra d’abord retrouver son souffle… loin du tempête, loin des projections toxiques, loin des attentes irréalistes. Peut-être qu’un jour, le public comprendra que les athlètes ne sont pas des produits. Qu’ils ne peuvent pas briller dans le noir. Qu’ils s’effondrent aussi.

Nos pensées accompagnent sincèrement Félix Auger-Aliassime et sa famille dans cette période particulièrement éprouvante.

Il est facile d’oublier, derrière les projecteurs et les raquettes, qu’il s’agit d’un jeune homme de 23 ans confronté à une pression démesurée, des critiques souvent injustes, et une machine médiatique française sans la moindre compassion.

Vivre un tel acharnement, en pleine lumière, alors que l’on tente simplement de se relever, doit être humainement dévastateur. 

La France a fait tomber des inventeurs, des génies, des rêveurs. Aussi riches soient-ils, autant d’impôts qu’ils puissent économiser, personne n’est à l’abri quand la machine médiatique décide de broyer.