Il y avait des cris étouffés dans les couloirs du Centre Bell. Pas les cris de la victoire. Pas ceux d’une équipe qualifiée pour les séries. Mais ceux d’un vestiaire en état de choc.
Car lundi soir, dans un moment d’extrême tension, alors que toute la ville de Montréal retenait son souffle, Martin St-Louis a pris une décision qu’aucun joueur n’oubliera de sitôt : il a envoyé Kaiden Guhle sous l’autobus. Publiquement. Froidement. Et injustement.
Cette fois, ce n’est plus une question de mauvaise gestion ou de mauvaise communication. C’est un geste d’humiliation.
Une trahison déguisée en excuses bidon. Une fuite de responsabilité qui a mis un jeune défenseur, adoré par ses coéquipiers, directement dans la ligne de feu. Et dans un marché comme Montréal, ça laisse des traces. Beaucoup de traces.
Il restait une minute trente à jouer dans une première période que le Canadien contrôlait avec brio. Le Centre Bell vibrait.
Ivan Demidov venait de livrer une première période de rêve. Le CH menait 2-0. Puis, une mise en échec. Lourd impact. Oliver Moore s’écroule. Et les arbitres lèvent le bras : Kaiden Guhle est envoyé au cachot. Punition pour obstruction. Avantage numérique des Hawks. Et quelques secondes plus tard, la rondelle est dans le filet de Samuel Montembeault.
Chicago revient à 2-1. Momentum volé. Centre Bell sonné.
Mais ce n’est que plus tard, en conférence de presse, que le vrai tremblement de terre a eu lieu avec une déclaration qui a figé le vestiaire.
Interrogé sur le tournant du match, Martin St-Louis n’a pas hésité une seconde. Il a ciblé Guhle. Et d’un ton cinglant, il a décortiqué le jeu :
« Tu dois être proche de la ligne, mais ne pas aller de l’autre bord. La rondelle s’en vient, elle n’est pas tout à fait là. S’il touche la rondelle, c’est une bonne mise en échec, mais il n’y a jamais touché. »
C’était clinique. C’était sec. Et c’était brutal.
À aucun moment St-Louis n’a dit : « Je prends la responsabilité. »
À aucun moment il n’a évoqué son propre mauvais changement en désavantage numérique sur ce même but. Ni sa gestion douteuse des effectifs. Ni ses décisions incompréhensibles plus tard, en fusillade.
Non. Ce soir-là, le responsable, c’était Guhle. Le message était clair et net.
Il aurait pu s’en tenir à une analyse générale. Il aurait pu parler de la rapidité du jeu, du manque de discipline collective, ou même du jugement des arbitres. Il aurait pu, surtout, protéger son joueur. Le défendre. L’assumer.
Mais il ne l’a pas fait.
Et dans ce vestiaire jeune, où les joueurs se battent soir après soir pour suivre les valeurs prônées par leur entraîneur, cette sortie a glacé l’ambiance. Lane Hutson, d’une franchise désarmante, l’a dit sans détour :
« Tu ne dois pas t’en faire avec ce qui pourrait arriver. Tu dois juste savoir que ça peut arriver : on pourrait rater les séries. »
Lui aussi a compris. Guhle était le signal. Le rappel que personne n’est à l’abri, pas même un défenseur qui a joué avec cœur et intensité toute la saison.
On dit que le silence d’un joueur en dit souvent plus que mille mots. Après le match, Kaiden Guhle a évité les caméras.
Pas un mot, pas une réaction. Mais ceux qui étaient dans le vestiaire l’ont vu : le regard vide, le corps tendu, la mâchoire crispée.
Il venait de tout donner. Et il venait d’être lâché par celui qui aurait dû le protéger.
Cette humiliation publique a eu des conséquences immédiates. La nervosité s’est emparée du groupe. Les tirs manqués, les jeux précipités, les erreurs de lecture… tout a été amplifié par ce malaise latent.
Martin St-Louis, pourtant ancien joueur, sait mieux que quiconque que l’erreur fait partie du jeu. Mais quand un entraîneur commence à pointer du doigt ses joueurs, c’est qu’il ne contrôle plus le navire.
Il ne faut pas s’étonner ensuite de la confusion en prolongation. Ni de l’oubli monumental de ne pas envoyer Ivan Demidov en fusillade. Le coach avait perdu le fil.
Et ce n’est pas la première fois que Martin St-Louis envoie ses jeunes sous le bus. Il l’a fait avec Arber Xhekaj. Il l’a fait avec Joshua Roy. Il l’a fait en ne parlant presque jamais de Cayden Primeau. Et maintenant, c’est Guhle.
À chaque fois, le même schéma : l’erreur du joueur devient une leçon publique. Et l’entraîneur se garde bien d’y mêler son propre rôle.
C’est là où la conclusion s’impose d’elle-même. Martin St-Louis a perdu ce match par pur ego.
Tout le monde lui disait d’envoyer Demidov sur la première unité d’avantage numérique. Tout le monde s’attendait à le voir en fusillade. Et tout le monde savait que c’était Guhle qui avait le dos large pour cette défaite.
Mais Martin St-Louis a tenu à montrer qu’il est le boss. Qu’il contrôle le message. Qu’il fait les choix difficiles, même si ça blesse.
Il a préféré avoir raison que de gagner.
Et au hockey, comme dans la vie, l’ego est souvent le pire ennemi de l’intelligence. On ne dirige pas un groupe en jouant les durs.
On dirige un groupe en l’unissant, en le protégeant, en assumant collectivement les erreurs. Ce soir-là, St-Louis a fait tout le contraire.
Le Centre Bell ne s’est pas contenté de s’indigner sur le moment. Les spectateurs ont sacré dans les gradins. Sur les réseaux sociaux, l’ambiance était incendiaire.
Et dans le vestiaire, l’injustice vécue par Guhle a tout simplement confirmé ce que plusieurs soupçonnaient déjà : Martin St-Louis a perdu son flair.
Il a sacrifié un soldat pour masquer ses propres lacunes.
Il a laissé son ego dicter ses décisions.
Et il a probablement brisé quelque chose dans ce vestiaire.
Le CH est peut-être encore en vie dans la course aux séries. Mais l’onde de choc provoquée par cette défaite, et surtout par la gestion catastrophique de Martin St-Louis, pourrait laisser des séquelles profondes.
Dans l’esprit des joueurs. Dans leur confiance envers leur coach. Et dans la perception des partisans.
Car le message reçu est clair : si tu fais une erreur, tu seras exposé.
Et ça, dans un sport d’équipe, c’est la pire des trahisons.
Martin St-Louis aurait pu prendre ses responsabilités. Il a préféré pointer Kaiden Guhle.
Ce soir-là, il a perdu bien plus qu’un match. Il a perdu le respect d’une partie du Québec. Espérons qu'il n'a pas perdu les séries.