C’est fascinant, quand même.
Sur papier, le trio Kapanen–Newhook–Demidov devait être le feu d’artifice du Canadien.
Un mélange de vitesse, de jeunesse et de flair offensif.
Mais après deux petits matchs, les chiffres tombent comme une douche froide : 30 % de possession dans le dernier match.
Autrement dit, le trio qui devait dominer ne touche presque jamais à la rondelle.
Et soudainement, tout s’explique.
Pas besoin de reculer la bande vidéo cent fois : le problème s’appelle Alex Newhook. Le sprinteur sans GPS!!!
Personne ne doute du coup de patin d’Alex Newhook.
Quand il prend son envol, il traverse la patinoire comme un missile.
Mais justement : c’est un missile sans cible.
Il file à toute vitesse dans le coin, coupe au centre, ressort par la bande, et finit par perdre la rondelle faute de plan.
Son plus grand talent est aussi sa plus grande malédiction.
Avec la rondelle, Newhook joue comme si elle brûlait.
Il accélère, déjoue son propre timing, et finit par se débrancher de ses coéquipiers.
Un jeu qui passe souvent à deux doigts d’être spectaculaire, mais qui meurt toujours dans la confusion.
Et ça, pour un joueur comme Ivan Demidov, c’est un cauchemar.
L’artiste est pris dans un tourbillon: Demidov, c’est l’opposé complet.
Lui, il ne joue pas vite, il joue juste.
Il ralentit le jeu pour l’observer, pour tisser ses angles, pour attirer deux joueurs et glisser une passe invisible.
Il a besoin de repères, de rythme, d’un centre qui pense comme lui.
Et au lieu de ça, on lui colle un gars qui fonce dans le trafic à pleine vitesse.
Résultat : le jeu meurt avant même que Demidov ait le temps de le créer.
En point de presse, Demidov essayait de garder le sourire :
« Je veux continuer à bâtir la chimie avec mes compagnons de trio. On commence à se comprendre, petit à petit. »
Une phrase polie, mais lourde de sens.
Quand un joueur parle de “ bâtir une chimie”, c’est souvent parce qu’elle n’existe pas encore.
Mais heureusement, entre les deux extrêmes, il y a Oliver Kapanen.
Un centre patient, intelligent, qui n’a pas encore la carrure d’un joueur de premier plan, mais qui comprend le jeu.
Le problème, c’est qu’il passe ses matchs à jouer au traducteur.
D’un côté, il tente de suivre la vitesse brouillonne de Newhook.
De l’autre, il attend que Demidov retrouve la rondelle.
Et au final, tout le trio flotte.
Ce n’est pas un hasard si Martin Leclerc, lors du balado Tellement Hockey, a révélé que leur taux de possession n’a jamais dépassé 42 %.
On parle ici d’un trio qui subit le jeu plus qu’il ne le crée.
Un trio qui court après la rondelle au lieu de la dicter.
Mais Martin St-Louis, lui, refuse de paniquer.
Avant le match contre Chicago, il disait :
« C’est un long processus. On veut leur donner du temps. C’est normal que ça prenne un peu avant de cliquer. »
Oui, mais combien de temps?
Parce qu’à force de chercher la bonne combinaison, il risque d’éteindre la confiance de Demidov avant même qu’elle s’enflamme.
Newhook, lui, est un joueur d’énergie. Il se nourrit du chaos.
Demidov, au contraire, le fuit.
C’est là que le paradoxe devient cruel : Martin St-Louis a réuni deux philosophies de hockey qui s’annulent.
Et pour l’instant, c’est Demidov qui paye le prix.
Et si le problème n’était pas Demidov… mais Newhook?
Depuis le début de la saison, tout le monde parle de la “patience” à avoir avec Demidov.
Mais personne ne parle du fait qu’il est peut-être mal accompagné.
Imagine une seconde : Zachary Bolduc à la place de Newhook.
Même vitesse, mais une finition, un instinct, une présence devant le filet.
Là, les jeux de Demidov trouveraient une fin logique.
Là, on parlerait d’un trio complémentaire.
Mais impossible d’y toucher.
Bolduc fonctionne trop bien avec Dach et Gallagher.
Et c’est là que tout le casse-tête explose :
Pour sauver Demidov, il faudrait casser ce qui marche ailleurs.
C’est ironique : à Montréal, on a longtemps prié pour avoir des joueurs rapides.
Et maintenant qu’on en a un, on réalise que la vitesse, mal utilisée, peut devenir un poison.
Alex Newhook est un coureur de 200 mètres dans une ligue qui joue au jeu d’échecs.
Ivan Demidov, lui, voit la glace comme un pianiste voit ses touches.
Mettre ces deux gars sur la même ligne, c’est comme demander à Mozart d’improviser avec un batteur punk.
Le tempo n’est pas le problème. C’est la synchronisation.
Bref, Ivan Demidov n’a pas besoin d’un joueur rapide.
Il a besoin d’un joueur qui pense vite.
Et tant que Martin St-Louis refusera de faire cette nuance, le trio Kapanen–Newhook–Demidov continuera de tourner en rond.
Parce qu’à la fin, la vitesse ne fait pas gagner un match.
Elle ne fait que masquer, pendant un instant, le vide derrière les chiffres.
Misère...