Retraite de Patrik Laine: un journaliste de TVA Sports perd patience

Retraite de Patrik Laine: un journaliste de TVA Sports perd patience

Par David Garel le 2025-10-27

Il en fallait beaucoup pour faire sortir Anthony Martineau de ses gonds.

Le journaliste de TVA Sports, reconnu pour sa modération et sa proximité avec les joueurs du Canadien, a explosé en direct au balado Tony Marinaro. Et son message était clair comme de l'eau de roche : assez, c’est assez, arrêtez de démolir Patrik Laine.

Depuis des jours, Laine est la cible d’un acharnement médiatique sans précédent. Blessé, opéré à New York pour une hernie sportive à la paroi abdominale, déclaré inapte pour au moins trois à quatre mois, le Finlandais n’a même pas eu le temps de respirer que déjà, certains chroniqueurs le condamnaient à l’exil.

On parlait d’un joueur fini, dont la carrière était terminée, d’un contrat gaspillé, d’un fardeau salarial, d'un individu qui ne jouerait plus jamais pour le Canadien de Montréal.

On disait que Martin St-Louis n’en voulait plus. Mais Martineau, lui, a décidé de remettre les pendules à l’heure.

Sa sortie publique a fait le tour du Québec sportif en quelques heures.

« Comment veux-tu être efficace sur une patinoire contre les meilleurs avec une entorse au genou ? Comment veux-tu être efficace quand tu es un tireur avec un doigt fracturé ? Comment veux-tu être efficace quand tu te fais une hernie sportive ? Et ça, c’est supposé être toute la faute de Patrik Laine ? C’est ridicule. »

Martineau n’a pas crié, il a plaidé. Sa colère n’était pas dirigée contre les partisans, mais contre l’injustice du discours ambiant.

Pour lui, le portrait qu’on trace de Laine est déconnecté de la réalité médicale et humaine. On parle d’un joueur qui s’est présenté blessé, qui a tenté de jouer malgré la douleur, et qui n’a jamais triché sur l’effort.

Ce passage a touché un nerf sensible dans le microcosme médiatique montréalais. Car derrière les statistiques ternes et les absences répétées, Martineau a rappelé ce que trop de commentateurs ont oublié : Patrik Laine est un être humain avant d’être un contrat.

Martineau ne s’est pas contenté de défendre l’homme blessé. Il a aussi parlé du leader silencieux que Laine est devenu à Brossard.

Il a raconté comment, dès le début de la saison, le Finlandais avait pris Oliver Kapanen sous son aile. Comment il lui avait montré, patiemment, « la bonne façon de tirer sur réception », et comment Kapanen lui-même lui avait confié que « c’est incroyable l’impact qu’a eu Patrik sur mon jeu offensif ».

Martineau a aussi évoqué un autre épisode révélateur : la relation entre Laine et Ivan Demidov.

Dès son arrivée à Montréal, Laine a pris le jeune prodige russe sous sa protection. Il l’a amené souper, lui a fait visiter les bons coins de la ville, et s’est assuré qu’il se sente à l’aise.

Dans une équipe où la langue, la pression et la culture peuvent écraser un jeune joueur, ce geste valait de l’or.

« Patrick Laine, c’est le gars qui désamorce les tensions sur le banc, qui blague quand l’ambiance devient lourde, qui fait rire les jeunes dans les matchs corsés », a rappelé Martineau.

Et il a ajouté : « C’est toujours l’un des premiers sur la glace à l’entraînement. »

Des propos qui tranchent radicalement avec le portrait qu’on en fait depuis quelques semaines.

Martineau n’a jamais prétendu que Laine était un joueur parfait. Il a reconnu ses limites, ses blessures mentales, ses passages à vide. Mais il a surtout insisté sur la difficulté d’évaluer un joueur dans un état de fragilité physique et psychologique.

« Si vous avez déjà vécu une dépression, si vous vous êtes déjà blessé sérieusement, vous savez que vous ne pouvez pas faire des miracles », a-t-il lancé avec émotion.

Cette phrase, Martineau ne l’a pas dite pour faire joli. Elle résume tout le drame de Patrik Laine.

On parle d’un homme qui a traversé une réhabilitation du genou, une fracture du doigt, une chirurgie abdominale, et un épisode de détresse personnelle. Et malgré tout, il est revenu à chaque fois, convaincu de pouvoir redevenir le joueur qu’il était.

Le problème, c’est que la patience n’existe plus à Montréal.

À Montréal, on aime les joueurs blessés… jusqu’à ce qu’ils deviennent gênants.

C’est la dure vérité. Le public adore les histoires de retour, mais déteste les récidives.

Et dans une ville où chaque match est un scrutin, les partisans ont vite fait d’oublier le contexte humain.

Laine est tombé dans cette spirale. Dès qu’il a ralenti, on l’a traité de joueur « mou ». Dès qu’il s’est blessé, on a insinué qu’il n’avait plus le goût. Et maintenant qu’il se fait opérer, on le traite de déchet salarial.

C’est cette hypocrisie que Martineau a voulu exposer.

Dans son intervention, il n’a jamais dit que Laine devait revenir au jeu vite.

Il a simplement rappelé qu’avant de juger, il faut comprendre ce qu’un corps et un esprit peuvent encaisser.

Ce qui rend cette sortie si marquante, c’est sa rareté.

Dans le paysage médiatique québécois, les journalistes sur le « beat » du Canadien évitent habituellement les prises de position trop franches, de peur de froisser l’organisation ou les partisans.

Mais Martineau a choisi le contraire : il a pris la parole pour défendre un joueur que presque tout le monde avait abandonné.

Et sa crédibilité rend cette défense d’autant plus forte.

Il est présent à chaque entraînement, il parle aux joueurs, il observe leurs comportements au quotidien. Quand il affirme que Laine était « l’un des premiers sur la glace tous les matins », il ne récite pas un communiqué, il parle d’expérience.

La réalité, c’est que Martineau le sait aussi bien que tout le monde : il y a de fortes chances que Laine ne rejouera plus pour le Canadien.

Selon Sportsnet, la direction envisage même de l’échanger s’il revient avant la date limite. Mais cette fin n’efface pas ce qu’il a apporté dans le vestiaire.

C’est d’ailleurs le message de Martineau : on peut reconnaître la fin d’une aventure sans salir la réputation d’un homme.

Laine a échoué sportivement, mais il n’a jamais cessé d’essayer.

La sortie d’Anthony Martineau restera comme un moment fort du débat montréalais.

Parce qu’elle rappelle ce qu’on oublie trop souvent : la bienveillance et la perspective.

Parce qu’elle remet de l’humanité dans un environnement où tout est calculé en points, en argent et en contrats.

Et parce qu’elle réhabilite, au moins moralement, un joueur qu’on avait déjà jeté au rebut.

Peut-être que Patrik Laine ne marquera plus jamais un but à Montréal.

Mais grâce à cette défense honnête, il quitte la ville autrement que sous les huées.