Peine au Centre Bell: le Québec pense à Jacques Demers

Peine au Centre Bell: le Québec pense à Jacques Demers

Par David Garel le 2025-08-25

Le temps file, et Jacques Demers se bat.

Enfermé dans son propre corps depuis deux AVC, privé de la parole par une aphasie aussi cruelle que silencieuse, paralysé du côté droit, Jacques Demers est pourtant encore bien vivant.

Il reconnaît, il comprend, il réagit. Il vibre pour le Canadien de Montréal, comme toujours. Mais en retour, l’organisation qui lui doit l’une des plus grandes pages de son histoire ne fait rien.

Pas un mot. Pas un geste. Pas une campagne. Le Canadien de Geoff Molson laisse Jacques Demers s’éteindre dans l’oubli, dans l’indifférence, dans une solitude scandaleuse.

Et pendant ce temps, le Temple de la renommée du hockey continue de l’ignorer.

Une légende québécoise est traitée comme un fantôme.

Jacques Demers a tout fait pour ce sport.

Et c’est justement parce qu’il est encore là qu’il faut parler de lui. Il ne peut plus défendre sa propre mémoire. Alors faisons-le à sa place. Car ses statistiques parlent pour lui : 1007 matchs dirigés dans la LNH. Un des cinq seuls entraîneurs à atteindre ce chiffre au moment de sa retraite en 1999.

Deux trophées Jack-Adams consécutifs, un exploit jamais égalé. Une Coupe Stanley remportée en 1993, la dernière du Canadien. Des décennies de loyauté envers le hockey  avec des passages marquants à Québec, St. Louis, Détroit, Montréal et Tampa Bay.

Et surtout, il a offert au Canadien sa dernière Coupe Stanley, en 1993. Une épopée historique, un miracle inespéré, un triomphe d’humilité et de courage.

Aujourd’hui, en 2025, il est oublié. Son nom n’est plus cité. Son image n’est plus affichée. Ses exploits sont passés sous silence. Sur les réseaux sociaux du CH, sur les ondes officielles, sur les panneaux de reconnaissance au Centre Bell : le nom de Demers est absent.

Pire : à chaque anniversaire du 9 juin 1993, même lors du 30e, même lors du 32e cette année, rien. Aucun hommage. Aucune vidéo. Aucun rappel. C’est comme si son nom devait être effacé, parce que sa condition actuelle dérange. Parce qu’il ne peut plus parler, on ne parle plus de lui.

Depuis ses deux AVC, Jacques Demers est enfermé dans un corps qui ne lui obéit plus. Il vit dans un centre de soins, se déplace en fauteuil roulant, est paralysé du côté droit. Il souffre d’une aphasie sévère. Il comprend tout, reconnaît tout le monde, suit les matchs du Canadien avec passion. Mais il ne peut plus s’exprimer.

Il tente parfois de parler. Les mots ne sortent pas. Alors il se fâche. Il tape sur la table. Il pleure. Sa famille, son épouse Debbie, son frère Michel, vivent chaque jour la souffrance de le voir présent, mais prisonnier.

« Il est encore là. Il sourit quand le CH gagne. Il bougonne quand ils perdent. Mais il est triste. Il baisse la tête. Il vit un isolement profond. »

Ce drame humain devrait éveiller l’empathie de toute une nation. Il devrait mobiliser l’organisation du Canadien, ses anciens joueurs, ses employés, ses proprios. Il devrait susciter un élan collectif. Mais rien. Jacques Demers est seul.

Geoff Molson a le pouvoir d’agir. Il ne fait rien.

C’est le propriétaire du CH, très proche de Geoff Molson, qui devrait mèner le combat pour l’intronisation de Jacques Demers au Temple de la renommée.

C’est lui, comme propriétaire du CH, qui devrait envoyer des lettres, faire des entrevues, répéter dans les médias que Demers a sa place parmi les immortels.

C’est lui qui devrait réunir l’organisation pour produire une campagne officielle, une pétition, une vidéo hommage, un cri du coeur.

Mais il ne fait rien.

Il reste silencieux. Comme si cela ne le concernait pas. Comme si la contribution de Jacques Demers était une anecdote dérangeante dans l’histoire du CH. Comme si, parce que Demers est invisible, il fallait qu’il devienne effacé.

Pourtant, Geoff Molson est un homme d’influence. Il a une voix. Il a un réseau. Il a l’argent. Il pourrait convaincre le Temple.

Il pourrait organiser une soirée hommage au Centre Bell. Il pourrait aller le voir, en personne, lui remettre une bague, une lettre, un symbole de gratitude. Mais il ne le fait pas. Et cela brise quelque chose de profond dans la relation entre le CH et son passé.

Le temps presse. Et la honte grandit.

Chaque semaine qui passe est un pas de plus vers l’iréversible. Jacques Demers ne pourra peut-être jamais remarcher.

Il ne pourra peut-être plus jamais prononcer une phrase complète. Mais il est encore conscient. Il est encore là. Il peut encore recevoir cet hommage. Il peut encore pleurer, sourire, ressentir la chaleur d’une ovation, même en silence.

Le Canadien de Montréal, en 2025-2026, doit absolument organiser une soirée hommage à Jacques Demers. Il faut remplir le Centre Bell. Il faut inviter ses anciens joueurs, sa famille, ses amis. Il faut montrer sa photo sur l’immense écran. Il faut répéter son nom. Il faut que la foule scande « Jacques ! Jacques ! Jacques ! »

Et il faut que Geoff Molson, publiquement, dise :

« Il est temps que Jacques Demers entre au Temple de la renommée. »

Tout autre choix serait une trahison. Une trahison envers lui, envers sa famille, envers la mémoire du hockey, et envers le peuple du Québec qui n’a pas oublié.

On ne veut pas d’une mention gênée dans une publliction du club sur les réseaux sociaux. On ne veut pas d’un petit montage vidéo de 30 secondes sur Instagram.

On veut un vrai hommage. Un geste fort. Une campagne officielle. Une intervention directe auprès du Temple. Une mobilisation. Une reconnaissance à la hauteur du sacrifice, du parcours, du courage de Jacques Demers.

Parce que ce qu’il vit aujourd’hui, dans son corps figé, sans voix, c’est une injustice totale. Une souffrance constante. Et le silence du CH ne fait que l’accentuer. C’est comme si on lui disait :

« Tu ne peux plus parler, alors tu ne comptes plus. »

Mais il compte. Chaque jour. Il a compté pour ses joueurs. Il a compté pour Patrick Roy. Il a compté pour des millions de partisans. Il a compté pour le Québec. Et il compte encore.

En 2025-2026, il faut briser le mur

Le CH doit agir. Geoff Molson doit parler. Le Temple doit écouter. Les partisans doivent exiger. Parce que Jacques Demers ne pourra peut-être plus entendre longtemps. Mais aujourd’hui, il peut encore ressentir.

Et il faut qu’il ressente, une dernière fois, que le Québec ne l’a pas oublié.

Il est temps. Avant qu’il soit trop tard.