Perte de millions à RDS: Pierre-Karl Péladeau monte au front

Perte de millions à RDS: Pierre-Karl Péladeau monte au front

Par David Garel le 2025-12-27

Pierre-Karl Péladeau ne lâche pas le morceau. Alors que, dans le milieu, plusieurs parlent déjà de la fermeture éventuelle de TVA Sports comme d’une fatalité, alors que certains tiennent pour acquis que la chaîne est condamnée à disparaître à l’été 2026 avec la fin de son contrat actuel, le patron de Québecor continue, lui, de pousser, de négocier et de revendiquer sa place dans le prochain cycle de droits.

Il refuse catégoriquement de voir TVA Sports sortir par la petite porte pendant que RDS consolide sa position avec 45 matchs du Canadien et que Bell étend tranquillement son emprise via Crave. (les rumeurs parlent de 15 matchs sur la plateforme de streaming.

Dans sa tête, il n’est tout simplement pas question que TVA Sports ferme pendant que son principal rival s’installe confortablement, sans opposition réelle, au sommet du hockey francophone.

Peu importe ce que racontent les observateurs, peu importe l’état fragile du marché, peu importe les prédictions alarmistes, Péladeau veut encore des droits, veut encore être dans la discussion, et surtout, ne veut pas laisser croire que la partie est terminée.

PKP ne se bat pas pour sauver TVA Sports par nostalgie. Il ne se bat pas non plus par naïveté, ni parce qu’il refuserait de voir la réalité en face.

Il se bat parce que, dans sa lecture très personnelle, et profondément orgueilleuse, du paysage médiatique québécois, laisser le champ libre à RDS serait reconnaître une défaite symbolique qu’il n’est pas prêt à encaisser, surtout maintenant qu’il estime avoir, chiffres à l’appui, un argument qu’il juge irréfutable.

Car au cœur de ce bras de fer qui se joue en coulisses, il n’y a pas seulement des droits de diffusion, un contrat qui expirent à l’été 2026 ou des négociations avec Rogers pour la sous-license françaises des droits nationaux (24 matchs restants) qui s’étirent.

Il y a un homme qui est persuadé d’avoir gagné une bataille morale, sinon financière. Pour Pierre Karl Péladeau, le fait que RDS ait perdu plus d’argent que TVA Sports en 2024 n’est pas une anomalie statistique, ni un accident de parcours : c’est une validation. Une preuve.

RDS a enregistré une perte avant impôts de 20,3 millions de dollars, à laquelle s’ajoute une perte de 7,5 millions pour RDS Info, ce qui porte le déficit combiné des chaînes sportives francophones de Bell à 27,8 millions, alors que de son côté TVA Sports a perdu 15,4 millions pour la même période, sur des revenus respectifs de 140 millions pour RDS et de 89 millions pour TVA Sports.

Sur le plan des abonnés, RDS a vu sa base reculer de 6 % pour s’établir autour de 1,5 million, tandis que TVA Sports est demeurée relativement stable à environ 1,2 million, une stabilité que Québecor brandit comme une victoire.

Selon lui, c'est une confirmation que son intuition de départ n’était pas complètement erronée, et surtout que Bell n’est plus cette forteresse intouchable qu’on a longtemps décrite.

Dans sa tête, ce chiffre change tout. RDS, le réseau historique, le diffuseur qui avait le monopole du sport francophone, celui qui se présentait comme le modèle de stabilité et de crédibilité, a fait pire que TVA Sports sur le plan des pertes.

Et pour quelqu’un comme Péladeau, qui a bâti sa carrière sur des combats d’ego autant que sur des stratégies d’affaires, ce renversement, aussi mince soit-il, devient un levier psychologique énorme. Il ne voit pas un marché qui s’effondre collectivement ; il voit un rival qui tremble davantage que lui.

C’est précisément pour cette raison que TVA Sports refuse de disparaître doucement du décor à l’approche de l’échéance de 2026.

Dans quelques mois (l'été prochain_, le contrat actuel arrivera à terme, et sans nouvelle entente, la chaîne se retrouvera sans colonne vertébrale et disparaîtra.

Pour n’importe quel dirigeant rationnel, la conclusion serait évidente : réduire les pertes, préparer la sortie, accepter que le cycle est terminé.

Mais Péladeau ne raisonne pas ainsi. Lui est convaincu que le prochain cycle peut encore être négocié, non pas parce que TVA Sports est en position de force, mais parce que RDS, à ses yeux, ne l’est plus non plus.

Or, le contexte actuel rend cette obstination encore plus inflammable. Bell a sécurisé 45 matchs du Canadien, ce qui lui assure une présence dominante sur le plan régional, et tout indique que 15 matchs supplémentaires aboutiront sur Crave, la plateforme de diffusion en continu de Bell.

Autrement dit, l’écosystème Bell est en train de se refermer sur lui-même, en combinant télévision linéaire et streaming, en multipliant les points de contact avec le partisan, tout en gardant le contrôle éditorial et commercial du produit.

Et c’est précisément ce scénario que Péladeau refuse d’accepter. Non pas parce qu’il croit sincèrement pouvoir battre Bell sur ce terrain, mais parce que laisser Bell occuper à la fois RDS et Crave sans opposition visible serait, pour lui, une humiliation stratégique.

Dans sa logique, TVA Sports doit continuer d’exister dans l’équation, ne serait-ce que pour empêcher RDS de se retrouver seule, confortablement installée, avec un quasi-monopole francophone déguisé en modèle multiplateforme.

Les chiffres de 2024 deviennent alors son arme favorite. Peu importe que les deux réseaux perdent de l’argent, peu importe que le modèle global soit fragilisé par le cord-cutting, par la migration publicitaire vers les plateformes étrangères ou par la fragmentation des auditoires.

Ce que Péladeau retient, ce qu’il répète, ce qu’il brandit dans les discussions, c’est que TVA Sports a perdu moins que RDS, et qu’à partir de cette réalité, il est convaincu que 2025 confirmera cette tendance. Selon PKP, TVA Sports a encore perdu moins d'argent que RDS cette année.

Dans son esprit, RDS est enfermée dans une structure lourde, coûteuse, obligée de soutenir un volume de production élevé pour alimenter à la fois la télévision et le numérique, alors que TVA Sports, déjà amaigrie, déjà compressée, a moins à perdre.

C’est cette conviction qui explique pourquoi les négociations se poursuivent, pourquoi TVA Sports cherche encore à obtenir une part des droits restants, pourquoi elle refuse de s’effacer complètement du portrait national francophone.

Ce n’est pas un calcul de rentabilité pure ; c’est un calcul de positionnement. Péladeau ne cherche pas à gagner la guerre du hockey, il cherche à ne pas en être exclu définitivement, et surtout à ne pas offrir à RDS une victoire sans résistance.

Au fond, cette bataille dépasse largement la question des matchs. Elle touche à l’orgueil, à l’image, à l’idée même que Péladeau se fait de son rôle dans l’écosystème médiatique québécois.

Voilà pourquoi TVA Sports continue de se battre, voilà pourquoi les discussions n’ont pas cessé, voilà pourquoi Péladeau s’accroche à ce qu’il considère comme une victoire symbolique: perdre moins de cash que son rival.

TVA Sports va bien, mais parce que, dans son esprit, RDS va moins bien qu’avant, et que tant que cette brèche existe, il refusera de quitter la table.

L'orgueil peut déplacer des montagnes. Celui de PKP veut faire suer Bell jusqu'au bout.