Perte de millions en valeur : Juraj Slafkovský perd sa place

Perte de millions en valeur : Juraj Slafkovský perd sa place

Par André Soueidan le 2025-04-12

Il y a dans la LNH des contrats qui élèvent un joueur au statut de leader naturel, qui récompensent une production constante, une ascension logique, une capacité à porter un club dans les moments importants, mais celui de Juraj Slafkovský n’a jamais eu ce parfum-là.

Il a plutôt tout du pacte précipité, signé dans un excès de confiance administrative, où Kent Hughes, peut-être aveuglé par la tendance des clubs à sécuriser tôt leurs jeunes espoirs, a cru bon de distribuer plus de 60 millions de dollars à un joueur encore en chantier.

Cette décision, à l’époque défendue avec l’arrogance calculée des DG qui prétendent lire l’avenir mieux que tout le monde, vieillit aujourd’hui avec la vitesse d’une banane laissée au soleil, pendant que Slafkovský tente tant bien que mal de se définir sur la glace.

Parce que pendant que les partisans acclament l’arrivée d’Ivan Demidov, qui s’est entraîné à Toronto dans un chandail d’entraînement blanc du CH avec la fluidité d’un danseur de ballet armé d’un lancer de sniper, Slaf semble de plus en plus déplacé dans les séquences où le hockey d’élite se joue.

Ce qui saute aux yeux, c’est ce décalage grandissant entre le tempo que l’on attend de lui et celui qu’il est réellement capable de maintenir, surtout dans les séquences placées, comme en avantage numérique, où ses décisions semblent toujours en retard d’une idée.

Et dans un sport où chaque milliseconde compte, où l’exécution doit précéder l’intention, cette seconde de trop qu’il prend pour analyser le jeu transforme un simple décalage technique en problème structurel, surtout quand les autres joueurs sur la glace opèrent en haute définition.

Le hic, c’est qu’avec ce contrat monstrueux qu’on lui a collé sur le dos, chaque moment d’hésitation, chaque possession ratée, chaque repli défensif tardif devient une insulte au plafond salarial et un rappel que cette décision n’était pas du tout mûrie.

Slafkovský, on le savait dès le départ, n’était pas un produit fini, et personne ne l’a jamais vu comme un phénomène générationnel capable de dominer comme Connor Bedard, mais ce que l’on constate aujourd’hui, c’est qu’il n’est même pas à niveau pour dicter le jeu au sein de son propre trio.

Le plus frustrant là-dedans, c’est que le joueur n’a rien demandé : il ne s’est pas offert, il n’a pas cogné à la porte pour réclamer une fortune, il n’a pas levé le nez sur son statut de recrue en exigeant le traitement d’un sauveur.

C’est l’état-major qui l’a placé sur un piédestal artificiel, qui a déroulé le tapis rouge comme si l’on avait devant nous un power forward déjà accompli, alors que tous les signaux indiquaient un long processus de maturation à venir, exigeant patience, encadrement, et surtout, liberté d’échouer.

Or, avec ce contrat, il n’a plus le droit à l’erreur, il n’a plus le droit à la lenteur, il n’a plus le droit à l’apprentissage, parce qu’à 60 millions garantis, il est censé performer comme un pilier établi.

Et pendant ce temps-là, l’organisation ne sait plus quoi faire avec lui, parce qu’il est coincé dans un entre-deux : trop cher pour être rétrogradé dans un rôle secondaire, mais pas assez bon pour mériter sa place dans les rôles offensifs de premier plan.

C’est ce genre de piège qui transforme un joueur en paratonnerre de frustration collective, non pas pour ses performances pures, mais pour l’écart immense entre ce qu’il est censé être et ce qu’il est réellement sur la patinoire.

Quand tu regardes le jeu à cinq contre cinq du Canadien ces dernières semaines, tu vois clairement que Slafkovský agit comme un frein dans les transitions, que ses prises de décision sont hésitantes, que sa capacité à jouer dans les petits espaces n’est pas au niveau de ses coéquipiers.

Et quand l’avantage numérique embarque, c’est encore pire.

Pendant que Suzuki, Caulfield, Laine et Hutson se trouvent instinctivement en mouvement, lui semble toujours arriver une fraction trop tard, ralentissant la manœuvre, étouffant le tempo, tuant la créativité du groupe.

Mais malgré tout ça, il reste sur la première vague.

Pas parce qu’il le mérite.

Pas parce qu’il performe.

Mais parce que son contrat agit comme un filet de sécurité institutionnel, une sorte d’assurance politique pour éviter de reconnaître l’erreur de gestion que ce pacte représente déjà à ce point de son exécution.

Et le public, lui, ne s’y trompe pas.

Sur les réseaux sociaux, les partisans ne cachent plus leur impatience, leur frustration devant ce qu’ils perçoivent comme une injustice envers des joueurs plus dynamiques, plus prêts, plus méritants, qui n’ont pas accès aux mêmes opportunités parce qu’ils n’ont pas le chèque qui vient avec.

La venue de Demidov est, dans ce contexte, une gifle au visage de l’ancien plan.

Parce qu’à peine débarqué, sans avoir encore joué une seule minute officielle, il représente déjà le remplaçant naturel, le joueur que l’on veut voir à la place de Slaf, celui que les fans imaginent dans le cercle droit de l’avantage numérique, prêt à décocher une flèche.

Et ce fantasme, il ne vient pas de nulle part : il naît de la réalité concrète que Slaf ne livre pas, que son contrat empêche l’équipe de respirer, et que la patience du monde hockey montréalais a des limites, surtout quand la promesse se transforme en handicap.

Ce qui est cruel, c’est que dans un monde idéal, Slafkovský serait en train de progresser lentement sur un troisième trio, face à des adversaires moins dangereux, dans un rôle plus physique, avec des responsabilités adaptées à son profil et à sa courbe d’apprentissage.

Mais ce contrat l’a propulsé dans un décor qui ne lui appartient pas.

Il est constamment en exposition, constamment comparé aux meilleurs, constamment observé à travers le prisme d’une rémunération qui ne reflète pas son niveau réel.

Et plus les matchs avancent, plus l’écart se creuse entre le joueur qu’il est et celui qu’il doit être pour ne pas faire honte au pari que Kent Hughes a pris en lui glissant ce contrat sous le nez.

Parce que ce n’est pas Slafkovský qui a volé qui que ce soit.

C’est l’organisation qui a misé, trop tôt, trop fort, sur un profil encore brumeux, en espérant qu’à coups de confiance et de responsabilités prématurées, il allait se transformer miraculeusement en vedette offensive.

Mais le hockey ne fonctionne pas ainsi.

Le hockey punit les décisions émotives.

Et aujourd’hui, c’est tout le vestiaire qui doit composer avec un déséquilibre de production, une tension d’usage, une forme de favoritisme involontaire qui fragilise la cohésion du groupe.

Demidov n’a encore rien prouvé, mais ça ne tardera pas

Et parfois, ne pas tarder, c’est déjà livrer plus que Slafkovský.

Et à 60 millions de dollars, ça commence à faire très, très mal.

Misère...