C’est désormais officiel : RDS conservera les droits régionaux du Canadien de Montréal, mais avec un volume réduit de 45 matchs de saison régulière, comparativement aux 60 qu’elle diffuse cette année.
Bell Média et le Groupe CH ont annoncé la prolongation de leur entente pour “plusieurs années”, confirmant ainsi que le Réseau des Sports restera le diffuseur régional officiel du Tricolore pour la prochaine ère.
Mais derrière cette annonce se cache une tension énorme : TVA Sports n’est pas encore écartée… mais elle se bat pour sa survie.
Tant que Québecor ne s’est pas exprimée publiquement, cela veut dire une seule chose : les négociations continuent. Et à l’intérieur des murs de TVA, le climat est électrique.
RDS garde la production, la diffusion et la visibilité du Canadien pour les amateurs du Québec et de l’Atlantique.
La direction de Bell Média parle d’une entente “à long terme”, mais refuse de dévoiler les détails financiers.
« Nous ne commentons pas les modalités de nos ententes », a-t-on simplement déclaré.
Le contrat assure à RDS la diffusion des matchs préparatoires et de 45 parties de saison régulière, soit quinze de moins que cette année.
Et pour la première fois, le communiqué ne mentionne aucune sous-licence parallèle, aucun partage potentiel.
La conséquence est directe : il reste 39 matchs à attribuer... et les séries éliminatoires.
C'est ce qu'on appelle les droits nationaux francophones. C'est là que se joue le destin de TVA Sports.
Vendredi, les journalistes de La Presse ont tenté de joindre Pierre Karl Péladeau et Louis-Philippe Neveu, président de TVA Sports.
Aucune réponse.
Pas un mot.
Pas même un commentaire de politesse.
Ce silence n’est pas un hasard.
À TVA Sports, tout le monde sait qu’en ce moment, chaque mot compte. Aucune sortie publique, aucun message sur les réseaux sociaux, aucune fuite organisée : la direction veut éviter de donner l’impression que la bataille est perdue.
Mais à l’interne, les rumeurs s’enflamment.
Les employés, qui ont déjà survécu à plusieurs vagues de coupures, vivent dans l’incertitude totale.
“C’est la dernière chance, la dernière négociation avant la fin”, souffle un cadre anonyme.
“Si TVA Sports ne récupère pas une partie de ces 39 matchs, tout s’écroule.”
Les droits nationaux francophones, qui couvrent les 39 matchs non attribués ainsi que les séries éliminatoires, appartiennent toujours à TVA Sports, mais seulement pour une saison encore.
Après 2026, tout redevient libre. Et Bell, via Rogers, a toutes les cartes.
Rogers a signé un contrat record de 11 milliards de dollars sur 12 ans avec la LNH, renouvelant ainsi sa position de maître absolu de la diffusion au Canada. Rogers décide qui diffuse quoi, et à quel prix.
Et tout indique que le prochain cycle favorisera un partage inédit entre Bell, Amazon Prime Video, et peut-être Habs TV, la future plateforme numérique du Groupe CH.
TVA Sports, elle, n’aura peut-être qu’un petit pourcentage de ce gâteau. Quelques matchs, à peine. De quoi sauver la face.
Mais pas de quoi sauver la chaîne à long terme.
Le CH, lui, veut un nouveau modèle.
Lors d’un événement organisé par le Cercle canadien de Montréal, France-Margaret Bélanger, présidente du secteur sports et divertissement du Groupe CH, avait annoncé la couleur :
« Le sport ne se regarde plus seulement à la télévision. Il se vit à travers les plateformes numériques, les réseaux sociaux, les expériences immersives. Nous devons rejoindre les partisans partout où ils sont. »
Cette déclaration, prend tout son sens aujourd’hui. Le Canadien veut s’affranchir du modèle télévisuel classique. Il veut contrôler lui-même la diffusion de son produit.
C’est là qu’entre en jeu le mystérieux projet Habs TV, une application payante qui permettrait aux fans de regarder les matchs directement via une plateforme du Canadien, sans passer par Bell ou Québecor.
Et dans cette équation, un partenaire se démarque : Amazon Prime Video.
Selon plusieurs sources, Amazon serait prêt à financer une partie de la production et à offrir une vitrine internationale au CH, tout en partageant les revenus d’abonnement. Un modèle qui changerait complètement les règles du jeu au Canada.
À TVA Sports, on ne se fait plus d’illusions. Les pertes cumulées dépassent les 250 millions de dollars. Les revenus publicitaires se sont effondrés. Et les animateurs vedettes craignent désormais le pire scénario : une fermeture graduelle d’ici l’été 2026.
Mais Louis-Philippe Neveu n’a pas encore abdiqué.
Il tente de convaincre Rogers de lui confier un petit lot de matchs en sous-licence, question de sauver des emplois et de maintenir une présence symbolique dans le paysage sportif québécois.
Un dossier de la dernière chance.
À l’interne, on parle de “quelques miettes”, “une poignée de matchs symboliques” ou même “un échange de visibilité”.
Bref, TVA Sports espère tout, mais n’attend plus rien.
Et pendant ce temps, Bell célèbre sa victoire en silence. Ou plutôt une défaite à saveur de victoire.
RDS garde 45 matchs. TSN en obtient 50. Une parte de 15 matchs pour le réseau francophone, mais...
Crave héberge les séries documentaires (La reconstruction).
Et tout ce qui entoure le CH, émissions, contenu exclusif, archives, coulisses, passe désormais par les plateformes du groupe Bell.
On ne serait pas étonné que Crave ramasse quelques matchs parmi les 39 restants et les séries éliminatoires.
La série La reconstruction, produite en partenariat avec le CH, a d’ailleurs été la série la plus visionnée sur Crave en 2024, surpassant même certaines productions anglophones.
Une vitrine parfaite pour consolider la relation entre Bell et le Canadien, mais aussi une preuve que le public québécois suit déjà le virage numérique.
À Montréal, du côté de TVA Sports, le silence en dit plus que mille communiqués.
Les journalistes attendent un signe, les employés attendent un mot.
Mais rien ne vient.
Pas de message de Péladeau.
Pas d’entrevue de Neveu.
Rien.
Dans les bureaux, l’ambiance est lourde. Certains employés ont déjà envoyé leur CV ailleurs. D’autres espèrent un miracle.
“On est dans le noir complet”, confie un technicien.
“On apprend les nouvelles par les journaux. On sait juste que tout se joue maintenant.”
Et tout se joue, effectivement, dans un silence glacial.
Ce n’est pas encore fini. Mais tout indique que le compte à rebours est commencé.
Bell a consolidé ses positions.
Rogers détient la clé.
Amazon entre dans le jeu.
Et TVA Sports, pendant ce temps, se bat pour quelques miettes.
Tant que Québecor ne parle pas, l’espoir subsiste.
Mais plus les jours passent, plus l'inquiétude grandit.
Le hockey québécois entre dans une nouvelle ère.
Une ère de plateformes, d’abonnements, et de contenus exclusifs.
Et dans cette ère numérique, TVA Sports tente de sortir la tête de l'eau.