Propos de Sidney Crosby: la réponse de Nick Suzuki

Propos de Sidney Crosby: la réponse de Nick Suzuki

Par Nicolas Pérusse le 2025-11-11

Pendant que Sidney Crosby fait l’éloge de Macklin Celebrini et plaide pour sa présence aux Jeux olympiques de 2026, la vraie réponse ne vient pas d’un micro, mais de la glace.

Et cette réponse, c’est Nick Suzuki qui la donne soir après soir. Car pendant que les médias canadiens s’enflamment (avec raison) pour le prodige de 19 ans des Sharks, Sportsnet a tranché : Suzuki est le leader précoce pour le trophée Selke, remis au meilleur attaquant défensif de la LNH.

Autrement dit, le capitaine du Canadien n’est pas seulement dans la conversation olympique, il a son poste assuré.

Quand Aleksander Barkov, le roi incontesté du Selke, a subi une blessure potentiellement de fin de saison au genou lors du camp d’entraînement des Panthers, le trophée était disponible pour tous les meilleurs joueurs two-way de la LNH.

Et dans le vide laissé par le Finlandais, Suzuki en a profité sur-le-champ.

En quinze matchs, Suzuki est devenu le joueur du Canadien le plus rapide à atteindre le plateau des 20 points depuis Saku Koivu en 1996-1997, un exploit vieux de près de trente ans.

Mais ce sont ses chiffres défensifs qui ont fait lever les sourcils de Sportsnet. À cinq contre cinq, sur plus de 200 minutes de jeu, il n’a été présent que sur quatre buts accordés.

Une statistique qui illustre mieux que n’importe quel discours à quel point son jeu sans la rondelle est devenu étouffant pour ses adversaires.

Son coéquipier Cole Caufield l’a résumé avec franchise :

« Tout le monde sait ce qu’il fait avec la rondelle, mais sans la rondelle, il est franchement agaçant (gossant en bon québécois). »

Et c’est là que se trouve la clé du mystère Suzuki. Ce qu’il fait sans qu’on le voie.

Les chiffres avancés racontent la même histoire : Suzuki est le meneur de toute la LNH chez les attaquants pour les batailles de rondelle remportées à cinq contre cinq, avec 51 duels gagnés.

Il figure aussi parmi les meilleurs bloqueurs de passes, notamment en zone neutre, où il se classe 11e dans cette catégorie.

Et quand il quitte la glace ? Montréal souffre immédiatement. Le taux de buts attendus du Canadien à cinq contre cinq passe de 56,6 % avec Suzuki à 48,1 % sans lui. C’est une chute effrauante qui démontre qu’il est littéralement le centre de gravité de l’équipe.

Ce sont précisément ces données qui font de Suzuki un candidat si légitime au Selke. Parce que le trophée, par définition, récompense le joueur qui excelle dans les aspects défensifs du jeu.

Mais dans la pratique, depuis deux décennies, il couronne les attaquants complets, capables d’exceller dans les deux sens. Sur les vingt derniers récipiendaires, dix-sept ont maintenu une moyenne d’au moins 0,75 point par match, et la moyenne combinée des gagnants s’établit à 0,94 point par match.

Suzuki ? Il affiche 1,33 point par match. Et ce n’est pas un feu de paille : il a enchaîné une série de 12 matchs consécutifs avec au moins un point, la plus longue de toute la ligue cette saison. À 24 ans, il s’impose déjà comme le joueur le plus constant et le plus polyvalent du circuit.

Sportsnet va plus loin en soulignant que la ligne Caufield-Suzuki-Slafkovsky est aujourd’hui l’une des plus dominantes de la LNH.

Ensemble, ils ont écrasé leurs adversaires 11-3 à cinq contre cinq tout en générant près de 60 % des buts attendus. C’est un bond spectaculaire par rapport au 52,5 % qu’ils affichaient la saison dernière.

Leur secret ? Transformer la défense en attaque. Avec eux sur la glace, Montréal a contrôlé 20 minutes de possession en zone offensive à cinq contre cinq, le deuxième total le plus élevé de toute la ligue, derrière seulement la ligne d’Artturi Lehkonen, Nathan MacKinnon et Martin Nečas au Colorado.

« Notre jeu collectif m’aide énormément, » a confié Suzuki. « On a une vraie chimie. »

C’est là toute la beauté du jeu du capitaine. Il ne domine pas seulement parce qu’il marque, mais parce qu’il empêche les autres de respirer. Son hockey est tellemeny méthodique et structuré. 

Le seul bémol? Le désavantage numérique.

Certains observateurs, dont Dom Luszczyszyn de The Athletic, notent une petite faille dans son dossier : Suzuki ne joue presque jamais en désavantage numérique. À peine six minutes de jeu à court d’un homme cette saison, soit 24 secondes par match.

Mais l’histoire du Selke montre qu'il est possible de le gagner sans jouer beaucoup en "pk". 

Pavel Datsyuk, vainqueur du trophée en 2010, jouait 40 secondes par match à court d’un homme. Auston Matthews, finaliste l’an dernier, en jouait 43. Suzuki n’est donc pas un cas isolé.

Les Canadiens, eux, ont choisi de confier le travail de désavantage à Jake Evans et Josh Anderson, afin de préserver Suzuki pour les moments critiques et lui permettre d’imposer son rythme dans les missions offensives et défensives de 5 contre 5.

Si Suzuki remportait le Selke malgré cette utilisation limitée en infériorité, ce serait le signe que sa domination globale suffit à redéfinir ce qu’est un « attaquant défensif moderne ».

C’est là que la boucle se referme. Il y a quelques jours à peine, Sidney Crosby encensait publiquement Macklin Celebrini, affirmant qu’il « avait gagné le droit d’être dans la conversation » pour Équipe Canada aux Jeux de Milan 2026.

Mais pendant que Crosby distribue les compliments au prodige de 19 ans sans nommer le capitaine du CH une seule fois, c’est Suzuki qui accomplit, chiffres à l’appui, ce que le Canada exige d’un centre olympique : produire offensivement, dominer défensivement et porter son équipe au sommet du classement.

Celebrini, avec ses 24 points en 16 matchs à San Jose, est un jeune phénomène sur une équipe qui va de mieux en mieux au classement, alors que tout le monde les attendait dans la cave.

Suzuki, avec ses 20 points en 15 matchs, est le moteur d’un club premier de sa division. Et surtout, il joue un hockey complet, dans toutes les zones de la patinoire.

Crosby peut bien préférer l’enthousiasme de la jeunesse ; Hockey Canada, lui, ne pourra pas ignorer les faits. Parce que les faits disent que Suzuki est le meilleur joueur de centre canadien à cinq contre cinq depuis le début de la saison.

Aucun autre n’a un tel impact sur les buts attendus de son équipe, aucun n’a un tel différentiel entre ses présences et ses absences sur la glace.

Et si l’on considère que le Selke, historiquement, a souvent servi d’antichambre pour les postes clés au sein d’Équipe Canada (Bergeron, Toews, Stone), alors Suzuki se positionne exactement où il doit être : au cœur du débat olympique.

Une saison manifeste

Suzuki l’avait dit lors du camp d’orientation de Team Canada :

« Je peux jouer offensif, défensif, en avantage numérique ou en désavantage, peu importe ce qu’ils ont besoin. Je suis un outil polyvalent qui peut jouer n’importe où dans l’alignement. »

Alors oui, Sidney Crosby a raison sur une chose : Macklin Celebrini mérite d’être dans la conversation.

Mais si l’on parle de mérite, de constance, et de leadership véritable, le seul nom que le Canada devrait retenir aujourd’hui, c’est celui qui porte fièrement le « C » à Montréal.

Au final, les deux devraient faire partie de l'équipe. Il faudrait juste que Crosby arrête d'ignorer Nick Suzuki...