C’est un renversement d’image qui arrive à point pour Kirby Dach.
Depuis trois ans, le jeune centre du Canadien de Montréal a été la cible de toutes les frustrations. Fragile, souvent blessé, incapable d’enchaîner plus de 20 matchs sans un nouveau coup dur…
Il incarnait à lui seul les promesses non tenues d’un club en reconstruction. Mais depuis mardi dernier, il n’est plus seul. Il n’est plus le « Monsieur Flop » de Montréal. Ce surnom, autrefois réservé aux joueurs qui déçoivent, vient de changer de porteur : il appartient maintenant à François Legault.
La Presse n’a pas fait dans la dentelle : elle a qualifié François Legault de “Monsieur Flop”, en une de section politique. Et elle n’a pas tort. L’homme qui se voyait comme le père de la nation pendant la pandémie est aujourd’hui au cœur d’une débâcle politique totale : la saga SAAQclic, les 7 millions donnés aux Kings de Los Angeles, les échecs en santé, en éducation, l’abandon du projet Northvolt…
Tout ça alors que la CAQ ne serait même pas en mesure de remporter un seul siège si des élections avaient lieu aujourd’hui.
Pendant ce temps, Kirby Dach, lui aussi perçu comme une promesse non livrée, peut souffler. Son étiquette de flop se dissout dans un bain de scandales politiques bien plus grands que lui.
Et pour une fois, ce n’est pas un jeune hockeyeur qui doit porter la honte d’un peuple, mais bien un chef d’État.
Rappelons tout de même l’origine de cette pression : Dach a été acquis à fort prix (Alex Romanov, puis un choix de premier tour devenu Frank Nazar) et s’est blessé presque aussitôt après avoir enfin montré de belles choses.
Il n’a joué que 18 matchs la saison dernière, victime d’une grave blessure au genou. Depuis, le silence autour de son état a nourri une inquiétude constante, d’autant plus que Kent Hughes a multiplié les pistes de remplacement : Mason McTavish, Jared McCann, Ryan O’Reilly, Marco Rossi, Pavel Zacha…
Et pourtant, c’est en pleine tourmente politique que Dach trouve enfin un moment de répit. Parce qu’à Brossard, il s’entraîne. Parce qu’il ne se cache plus. Et surtout, parce que le public a trouvé un bouc émissaire bien plus large que lui.
L’échec du projet Northvolt a été la claque de trop. Une usine de batteries à 7 milliards, censée propulser le Québec dans le club sélect des leaders de la transition énergétique, qui s’évapore en catimini pendant que François Legault tente de survivre à la commission Gallant.
Le parallèle est brutal : on camoufle l’échec économique du siècle derrière une comparution embarrassante, comme un joueur blessé qu’on retire discrètement de la feuille de match.
Difficile de ne pas faire le lien avec les absences de Dach, autrefois glissées sous le tapis. Mais à la différence près que Dach n’a jamais promis de révolutionner l’économie québécoise.
Il voulait seulement aider une équipe de hockey à redevenir compétitive. Legault, lui, promettait un Québec plus fort. Il lègue un champ de ruines.
Le plus ironique, c’est que Dach et Legault partagent malgré eux un point commun : une gestion douteuse du temps et des attentes.
Dach a été envoyé dans la gueule du loup trop vite, sans encadrement, avec le poids de devenir le 2e centre aussitôt.
Legault, lui, s’est pris pour le héros, croyant qu’un coup de baguette magique suffirait à faire du Québec une puissance technologique verte.
Et dans les deux cas, les conséquences sont sans pitié. Pour Dach, c’est un corps fragile et une santé mentale ébranlée. Pour Legault, c’est un parti politique en chute libre, des milliards évaporés et une population qui ne croit plus en lui.
Ce transfert du surnom “Monsieur Flop” est plus qu’une blague médiatique. Il symbolise un déplacement des attentes et des frustrations populaires. Montréal, comme tout le Québec, a besoin d’un punching bag. Pendant deux ans, c’était Kirby Dach. Aujourd’hui, c’est François Legault.
Et pendant que le premier ministre se noie dans les justifications, Dach peut respirer un peu. S’il revient fort cette saison, il aura écrit une des plus belles histoires de rédemption du sport québécois récent. Et dans ce contexte, même une saison de 45-50 points ferait de lui un héros comparé au naufrage caquiste.
La comparaison entre le sort de Dach et celui de Legault doit aussi servir de leçon aux partisans : le hockey est un jeu, la politique est une gestion du réel.
Si un jeune joueur comme Dach mérite notre patience, un gouvernement qui engloutit des milliards sans résultat mérite notre colère.
Et c’est exactement ce qui est en train de se produire. Les flops sportifs, au fond, sont sans conséquences réelles.
Les flops politiques, eux, hypothèquent l’avenir d’un peuple. Et c’est ce que François Legault vient d’apprendre à ses dépens.
Au caucus, des voix s’élèvent déjà pour préparer l’après-Legault, et même ses alliés les plus proches n’osent plus le défendre publiquement.
Dans ce climat de fin de règne, le titre de « Monsieur Flop » n’est plus une caricature : il reflète l’image d’un premier ministre isolé, acculé au mur, qui voit son autorité se dissoudre.
Et c’est cette fragilité politique qui rend la comparaison avec Dach encore plus cruelle : l’un a la chance de se relever sur la glace, l’autre se noie chaque jour un peu plus dans la tempête.
Kirby Dach a longtemps porté, seul, la honte d’un club qui ne gagnait pas. Mais aujourd’hui, la honte a changé de camp. Elle s’est invitée à l'Assemblée nationale.
Et pendant que la CAQ s’effondre dans les sondages, le jeune centre du Canadien peut se relever, tranquillement, et redevenir ce qu’il aurait toujours dû être : un joueur qu’on encourage, pas qu’on crucifie.
Monsieur Flop? Non. Ce n’est plus lui. C’est écrit noir sur blanc. C’est désormais François Legault. Et personne ne le conteste.