C’est la bombe médiatique du week-end.
Selon Hugues Léger, spécialiste de l’économie du sport chez Cogeco, TVA Sports est bel et bien à la table des négociations, en ce moment même, avec Amazon Prime.
Une information qui change tout.
Car derrière le nouveau contrat de Bell Média et du Canadien de Montréal, qui accorde 45 matchs à RDS et 50 à TSN, se cache une répartition bien plus complexe.
Une fragmentation soigneusement orchestrée entre les géants du câble et du streaming… et où TVA Sports tente désespérément de s’accrocher.
« C’est certain qu’Amazon est à la table » affirmeHugues Léger.
Invité à l’émission de Cogeco, le spécialiste du marketing sportif et DG de Tennis Montréal, Hugues Léger a été droit au but:
« Écoute, ça tombe bien que ça sorte aujourd’hui, ça fait quelques fois qu’on en parle. Et là, tout d’un coup, on commence à voir comment ça se profile, cette répartition de la licence de diffusion des matchs du Canadien. Il y a des discussions actives en ce moment, avec plusieurs joueurs, dont des plateformes de streaming. C’est certain qu’Amazon est à la table. »
Une phrase lourde de sens.
Amazon Prime Video, déjà positionnée dans le hockey anglophone avec les Monday Night Games, serait en train de négocier un bloc francophone pour compléter l’entente RDS/TSN.
Et ce n’est pas tout.
« Je crois qu’on ne connaît pas le prix de cette licence-là parce qu’on veut éviter de nuire aux autres négociations en cours. Il y a beaucoup de mouvement en ce moment. »
Le secret autour du contrat Bell–Canadien n’a rien à voir avec la confidentialité habituelle des chiffres. Il sert à protéger les tractations en coulisse. Et ces tractations incluent TVA Sports.
Depuis vendredi, un détail intrigue toute l’industrie : pourquoi TSN a-t-elle obtenu 50 matchs alors que RDS n’en a que 45?
Pour Hugues Léger, la réponse est simple :
« Ces cinq matchs-là, est-ce qu’ils vont rester dans la famille Bell? Et pourquoi pas un Crave qui viendrait faire une offre pour ça? Moi, c’est ce que j’anticipe, mais ce n’est pas garanti. »
Autrement dit, Crave pourrait récupérer ces cinq matchs “flottants” dans une formule hybride, à la frontière entre télévision traditionnelle et streaming.
Et si on fait le calcul complet :
45 matchs sur RDS;
50 sur TSN;
environ 5 en exclusivité Crave.
Cela laisse 35 matchs de saison régulière et les séries éliminatoires encore en jeu, le cœur des droits nationaux francophones.
Et selon Léger, c’est précisément ce lot de 35 matchs et des séries qui se négocie actuellement entre Rogers, Bell, Amazon et TVA Sports.
TVA Sports est bel et bien à la table… mais au bord du gouffre...
Pour Hugues Léger, la situation est claire :
« Pour RDS et pour TVA Sports, c’est une question de survie. Avoir une offre conséquente, c’est vital pour générer des revenus publicitaires. Je dis bien “devraient”, parce qu’on sait que TVA Sports n’a pas réussi à rentabiliser ce gros contrat depuis une décennie. »
Le ton est sec, mais lucide.
TVA Sports n’a plus le luxe de refuser quoi que ce soit.
Elle doit absolument obtenir un minimum de matchs du Canadien, sinon la station ne survivra pas à 2026.
« Ils vont devoir être moins gourmands, parce qu’au niveau du bilan, ce n’était pas soutenable. TVA Sports va devoir accepter un “package” plus petit, c’est certain. »
Léger résume ainsi la tragédie : TVA Sports est à la table, mais sans pouvoir de négociation réel.
Elle mendie une présence symbolique dans un écosystème dominé par Bell et Amazon.
Malgré les chiffres rouges, malgré la fuite des talents, malgré les pertes cumulées, Pierre Karl Péladeau ne veut pas lâcher.
Pour des raisons économiques, certes, mais surtout par orgueil.
Le patron de Québecor n’a jamais accepté l’idée de voir son réseau sportif mourir.
Et selon plusieurs sources internes, il aurait même donné le feu vert à Louis-Philippe Neveu, président de TVA Sports, pour faire toutes les concessions nécessaires afin de rester dans la danse.
Même les plus douloureuses.
Si TVA Sports obtient finalement un petit bloc de matchs, ce sera au prix fort. Pas dans les chiffres, mais dans les salaires.
Les observateurs s’attendent à une nouvelle vague de compressions si Québecor décroche un contrat réduit avec la LNH.
Ce scénario impliquerait des baisses de salaire massives pour les employés vedettes.
Jean-Charles Lajoie en sait quelque chose.
À l’époque où il frôlait les 400 000 $ par année, on lui avait demandé de couper. Il avait accepté.
Aujourd’hui, il gagne beaucoup moins, mais il est resté, par loyauté et par instinct de survie.
Et demain?
Les Renaud Lavoie, Élizabeth Rancourt, Patrick Lalime, Félix Séguin et compagnie devront peut-être faire la même chose.
Le mot circule déjà : “Si on garde le hockey, tout le monde devra mettre la main à la pâte.”
Mais dans les coulisses, certains posent la vraie question :
Est-ce que Pierre Karl Péladeau lui-même acceptera de couper dans son propre salaire, et dans celui de sa famille, pour sauver sa chaîne?
TVA Sports n’a plus de marge d’erreur.
Ses pertes cumulées dépassent les 250 millions de dollars, ses revenus publicitaires s’effritent, et ses parts de marché s’effondrent.
Mais paradoxalement, c’est cette même fragilité qui la maintient à la table.
Le verdict de Léger : « Les pièces du puzzle se placent tranquillement »
On commence à voir le casse-tête se placer. Bell garde le bloc principal, Amazon discute pour le streaming, Crave se garde un espace hybride, et TVA Sports essaie d’obtenir un petit package pour ne pas disparaître. C’est une question de semaines avant qu’on sache vraiment comment tout ça va se répartir. »
Une phrase qui résume toute la situation : le sort de TVA Sports est suspendu à un fil.
Un fil qui passe par par Amazon, Bell et le Canadien.
La fin ou la renaissance?
Ce qui se joue aujourd’hui dépasse la simple question des droits télé.
C’est la survie de la télé sportive francophone indépendante.
Si TVA Sports obtient quelques matchs, ce sera une victoire symbolique.
Si elle échoue, ce sera la fin d’un chapitre entier de l’histoire médiatique québécoise.
Pour Hugues Léger, une chose est sûre :
« TVA Sports n’a pas le choix. C’est une question de vie ou de mort. Et tout le monde le sait. »